Taravao : de la boue au robinet


Le bain de boue à domicile : un concept.
TARAVAO, le 14 novembre 2016 - La grogne monte à Taravao. À chaque épisode de pluie, l'eau du robinet prend une couleur chocolat. Le problème dure depuis des années, mais s'est empiré ces derniers mois à cause de travaux au-dessus du captage communal. La mairie est en conflit avec l'entrepreneur qu'elle juge responsable.

La commune de Taravao est une des plus dynamiques de Tahiti au niveau économique et démographique… Pourtant, elle reste rurale par de nombreux aspects. Ainsi, aux grosses pluies l'eau courante est remplie de terre. La moindre tâche ménagère devient impossible parfois des jours entiers…

Sur internet, la grogne des habitants devient de plus en plus audible. De nombreux internautes publient des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux. Par exemple sous des photos de boue sortant du robinet, cette remarque de Turia : L'eau de Taravao depuis deux jours. Pas besoin de café ou Milo... Non mais allô quoi". Une lectrice nous a aussi envoyé une photo sur notre page Facebook avec ce commentaire mardi dernier : "ça fait quatre jours qu'à Taravao on a de l'eau boueuse au robinet, impossible de se laver ou de faire une lessive à cause d'une personne qui travaille sur la montagne. C'est scandaleux." Puis un nouveau message vendredi : "et voilà il pleut, c'est reparti."

Une salariée de l'Ifremer habitant un petit immeuble à Taravao nous confirme que les douches, la lessive et même le café du matin sont impossibles parfois plusieurs jours lorsqu'il pleut. "Heureusement dans ma résidence il y a une piscine pour se baigner. Pour l'eau potable on va à la source ou on achète des packs d'eau." Elle précise que le problème est récurrent en saison des pluies.

"LA COMMUNE A SOMMÉ L'ENTREPRENEUR D'ARRÊTER IL Y A SIX MOIS"

Le directeur des services techniques de la commune reconnait que l'eau peut être parfois assez peu engageante : "On va dire que l'eau est trouble lorsqu'il y a vraiment la saison des pluies. Mais quand il y a des travaux dans les hauteurs, n'importe quelle averse va envoyer toute la terre dans la rivière."

Et justement, les problèmes récents dont se plaint la population seraient causés par un de tels travaux : "depuis un certain moment l'entreprise de Michel Van-Bastolaer travaille au-dessus des captages, à la demande des propriétaires du terrain. Un huissier est allé sur place pour faire un constat jeudi dernier. Puis il a plu et évidemment la terre est allée dans la rivière. Maintenant le captage est plein de boue. L'entreprise a été sommée d'arrêter il y a six mois, mais elle a continué. Ils n'ont pas non plus toutes les autorisations. Là on attend le constat."

La photo de l'éboulement dont parle le propriétaire : "On voit la rivière couleur "chocolat" dont le cours est complètement obstrué par un glissement naturel de plusieurs centaines de m3 de boues mélangées à la végétation. Ce phénomène arrive régulièrement après les grosses pluies."
L'entrepreneur répond que "moi je fais les travaux c'est tout, faut voir avec le propriétaire. La mairie dit que c'est moi, mais l'Environnement a accepté."

Le propriétaire, Christian Mignot, se défend d'être le seul responsable du problème : "On a arrêté les travaux à chaque fois que la mairie s'est manifestée. Ils mettent ça sur notre dos, mais je suis sur place, je vois bien ce qu'il se passe, et quand il y a des éboulements naturels qui tombent dans la rivière, c'est moi. Dès que l'eau est rouge c'est moi. Je suis le bouc émissaire de la mairie. J'ai arrêté les travaux à chaque fois que la mairie nous l'a demandé. On a mis en place les mesures qu'ils nous ont demandées, mais apparemment ça ne suffit pas. Nous, on fait juste une route d'accès au domaine. Il est évident qu'on prend des mesures contre la pollution, même si ça ne suffit pas toujours. J'ai des preuves qu'il y a des éboulements naturels. Quand la plainte a été déposée par la mairie en décembre, je me suis rendu au captage de la mairie (qui entre parenthèse a été fait par la mairie sur notre terrain sans autorisation). Il y avait un verrou créé par un éboulement énorme, 300 ou 400 mètres au-dessus, qui a même créé un barrage. Et ça, on dit encore que c'est Mignot qui a pollué… On ne peut pas dire que tout est de ma faute."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 14 Novembre 2016 à 16:54 | Lu 9747 fois