Taputapuātea : un site qui mérite d'être "mis en valeur"


PAPEETE, le 11 juin 2017 - Inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco depuis ce dimanche, le site de Taputapuātea attire tous les regards. De nombreux touristes et habitants de Polynésie s'y rendent chaque année. Beaucoup regrettent que le site ne soit pas plus riche en explications et en indications.

L'euphorie n'est pas encore retombée mais déjà les voix des mécontents s'élèvent. L'ensemble cérémoniel Te Po, dont fait partie le marae Taputapuātea, a été inscrit ce dimanche sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Habitants ou touristes, tous sont ravis de voir le marae faire partie de la longue liste des sites classés. Mais beaucoup se désolent du si peu qui est fait sur le site en lui-même. "J'aime beaucoup ce site. C'est grandiose de voir ce marae et de connaître ce qu'il représente pour la culture polynésienne. Mais ce qui est dommage, c'est d'arrivé là-bas et de n'avoir aucun panneau d'affichage, aucune explication…", tempête un habitant de Papara.

Quelques indications jalonnent les abords du site. Ils informent les curieux de passage de la faune et la flore environnante. Une partie est aussi réservée à l'histoire des marae en Polynésie. "C'est un des reproches que l'on peut faire, les panneaux sont trop génériques. Ils ne parlent pas en particulier de Taputapuātea, qui lui est très spécifique", explique Marie-Claude Rajaud, présidente de l'association Te Tupuna qui regroupe les pensions et les hôtels de l'île de Raiatea et gérante d'un hôtel. A l'entrée du site se trouve un office du tourisme. "Malheureusement, il n'est ouvert qu'aux heures d'ouverture des bureaux et fermé le week-end Un comble pour un site touristique!", sourit Florian, habitant de l'île de Tahiti, qui a passé quelques jours récemment sur Raiatea.

Le manque d'histoire et de détails s'ajoute à un manque d'indication pour certains. Les habitués le savent : un marae est un lieu sacré. "Le marae est très bien entretenu. En revanche, aucun chemin clair n'est indiqué pour évoluer sereinement sur le site. Nous ne savons pas si l'endroit où nous marchons est autorisé", continue le trentenaire.

Autre point négatif selon les touristes : la mise en valeur du site. "J'ai été dans des sites classés par l'Unesco ailleurs dans le monde, et je peux dire que j'ai vu la différence. On sent une véritable volonté de préserver et de mettre en valeur le site", insiste l'habitant de Papara.

"SUR LA BONNE VOIE"

Avec l'inscription du site de Taputapuātea au patrimoine mondial de l'Unesco, de nombreuses choses devraient changer. "Il y a certains aménagements qui sont en cours. Un chemin de randonnée au-dessus du marae est en train d'être tracé", confie un acteur du tourisme de l'île de Raiatea. Quant à l'affichage et aux explications, de nombreux panneaux devraient être installés.

Des formations de guide du marae devraient être organisées pour les locaux. "Il faut que les touristes se rassurent. C'est sur la bonne voie. Il y a eu un gros travail de fait pour l'inscription et tout devrait être mis en place l'année prochaine", continue le professionnel.

Christophe Sand, directeur de l'institut d'archéologie de Nouvelle-Calédonie et du Pacifique et membre du conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), abonde dans ce sens. "Si le site n'a pas été plus mis en valeur, c'est que les promoteurs du projet avaient peur de faire quelque chose qui soit mal venu dans le cadre du projet de classement", analyse-t-il, avant d'ajouter : "Les choses vont changer de façon drastique dans les années à venir avec cette inscription."

Pour l'archéologue, le nombre de touristes va augmenter de manière rapide. Il faudra donc faire face à de nouveaux enjeux. "Dans dix ans, les gens se plaindront d'avoir trop d'informations et de ne plus profiter de la sacralité de ce lieu… Il ne faut pas que cela devienne Disneyland comme à Hawaii… "

Acteurs du tourisme, archéologues et touristes s'accordent tous pour dire que le site a besoin d'être mis en valeur, avec ses spécificités. Pour Eric Conte, directeur de la maison des Sciences et de l'homme du Pacifique, la protection des sites archéologiques polynésiens est nécessaire. S'il espère que le nécessaire sera fait à Taputapuātea, il estime qu'il faudrait une vision plus globale. "On attend une véritable politique d'archéologie préventive en Polynésie. Il faut mettre en place une politique de protection du patrimoine. Des efforts ont été faits il y a quelques années, mais il y a encore un peu de travail", détaille Eric Conte. L'entrée du site sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco marque en tout cas un tournant dans son histoire. Taputapuātea devrait bientôt évoluer.

Une surveillance à la loupe

Christophe Sand est président de l'Icomos dans le Pacifique. Selon l'archéologue, le site de Taputapuātea fera l'objet d'une grande surveillance par l'Unesco. "Tout sera vérifié. Les équipes de l'Unesco vont vérifier si les règles éditées par l'Unesco seront bien appliquées. Il y aura des missions de spécialistes envoyées sur place pour faire un état des lieux. Des sites ont déjà été retirés de la liste du patrimoine mondial de l'Unesco car ils avaient perdu de leur valeur exceptionnelle et universelle. Il y a des règles strictes pour éviter que ces patrimoines ne deviennent des Disneyland."

Rédigé par Amelie David le Mardi 11 Juillet 2017 à 03:00 | Lu 3010 fois