Tapura Huira'atira : "La collectivité a besoin d’élus sérieux et responsables", souligne Marcel Tuihani


PAPEETE, 17 juin 2015 – Le président de l’Assemblée de la Polynésie française analyse les nouveaux équilibres en jeu à Tarahoi et leur limite à quelques semaines de l’ouverture de la session budgétaire.

L’issue favorable des débats qui s'annoncent pour la réforme de la PSG et le budget primitif 2016, tient selon lui à l'équilibre institutionnel résultant de la capacité du gouvernement à "proposer des mesures sérieuses, de vraies solutions qui répondent aux problèmes de notre collectivité et qui rassurent", conjuguée à l’"attitude responsable" des 57 représentants de l’Assemblée. Marcel Tuihani en appelle au sérieux et à la responsabilité de tous.

Le parquet a transmis un réquisitoire définitif demandant le non-lieu, vous concernant, dans l’affaire de la vaisselle et celle des employés de la présidence, alors que le renvoi en correctionnelle est demandé à l’encontre de Gaston Flosse et de Pascale Haiti pour détournement. Est-ce justice selon vous ?

Marcel Tuihani : Me concernant, c’est plus qu’un soulagement. La justice semble vouloir considérer que je n’ai aucun lien avec ces affaires. Et d’ailleurs n’oublions pas que même le président Gaston Flosse a déclaré que je n’avais rien à faire dans le dossier d’instruction. Donc oui, c’est justice en ce qui me concerne et j’accueille cette décision avec beaucoup de soulagement.

Et en ce qui concerne Gaston Flosse et Pascal Haiti dont le parquet requiert le renvoi pour détournement ?

Marcel Tuihani : L’affaire a révélé qu’il y avait des points de litige qui concernent d’une part le dédouanement de la vaisselle, payé par la Présidence et d’autre part le fait que ces effets ont été offerts par des sponsors à Gaston Flosse, qui était alors Président du Pays. J’espère que la justice apportera toute la clarté dans ce dossier. On ne peut que regretter, durant cette période, qu’une affaire judiciaire supplémentaire vise encore Gaston Flosse.

Cette période, en ce qui concerne votre fonction institutionnelle, s’illustre notamment par la formation d’un nouveau groupe à l’Assemblée. Quelle analyse faites-vous des nouveaux équilibres à Tarahoi, depuis l’apparition du Tapua Huira’atira ?

Marcel Tuihani : C’est vrai qu’il s’agit d’une question d’équilibre et d’une volonté de rechercher une majorité, pour que le gouvernement trouve des appuis au sein de l’Assemblée. De mon point de vue, le gouvernement disposait d’une majorité de 38 élus Tahoera’a avec, reconnaissons-le, un soutien affirmé des élus du groupe A Ti’a Porinetia. Cette majorité existait. Il y avait certes des points de divergences. Mais ont-ils justifié une cassure de cette majorité ? De mon point de vue, non.

La question ne se pose plus puisque le chemin inverse est devenu impossible après les vagues de « démissions d’office » prononcées par les instances du Tahoera’a. Ne pensez-vous pas que la collectivité a besoin d’une majorité ferme pour soutenir l’action du gouvernement ?

Marcel Tuihani : (…) Ce point a été mis en cause par Standard and poor’s dans sa dernière notation de la Polynésie française : l’instabilité politique. Celles et ceux qui ont participé à cette cassure, de mon point de vue, doivent assumer ce déséquilibre politique.
Quant à la majorité ferme, bien sûr que la collectivité en a besoin (...)
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Le groupe Tahoera’a déclare aujourd’hui qu’il ne soutiendra plus ce gouvernement. La collectivité polynésienne a-t-elle besoin de ça ?

Marcel Tuihani : La collectivité a besoin d’élus sérieux et responsables, concernés par les enjeux qui engagent le pays et les Polynésiens. Nous avons tous un devoir de responsabilité avant de parler de devoir politique. Lorsque je vois nos compatriotes être marginalisés et laissés pour compte, je sais où sont mes devoirs. Et j’avoue que je suis surpris d’entendre ces déclarations-là. Mais concernant ce qui se passe à l’Assemblée – et c’est ce qui compte après tout –, entre les déclarations que peuvent faire les uns et les autres et l’attitude qu’ils ont à l’Assemblée, je considère – et cela concerne les 57 représentants – que lorsque des sujets touchent à l’ensemble des Polynésiens, ils ont toujours su adopter une attitude responsable. Preuve en est l’avis favorable voté lundi s’agissant de la loi de modernisation du droit de l’outre-mer : après modifications substantielles souhaitées par l’opposition UPLD et Tahoera’a, 57 élus ont voté le texte à l’unanimité. Ce qui m’importe aujourd’hui c’est plus le comportement des élus dans l’hémicycle que les déclarations des uns et des autres.
(…) Seul compte l’intérêt des Polynésiens. Nous devons avoir une attitude responsable au regard des problèmes que nous rencontrons. Les logiques partisanes, c’est pour les périodes électorales. Passé les élections, les élus doivent être responsables s’agissant des problèmes que rencontrent les Polynésiens. C’est la seule chose qui m’importe, personnellement
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Comment voyez-vous évoluer cette situation dans la perspective prochaine de l’ouverture de la session budgétaire ?

Marcel Tuihani : La question se posera bien évidemment lors de la préparation du budget primitif 2016. Il y a eu beaucoup de débats lors de l’examen du collectif n°1 du Pays. De nombreux élus ont considéré que les aménagements proposés par le gouvernement ne comportaient pas les solutions aux problèmes que rencontre le Pays aujourd’hui. Ce qui se passe à l’Assemblée va compliquer grandement les travaux pour l’élaboration du prochain budget de la Polynésie française. Mais, n’oublions pas également les mesures de la réforme de la Protection sociale généralisée. La majorité relative peut suffire lorsqu’il s’agit de voter une délibération ; pour une loi de Pays, il faut une majorité absolue (…).

Ne pensez-vous pas qu’alors le ralliement de nouveaux élus dans le groupe des frondeurs est nécessaire ?

Marcel Tuihani : Il ne faut pas prendre le problème sous cet angle-là. Encore une fois, il est essentiel que les 57 élus de l’Assemblée puissent avoir une attitude responsable. A partir du moment où la solution proposée apporte de vraies réponses aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, quand bien même est-elle difficile à prendre, il nous appartient d’avoir une attitude responsable. Donc il ne s’agit pas de débaucher des élus pour renforcer un groupe politique ; il appartient d’abord au gouvernement de proposer des mesures sérieuses, de vraies solutions qui répondent aux problèmes de notre collectivité et qui rassurent les élus que nous sommes.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 17 Juin 2015 à 15:54 | Lu 1997 fois