Takanini à la rencontre de leurs fans de France


Le groupe en concert à Bordeaux. Crédit : Takanini
PAPEETE, le 18 avril 2016 - Les Marquisiens du groupe Takanini terminent leur première tournée en métropole, à la rencontre de son public. Ils en profitent pour découvrir de nouvelles cultures qui pourraient influencer leurs prochaines compositions

Alors Poiti, c’est comment la France ? "Il fait froid", répond le chanteur de Takanini, attablé à la terrasse d’un café parisien, les mains recouvertes par des gants et vêtu d’une veste épaisse, malgré un soleil printanier. Depuis fin mars, le groupe marquisien est en tournée pour la première fois en métropole. Ils ont déjà chanté à Bordeaux, dans la salle de concert créée par Bertrand Cantat, l’ancien chanteur de Noir Désir, sur l’île de Groix, au musée du Quai Branly à Paris, puis dans le sud de la France, à Toulon et Argelès.

À chaque étape, l’accueil du public a été chaleureux. "Ça bouge de trois à 87 ans, se souvient Poiti. Au début, les mamies étaient bien installées sur leur chaise et à la fin, je les vois toutes se lever et danser. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui se sentent apaisées en notre présence avec les valeurs que nous chantons." À la fin de chaque concert, le public les interroge sur la signification de leurs textes et s‘intéresse à la culture marquisienne auprès d’eux. Kakuhei, autre membre du groupe, s’étonne d’avoir retrouvé leurs "fans" issus de la communauté polynésienne en France : "On ne les connaissait que par Facebook et là on a mis des visages sur le virtuel. C’est peut-être ça qui nous a permis de combattre le froid."

L’un des moments les plus marquants aura été leur passage sur l’île de Groix, sur les traces de Lucien Kimitete. Une rue porte son nom et un grand tiki est toujours présent sur place. Poiti a chanté sa première composition qu’il avait dédiée au chantre du renouveau de la culture marquisienne. Surtout, les Takanini se sont retrouvés sur une île. "Tout le monde se connaît, c’est comme chez nous", remarque Kakuhei. "On est à notre aise quand on parle d’îlien à îlien", ajoute Poiti, qui compte laisser infuser ces différents échanges culturels pour inventer de nouvelles mélodies. À Carnac, en Bretagne, Poiti a cru retrouver des liens avec ses racines marquisiennes. Il s’est interrogé devant les dolmens et les alignements de menhirs qui remontent "bien avant la chrétienté". Peut-être est-ce "un marae qui n’a pas été terminé".

Tout au long de leur séjour, les Takanini posent leur regard marquisien sur la France. Évidemment, ils s’amusent des Parisiens pressés et stressés qui paraissent à Ludo, autre membre du groupe, "plus sauvages que les Marquisiens". Ils remarquent surtout l’architecte et les façades des bâtiments ornés de sculptures et de moulures. Pour Kakuhei, "ce sont des artistes, les Français, aussi. Ya pas photo". Pour Poiti, ces différentes traces visibles de l’histoire d’un pays sont "des marae mais à la sauce française". Pourtant, parmi la foule, il n’en voit "pas un seul en train de tailler la pierre. Il y a un vrai savoir-faire qui se perd malheureusement. "

Leur passage à Paris coincidait avec l’ouverture de la grande exposition que le musée des arts premiers, au Quai Branly, consacre au patrimoine des îles Marquises. Poiti a observé "le travail méticuleux des ancêtres" sur les boucles d’oreille en os humain, ou le travail du tressage. "J’ai lu des histoires que je n’avais jamais connues." Il aimerait que ce savoir soit enseigné oralement dans les écoles aux Marquises. "Nous, on n’a pas eu la chance de nous expliquer notre histoire. Si on nous l’avait apprise, notre comportement, notre façon de penser serait moins virulent. Le fait de savoir l’histoire va nous apaiser."

Pour Kakuhei, la mise en lumière de ce patrimoine très ancien semble placer dans l’ombre la vie quotidienne des Marquisiens d’aujourd’hui. "On est venus voir des vestiges. Ils ont tous les trésors, mais ce qu’un Marquisien vit tous les jours, ce n’est pas ce qu’il y a au musée. Si tu veux connaître les Marquises, tu viens aux Marquises."

Avant de rentrer au fenua cette semaine, les Takanini se sont produits à Argelès-sur-Mer et à Toulon. En attendant de revenir en août, pour le festival international du film insulaire, toujours sur l’île de Groix. En 2014, le film documentaire Ananahi, demain de Cécile Tesiser Gendreau, qui leur était consacré, avait remporté deux prix, dont celui du public.


Serge Massau

Quand Poiti chante à Notre-Dame de Paris

Entre deux concerts, les Takanini en profitent pour découvrir la France. Les uns partent en balade quand d’autres jouent les touristes. Poiti par exemple, est allé "voir Quasimodo", raconte Ludo. Le chanteur du groupe est allé visiter Notre-Dame de Paris, une cathédrale qu’il avait "vue dans les livres d’histoire au collège". Mais la visite a été plus courte que prévu. Ce n’est pas l’histoire de la cathédrale, dont la construction a débuté en 1163, ni le roman de Victor Hugo qui porte son nom, mais plutôt la comédie musicale, avec Garou, notamment. "Quand je suis entré, j’ai voulu chanter à haute voix", raconte Poiti. Chanter, mais chanter quoi ? "Beeelle, c’est un mot qu’on dirait inventé pour elle." Poiti sourit et termine l’histoire : "Le vigile m’a grondé et je suis ressorti dehors. "


Crédit : Serge Massau

À Groix. Crédit : Takanini

Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 18 Avril 2016 à 09:03 | Lu 1782 fois