Taioro, miti hue et salades peuvent vous donner la méningite


C'est l'utilisation de têtes de chevrettes crues pour faire fermenter le coco rapé qui est à l'origine de la plupart des cas de méningite à éosinophile chez les adultes. Par contre les enfants, les plus vulnérables, l'attrapent souvent en jouant avec les escargots.
PAPEETE, le 9 avril 2019 - Un parasite vivant dans les rats, les chevrettes et les escargots est à l'origine d'une vingtaine de cas de méningite à éosinophile chaque année en Polynésie. C'est l'utilisation de têtes de chevrettes crues pour la fermentation du coco rapé lors de l'élaboration du taioro et du miti hue qui est à l'origine de presque tous les cas. Il est également conseillé de se méfier des salades et autres produits du potager, qui doivent être soigneusement lavés avant d'être consommées.

La méningite à éosinophile est une maladie peu connue mais elle touche chaque année plus d'une vingtaine de Polynésiens. Les symptômes peuvent sembler banals : après deux semaines d'incubation en moyenne le patient présentera des maux de tête, une photosensibilité (sensible à la lumière), des vomissements, diarrhées ou des nausées, un état grippal incluant fièvre et douleurs dans les mains ou les pieds... La maladie peut se développer jusqu'à la méningite (une inflammation des tissus qui enveloppent le cerveau), et nécessiter alors une hospitalisation.

Dans le dernier Bulletin de surveillance sanitaire, après les alertes sur l'épidémie de grippe, sur la leptospirose et l'arrivée de la dengue de type 2, une autre annonce très classique. Deux nouveaux cas de méningite à signaler. Avec toujours les mêmes conseils :
- Éviter d'attirer les rats par la gestion des déchets.
- Éradiquer l'escargot géant africain de vos jardins.
- Éviter de consommer les crustacés crus et non préalablement congelés : chevrette, escargot, mollusque d’eau douce.
- Laver soigneusement les végétaux et tout ce qui aurait pu être souillé par les rats, limaces et escargots.
- Surveiller ce que les enfants mettent dans leur bouche, éviter qu’ils ne jouent avec des escargots ou des limaces. S’assurer que les enfants se lavent les mains après avoir joué par terre.

Un parasite du rat et des mollusques

Cette maladie est transmise à l'homme par un parasite nommé Angiostrongylus cantonensis, au cycle de vie assez particulier : "Les parasites adultes vivent et déposent leurs œufs dans les poumons des rats et d'autres rongeurs. Après éclosion des œufs, les larves sont dégluties et passent dans les selles. Elles se transforment en larves infectantes dans les escargots, les crabes, les planaires (des petits vers, NDLR) et les mollusques d'eau douce qui sont leurs hôtes intermédiaires. L'homme, comme les rongeurs, se contamine en consommant ces hôtes intermédiaires crus. Chez les rongeurs, les larves passent dans le cerveau où elles se transforment en jeunes adultes. Après une nouvelle période de maturation, les parasites passent dans les poumons où ils pondent. Chez l'homme, les parasites n'accomplissent pas tout leur cycle et meurent dans le système nerveux central" explique un rapport sur le sujet publié par le Bureau de veille sanitaire en 2017.

Les crustacés d'eau douce comme les chevrettes peuvent porter le parasite.Il faut les cuire ou les congeler avant de les consommer !
Nous en arrivons donc à un conseil bien connu des cuisiniers : congelez vos chevrettes crues au moins 48 heures avant de les utiliser pour préparer votre taioro ou votre miti hue. Le froid intense élimine le parasite, ce qui protège le cuisinier et sa famille. La cuisson élimine également le parasite.

Mais un nouveau conseil plus surprenant apparaît dans les publications du Bureau de veille sanitaire et du Centre d'hygiène et de salubrité publique : laver ses salades, fruits et légumes très soigneusement avant de les consommer. Certaines publications conseillent même d'utiliser un peu d'eau de Javel. Le risque : que des rats aient contaminé le potager avec leur urine, ou que des escargots ou limaces contaminées aient bavé sur votre récolte.

Il faut aussi empêcher les enfants de jouer avec les limaces et escargots du jardin. Dans le monde, 3000 cas de méningite à éosinophile ont déjà été constatés depuis 70 ans. Les enfants et les bébés sont les premières victimes de la maladie, justement parce qu'ils jouent avec les escargots qui sortent après les pluies, et certains y ont trouvé la mort. Or en Guadeloupe des études scientifiques récentes ont montré que 30 % des escargots géants africains étaient porteurs du parasite. Aucune étude n'existe en Polynésie, mais avec un climat similaire, le même parasite et le même escargot invasif, on peut imaginer des chiffres similaires...

Erratum : La première photo d'illustration de l'article présentait des crevettes et non des chevrettes. Cela a fait réagir la Coopérative des Aquaculteurs de Polynésie Française qui nous a envoyé ces précisions :

"La photo qui a été mise en illustration est erronée, puisqu'il s'agit de crevette bleues d'élevage, pour lesquelles il n'y a absolument aucun risque de consommation à l'état cru (le parasite responsable ne vit pas en eau de mer dans laquelle ces crustacés sont élevés). Au contraire, nos crevettes sont:
- saines des pathogènes à déclaration obligatoire à l'organisme mondial de la santé animale
- élevées et domestiquées depuis plus de 25 ans par les aquaculteurs polynésiens
- élevées sans aucun produit chimique ni médicamenteux
- livrées sans aucun additif ni conservateur

Elles sont donc parfaites pour ce type d'utilisation."


Excusez-nous pour la confusion.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 9 Avril 2019 à 18:32 | Lu 9633 fois