Tai Nui Atea, la "plus grande aire marine gérée au monde"


PAPEETE, 1 décembre 2017 - Edouard Fritch a confirmé son souhait d'installer une aire marine gérée sur la totalité de la zone économique exclusive de la Polynésie française dès 2018.

Le projet a été baptisé Tai Nui Atea, "le vaste océan". Il a officiellement été présenté dans ses grandes lignes, vendredi, par Edouard Fritch et son ministre de l’Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu. S’il est régulièrement évoqué depuis 2014, le projet de création d’une aire marine gérée encadrant les 5 millions de kilomètres carrés d’espace océanique de la Polynésie française devrait prendre forme avec l’adoption d’une délibération, au cours du premier trimestre 2018. Une série d’arrêtés viendront en échafauder la structure réglementaire, dans le courant de l’année : zonages réservés aux pêcheries lagonaires, côtières et hauturières ; quotas spécifiques selon les variétés exploitées ; plan de gestion des espèces marines emblématiques… L’idée est de mettre en chantier dès l’année prochaine les orientations d’une gestion globale et intégrée, en matière de conservation de la biodiversité marine, de valorisation et développement des activités de pêche, de développement des activités marines durables, d’amélioration de la connaissance, de gestion intégrée, de coopération technique. Dans une démarche dynamique, ce projet prévoit aussi la création d’un comité de gestion dont le rôle sera d’établir le plan de gestion intégrée de l’aire marine gérée pour une durée de 3 à 5 ans, d’en assurer le suivi, l’évaluation et la révision.

En 2014, 6000 tonnes de poissons pélagiques ont été pêchés dans les eaux de la ZEE polynésienne, alors que cet espace maritime comparable en surface à l'Europe est fermé aux flottilles étrangères depuis 2000. Il est estimé que cette production annuelle pourrait être portée à 12000 tonnes sans mettre en péril la ressource.

Le gouvernement enterre définitivement le projet d’aire marine protégé prôné un temps, en 2013. Celui-ci est finalement jugé trop rigide et contraignant. Le principe d’une aire marine gérée, au contraire, "c’est quelque chose qui se rapproche de nos traditions culturelles", a rappelé Edouard Fritch, vendredi. "On rejoint la notion de rahui, laquelle ne gèle pas l’activité définitivement, mais organise une gestion. Le rahui est une protection tournante de l’espace maritime. Elle permet aux populations de vivre durablement de la ressource".

L’idée est aussi de faire savoir que depuis les années 70, avec aujourd’hui 50 espaces classés au titre du code de l’environnement, et un à l’Unesco, la Polynésie française n’est pas en reste au sujet des initiatives visant à la préservation de son cadre de vie. La baie de Hohoi et la baie des Vierges sont classées depuis 1952. Les réserves intégrales de Scilly Bellinghausen et Taiaro sont classées depuis 1971 et 1972. Depuis 2002, la collectivité polynésienne est à la tête du plus grand sanctuaire marin de baleines, requins et tortues. Toutes les espèces de requins y sont notamment protégées et interdites à la pêche depuis 2012. La réserve de biosphère de Fakarava est inscrite depuis 2006 à l’Unesco.

"Nous ne faisons au fond que confirmer ce qui existe déjà", explique Heremoana Maamaatuaiahutapu : "Notre ZEE est déjà un sanctuaire des mammifères marins. Nous avons déjà une pêche responsable et raisonnée. Tout cela, nous voulons le confirmer. Mais nous souhaitons aller plus loin, avec un zonage mieux délimité des espaces de pêche, une réactualisation des espaces de certaines réserves intégrales, pour ne citer que quelques exemples".

L’ambition affichée à terme est surtout de créer un continuum d’aires marines gérées dans le bassin océanique régional, en reliant les zones économiques exclusives de Pitcairn aux îles Samoa. "Nous partageons cette vision d’un pays océanique qui sera le plus grand du monde", a déclaré Edouard Fritch, vendredi. "C’est vrai que nous ne sommes constitués que de petites îles ; mais avec nos zones maritimes nous représentons un espace important sur la carte. L’ambition est partagée et prend forme. Les îles Cook ont ce projet de Marae moana… Nous évoluons tous vers ce même concept : se réunir pour constituer demain ce grand pays océanique de plusieurs millions de kilomètres carrés". A terme, cette zone préservée pourrait représenter un espace océanique de près de 10 millions de kilomètres carrés.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 1 Décembre 2017 à 14:46 | Lu 3762 fois