Tahiti Pearl Consortium exposé aux élus : l’UPLD pour, l'opposition présente très dubitative


Alors que la convention de prestation entre le cabinet de consultants Gaetano Cavalieri et le Pays devait être signée dans l’après-midi, à la Maison de la Perle, mardi 4 décembre à l’assemblée de Polynésie la matinée a été consacrée à une nouvelle démonstration des vertus du programme de sauvetage imaginé par le consultant international pour redresser l’industrie de la perle de culture de Tahiti. Cette fois-ci l’exposé a été présenté aux élus de l’APF, qui auront à voter ce mois-ci le budget 2013 du Pays qui prévoit notamment une ligne de 500 millions Fcfp de crédits pour financer le Tahiti Pearl Consortium. "Ne rien faire, c’est courir au désastre", a prévenu Cavalieri en rappelant que la perle de Tahiti avait perdu 80% de sa valeur marchande en l’espace de 15 ans. L’auditoire : deux conseillers de l’opposition, Maina Sage et Teiki Porlier et huit élus UPLD acquis au projet.

Interrogé sur l’absence de conseillers de l’opposition à cette présentation, en dehors des deux représentants du groupe Ia Ora te Fenua, "Je dis que c’est bon signe : cela veut dire qu’il n’y presque plus d’opposition et que tout le monde soutient ce projet", a ironisé Oscar Temaru avant de reconnaitre sérieusement : "Non, il y a d’autres conseils d’administration ce matin, à la banque Socredo, à l’Huilerie de Tahiti, à l’OPT : tout le monde est pris un peu partout."

La solution prônée par le consultant repose sur une réorganisation du négoce de la perle de Tahiti autour d’une centrale d’achat à capital mixte, le Tahiti Pearl Consortium, détenue à 51% par la Maison de la Perle, le reste du capital étant ouvert aux professionnels du secteur. Par le biais de spécifications qualitatives drastiques, une traçabilité des perles, la garantie d’une économie équitable, l’organisme vise le marché de la haute joaillerie court-circuitant au passage les acheteurs historiques chinois et japonais de la perle de Tahiti.

> Lire : Tahiti Pearl Consortium : le projet controversé du Pays pour sauver la perle

Le projet est en marche, alors que producteurs et négociants ont clairement exposé leur opposition au principe d’une intervention du politique dans leurs affaires, la semaine dernière. "On parle de producteurs mais dans ce collectif, j’observe que 90% des membres sont des négociants, a noté Oscar Temaru interrogé sur le mouvement contestataire, avant de préciser, "On nous reproche d’utiliser les deniers publics pour mettre en œuvre ce dispositif, moi je dis que c’est un investissement que nous réalisons : il y aura retour sur investissement très rapidement. Ensuite, avec le marché que nous souhaitons toucher, cette perle va quintupler sa valeur d’ici très peu de temps".

L’étude préparée par le cabinet de consultants prévoit en effet de multiplier par 12,5 le volume des ventes de perles réalisées directement auprès des détaillants, entre 2013 et 2018, portant le chiffre d’affaires du commerce de ce joyau de 1,025 milliard Fcfp à 7,9 Mds Fcfp et multipliant par un facteur 10 la valeur ajoutée réalisée localement par le commerce de la perle de culture de Tahiti.

Maina Sage : "Je serai contre le principe de l’engagement dans une nouvelle SEM"

Qu’avez-vous pensé de cette présentation ?

Maina Sage : C’est un projet qui engage le Pays dans des sommes importantes et qui souhaite œuvrer à la réforme du secteur, souhaitée par le gouvernement. (…) Ce que je regrette, c’est que ce dispositif ne soit pas intégré dans un programme global, une stratégie d’ensemble de refonte du secteur. Sur la base d’un diagnostique un peu plus consistant – qui à mon sens est absent aujourd’hui. On aurait pu mettre en parallèle cette mesure avec celles qui, à mon sens, sont prioritaires et doivent porter sur le domaine de la production : on essaie de répondre – un peu trop rapidement, je crois – à la problématique du cours de la perle, par le biais de la commercialisation. Or on sait que le prix est le reflet d’un équilibre entre l’offre et la demande. Je voudrais que l’on se pose les vraies questions de la problématique du cours de la perle. (…) Des solutions ont déjà été évoquées, avec un plan de réforme du secteur présenté en 2010, articulé autour de propositions comme la labellisation, la traçabilité, la mise en place de quotas de production, d’aides directes à l’attention des producteurs pour l’exploitation de concessions et le respect de la réglementation du travail… C’est de tout cela dont on a envie de parler. J’ai peur que le TPC soit perçu comme la solution miracle en réponse à l’inaction du gouvernement sur ces points précis.

La convention devrait être signée dans l’après-midi, engageant le Pays avec le cabinet Cavalieri, pour la mise en place du Tahiti Pearl Consortium. Que pensez-vous de l’étude exposée par le consultant, ce matin ?

Maina Sage : Ce qui me dérange c’est que l’on fasse des études sur des sujets qui ont déjà fait l’objet de nombreuses études et pour lesquels nous avons une source documentaire abondante : des recommandations ont déjà été faites ; mettons-les en œuvre. Maintenant, M. Cavalieri est une pointure dans le domaine de la haute joaillerie, ses conseils peuvent être intéressants pour la Maison de la Perle. Tout cela doit être mis par le Pays au service d’une stratégie politique globale concernant la perle de Tahiti. Si des actions sont mises en œuvre pour organiser la production, on peut certainement se permettre d’avoir un regard supplémentaire concernant les circuits de la distribution. Parce que c’est ça qui est intéressant dans la réflexion qui est menée. Tout n’est pas à jeter à la poubelle : les professionnels le reconnaissent, c’est quelqu’un qui peut apporter son savoir-faire dans ce domaine. Maintenant, faisons les choses dans l’ordre.

Quelle sera votre attitude, lors du débat sur le budget 2013, à l’évocation des lignes de crédits prévues pour ce projet de consortium ?

Maina Sage : En dehors même de la problématique du secteur de la perle, avec une vision globale de la problématique budgétaire, nous sommes dans le cadre d’un plan de redressement où l’on demande à tout le monde de faire des économies, on prévoit la fermeture d’établissements publics, nous venons de passer en commission un plan de départs volontaire dans l’administration… ne trouvez-vous pas qu’il est incohérent, dans ce contexte, de parler de la création d’une structure avec un investissement minimum de 500 millions Fcfp ?

Serez-vous opposée ?

Maina Sage : Honnêtement oui. Je serai contre le principe de l’engagement dans une nouvelle SEM alors que c’est à contre-courant d’un plan de redressement que nous essayons de mener.
Je pense que ce qui est proposé peut être réalisé sans nécessairement passer par la création d’un nouvel établissement.



Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 4 Décembre 2012 à 17:34 | Lu 1814 fois