Taa puaìka, perçoir à oreille


Taa puaìka, perçoir à oreille - Écaille de tortue - L. 7,5 cm ; l. 0,9 cm ; Ép. 0,5 cm - Archipel des îles Marquises - Collection Musée de Tahiti et des Îles.
PUNAAUIA, le 27 décembre 2016 - Le perçoir à oreille était un bien de famille transmis de génération en génération, tapu et précieux. En témoigne von den Steinen, qui écrit en avoir acquis vingt exemplaires qu’on lui abandonna à contrecœur.


Les perçoirs de section circulaire étaient réalisés en os, le plus souvent humain, ou d’oiseaux, mesurant entre 7,5 et 11 cm. Ceux en écaille de tortue étaient plats et un peu plus petits, entre 7,2 et 9,8 cm. Ils pouvaient avoir été façonnés dans une plaque d'ornement de tête paè kaha (couronne) cassée et ainsi recyclée. Les os humains pouvaient provenir d’un ennemi tué au combat ou d’une victime offerte à un dieu.
La délicatesse des sculptures qui décorent l’extrémité des perçoirs est admirable. Cette partie est souvent percée ou comporte un anneau creusé dans la masse pour les suspendre. Elle est parfois décorée de bandes de tapa et de mèches de cheveux. Ici, le manche représente deux figures de tiki adossés qui marquent le caractère sacré de l’objet.

Une tradition importante

Ce petit objet artistiquement sculpté répondait à un besoin pour la mise en œuvre d’une tradition importante, bien ancrée dans la culture marquisienne ancienne. Le percement des oreilles, tui i te puaìka, était une étape décisive dans la vie d’une personne. D’après les observateurs occidentaux, elle avait lieu entre trois et sept ans, ou bien à l’adolescence lors des premières règles ou de la circoncision. L’intervention était entourée d’un certain cérémonial et se déroulait sur un pa'epa'e tapu de la place publique, car elle faisait couler un sang sacré. L’individu devenait alors vulnérable aux influences néfastes. Le geste ne pouvait être réalisé que par un tuhuna spécialisé, qui fabriquait aussi les perçoirs à oreille, taa puaìka ou puaìna.
Apparemment, le perçage des oreilles avait lieu hors de la maison, car les parents ne devaient pas passer au-dessus du sang des enfants. S’il s’agissait plus particulièrement de la fille d’un chef, il y avait une grande fête avec sacrifice humain. Pendant le percement, le tuhuna était nourri par les familles et il recevait des offrandes au nom du dieu qu’il faisait intervenir. Pour éviter que le trou ne se referme, on y plaçait une pointe épaisse, peut-être une épine, qui était enfoncée à mesure que le trou s’agrandissait, puis un cylindre en bois, fin puis de plus en plus épais, jusqu’à atteindre la taille de l’index ou du pouce. Les ornements en ivoire n’étant portés que pour les grandes occasions, le reste du temps le trou était maintenu béant par des fleurs et des feuilles.

Source : Musée de Tahiti et des îles

Rédigé par Dominique Schmitt le Mardi 27 Décembre 2016 à 09:12 | Lu 25745 fois