Système de santé en Polynésie: La Chambre Territoriale des comptes à présenté son rapport


A l’occasion de la sortie du rapport public annuel de la Cour des comptes, M. Jacques BASSET, conseiller référendaire à la Cour des comptes, président de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française, organisait ce matin un « point presse » dans les locaux de la juridiction.

Le rapport public, qui a été remis au chef de l’Etat le 17 février à Paris, rend compte de la gestion des administrations de l’Etat et des collectivités territoriales, à partir des principales observations formulées au cours de l’année écoulée par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes.

Le rapport public 2011 comporte notamment une insertion sur le système de santé de la Polynésie française et son financement, accompagnée des réponses qu’ont bien voulu y apporter plusieurs ministres du gouvernement national, le président Gaston TONG SANG, le directeur de la CPS ainsi que le directeur du centre hospitalier de la Polynésie française.

L’insertion au rapport 2011 consacrée à la Polynésie française, analyse le système de santé polynésien, avec ses forces et faiblesses, et souligne l’urgence d’une réforme de son pilotage et de son financement, en formulant diverses recommandations visant à remédier aux carences constatées.

Il ressort de ce rapport, qui fait état de la santé en Polynésie française et de son financement, quatre constat prédominants:
La Polynésie dispose d'un système de santé performant et bien adapté à ses besoinsLe système est insuffisamment piloterLe système à un coût trop important et croissantLe financement du système est devenu de plus en plus difficile à assumer.
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Bien adapté et quantitativement satisfaisant.

Par son statut d'autonomie, la Polynésie est seule compétente en matière de santé, l'Etat n'intervient pas dans la gestion du système. Le Pays dispose des ressources, des compétences et des infrastructures satisfaisantes.
Avec son centre hospitalier, ses hôpitaux périphériques, ses cliniques, ses dispensaires, ses cabinets médicaux, et ses dispositifs d’évacuations sanitaires, l'ensemble du territoire est bien desservi et profite dune organisation accessible pour tous et de façon quasi gratuite.
Il s'agit d'un système qui associe la prévention aux soins, ce qui représente un point important compte tenu du fait que les facteurs comportementaux sont fortement liés aux pathologies.
La Cour a souligné un système de médecine scolaire particulièrement performant et remarquable ( largement au-dessus de ce qui se pratique en métropole, par exemple) qui permet de suivre au plus près la population dès son plus jeune âge.
La performance de ce système de santé a des conséquence directes sur l'espérance de vie qui apparaît comme privilégiée par rapport aux pays voisins. dans les îles Cook par exemple, l'espérance de vie d'un homme est de 10 ans inférieure à celle d'un polynésien.
la densité médicale en Polynésie est équivalente voir supérieure à celle que l'on retrouve en Nouvelle-Zélande ou en Australie.

La Polynésie française dispose donc d'un outil sanitaire particulièrement privilégié et performant.


Défaut de Pilotage

Depuis un certain nombre d'année, le système de santé n'est plus, ou très mal piloté. Alors qu'il devrait être entre les mains du gouvernement exclusivement, l'instabilité et les changements de ministres consécutifs ont mis à mal ce mode d'encadrement et à ce jour, Jacques Basset faisait remarquer une forte instabilité auprès des cadres supérieurs de santé également. Très peu d'entre eux disposent du recul suffisant pour mener une analyse pertinente de la situation, et beaucoup d'entre eux envisagent un départ prochain, beaucoup de postes ne sont pas pourvus, et cette situation fragilise considérablement les bases même de l'encadrement : Il en résulte une réglementation incomplète, l'absence de contrôle, certaines décisions ne sont pas prises, les dossiers n'aboutissent pas, allant parfois jusqu'à provoquer des lacunes en terme de sécurité ( usage des pharmacies, des systèmes radio...).

Il n'existe à ce jour plus de véritable politique de santé depuis 2005.

Le schéma d'organisation sanitaire mériterait d'être réformé, l'information médicale réactualisée.
L'ouverture du nouvel hôpital à changé la donne mais les mesures organisationnelles n'ont pas été modifiées, ce nouveau schéma aurait dut faire émerger des nouvelles demandes d'autorisation, des réglementations... cela s'est fait de manière tardive, anarchique, certains hôpitaux, comme celui de Moorea n'ont jamais demandé d'autorisation...

Clairement, le régime des autorisations et le contrôle de ces autorisation n'est pas assuré.
L'information médicale est ancienne et incomplète, la dernière enquête générale sur la santé remonte à 95;
NB: une nouvelle enquête a été réalisée récemment sous l'égide du Ministre Jules Ienfa et les recommandations de M Jacques Menahem

Un coût croissant de plus en plus difficile à maîtriser

Le coût du système de santé polynésien est élevé et croît de façon continue depuis l'instauration de la protection sociale généralisée.
Entre 1994 et 2008, ces dépenses ont connu une croissance de 129%.
La dépense courante de santé en 2009 a atteint 73 milliards de FCP soit 180 000 FCP par personne et par an.
Une famille de 4 personne coûte 1.4 millions de FCP par an, et ne contribue que pour une faible part ( 6%) a alimenter les ressources.
Ce montant équivaut à la moitié du budget du Pays, et est financé en partie par la budget du Pays et en partie par les cotisations, les prélèvements obligatoires et l'impôt, ce qui pèse sur l'économie du Pays.

Pour des raisons démographique et sanitaires, ( l'espérance de vie est de plus en plus longue), ces coûts devraient continuer à croître.
En outre, la Polynésie vient de s'équiper d'un hôpital énorme dont les coûts de fonctionnement n'ont à ce jour pas encore été révélés de manière très visible, mais risquent d'avoisiner les 1.4 milliards par an sans compter les coûts d'amortissement du bâtiment lui-même.

La question demeure: comment financer le nouvel hôpital?

Un système de plus en plus difficile à assumer financièrement .

Depuis cinq ans, la CPS doit faire face aux conséquences de l'accord intervenu en novembre 2005 entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Il prévoyait en matière d'assurance-maladie, une baisse des cotisations, effective au 1er janvier 2006, et la prise en charge par la collectivité d'outre-mer du "gros risque hospitalier". Ce second volet de la réforme n'a jamais été mis en place. De plus les baisse de cotisations n'ont pas eut l'effet escompté sur les créations d'emploi.
Cette réforme explique, pour une grande part le déficit de la branche maladie depuis 2006, qui s'est aggravé depuis la crise économique.

Pour faire face à cette situation, la CPS est allée puiser dans les réserves des caisses de retraite, mais cette mesure ne peut pas durer. ( la CTC relève que ce système, qui devait palier à une situation ponctuelle a tendance à s'installer alors même qu'il ne figure pas dans le système constitutif de la CPS;

Dans le même temps, on relève une grande faiblesse de la participation directe ou indirecte des ménages en Polynésie ( 6 %) alors qu'en métropole, si on ajoute aux 9 % de cotisation obligatoire, les contributions mutuelles, la participation des ménages atteint 23 % dans le budget de la sécurité sociale.
Le coûts des assurances privées et des mutuelles est très présent en mutuel, et ce système ne s'est pas développé en Polynésie En revanche , la population a accès quasiment gratuitement à la santé.

L'Etat participe, comme partout ailleurs - en Nouvelle Calédonie ou en métropole-, à hauteur de 1%.

Le CHPH ( centre hospitalier) représente à lui seul 74% des dépenses d'hospitalisation publique et privée. son budget est formellement arrété par le conseil des ministres de la Polynésie française, alors qu'il est préalablement fixé entre la CPS et le CHPF sans aucune instruction des ministères de tutelle. Les dispositions réglementaires de 1998 instaurant, pour cet établissement le principe de dotation globale ont dont été dénaturées

Conclusions et préconisations

En conclusion de ce rapport, la cour des compte émet un certain nombre de recommandations:

La définition et la hiérarchisation d'objectifs de santé Pour mieux anticiper les besoins de la population en matière de santé
> adopter un plan stratégique retenant un nombre limité d'objectifs quantifiés
> déterminer les moyens les plus efficients pour atteindre ces objectifs, tant en ce qui concerne l'offre de soin que la sécurité sanitaire
> redéfinir une politique de prévention, avec le souci d'en assurer une évaluation effective.


L'optimisation des offres de soins> Utiliser le dispositif d'autorisation des activités de soins pour développer la complémentarité entre les structures publiques et privées.
> Compléter le dispositif existant d'autorisations des activités de soins par une contractualisation avec les titulaires
> redéfinir la place et le rôle dévolus aux hôpitaux périphériques dans le cadre du schéma d'organisation sanitaire, de façon suffisamment précise pour permettre une évaluation de leur activité,
> rechercher une plus grande efficience de l'offre de soins en réexaminant la nécessité de maintenir chacune des unités de la direction de la santé.

La refonte des principes et des mécanismes de financement de la santéPour permettre une meilleure maîtrise de la dépense de l'équilibre global du système de santé:
> Confirmer pour le CHPF le principe d'une dotation globale, s'appuyant sur le PMSI afin de se rapprocher d'une vérité des coûts, et permettant de financer les activités non exposées à la concurrence.
> Ne maintenir l'application d'une tarification à l'activité, dans un premier temps, uniquement pour les secteurs soumis à une véritable concurrence.
> Rechercher un rééquilibrage du financement de la santé par la CPS et la Polynésie française, notamment grâce au développement d'organismes complémentaires ( mutuelles assurances et sociétés de prévoyance), et la participation des ménages, sous réserve du maintien du financement du régime de solidarité par la collectivité d'outre-mer.
> Engager une recherche systématique des économies pouvant résulter d'une rationalisation de la gestion des ressources humaines, d'un meilleur contrôle des dépenses ou d'une réorganisation des structures des soin.

L'affirmation de la prééminence de la Polynésie française dans les processus de décisionPour réaffirmer le pilotage du système de santé par la collectivité d'outre-mer:
> Mettre à jour le droit à la santé
> Pérenniser la production annuelle des comptes de santé
> mettre à la disposition des autorités administratives et politiques les informations fiables sur l'activité médicale et les dépenses de santé, issues des systèmes d'information médicalisée.
> veiller à l'effictivité de la réalisation des conditions découlant des autorisations.
> fixer, dans un cadre légal approprié, des objectifs de dépenses et de recettes du secteur de santé opposables aux différents intervenants, soit en faisant voter par l'assemblée de la Polynésie française l'équivalent d'un ONDAM*, soit en mettant en place des conventions d'objectifs et de moyens.

*ONDAM : Objectif Dational des Dépenses d'Assurance Maladie




Notre système de santé est en danger, un effort collectif est nécessaire pour le sauver

La Polynésie française dispose aujourd'hui d'un des meilleurs dispositif sanitaire et son système de santé est particulièrement performant, mais si aucun effort n'est fait aujourd'hui , ce système ne pourra plus fonctionner demain; Il en va de la responsabilité du gouvernement certes, qui doit reprendre les choses en main, mais il en va aussi d'une volonté citoyenne; l'effort doit aussi venir des ménages polynésiens: si l'on veut pouvoir assurer à nos enfants le même service que celui dont on profite depuis de nombreuses années, il faut peut-être réfléchir aujourd'hui à en accepter une part de responsabilité.
Mais ce principe doit impérativement s'accompagner d'un renforcement des contrôles et d'une chasse infaillible aux abus et aux gaspillages de toute sorte.

télécharger le rapport de la cour des compte ci-dessous

Rédigé par Na M le Jeudi 17 Février 2011 à 11:16 | Lu 2987 fois