Syrie: des combats dans la Ghouta compromettent une trêve décrétée par Moscou


Douma, Syrie | AFP | mardi 27/02/2018 - Raids aériens et tirs de roquette ont été rapportés mardi dans l'enclave rebelle de la Ghouta orientale, compromettant la "trêve humanitaire" quotidienne décrétée en Syrie par la Russie, le grand allié du régime de Bachar al-Assad.

Après une nuit relativement calme et l'entrée en vigueur à 09H00 (07H00 GMT) de cette trêve de cinq heures par jour, deux personnes sont mortes et 16 autres ont été blessées, selon l'Observation syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Vingt-cinq obus, raids aériens et barils d'explosifs ont été largués (par le régime) sur la Ghouta tuant deux civils, dont un enfant", a déclaré à l'AFP le directeur de l'ONG, Rami Abdel Rahmane.
De son côté, l'agence officielle syrienne Sana a fait état de tirs de roquettes par les rebelles visant les couloirs humanitaires au niveau du camp d'Al-Rafidain. Ces tirs ont pour but d'empêcher les civils de quitter la région, a accusé l'agence officielle.  
En conséquence, l'avenir de la trêve dépendra de l'attitude des rebelles et la fin de leurs "provocations", a renchéri la présidence russe.
Le général russe Viktor Pankov a également accusé les rebelles d'avoir ouvert le feu sur le "couloir humanitaire" après son ouverture à 09H00 par l'armée russe.
"Il y a actuellement des tirs intenses de la part des combattants et pas un seul civil n'est sorti" du fief rebelle, a-t-il déploré, cité par les agences russes.
Lundi, Moscou avait annoncé vouloir la mise en place de "couloirs humanitaires" pour permettre de telles évacuations.
Mardi matin, la situation avait brièvement retrouvé un semblant de normalité dans la Ghouta, une région située à l'est de la capitale Damas, cible durant 10 jours d'une violente campagne aérienne du régime ayant fait plus de 560 victimes civiles.
D'après des correspondants de l'AFP, des habitants terrés dans des sous-sols avaient commencé à quitter leurs abris, pour la première fois en 10 jours, afin d'inspecter leurs maisons et de s'approvisionner en nourriture.
Mais, outre l'OSDH et l'agence Sana, la reprise des combats a ensuite été confirmée par l'ONU.
  - Population privée d'aides -  
Cette nouvelle tentative de cessation des hostilités intervient quatre jours après le vote par le Conseil de sécurité de l'ONU, au termes d'âpres discussions notamment avec Moscou, d'une résolution réclamant une trêve "sans délai" de 30 jours dans tout le pays. Elle n'avait pas été suivie d'effet.
Avec la reprise de combats, aucun blessé n'a été évacué mardi tandis qu'aucune aide humanitaire n'a pu être acheminée. 
"Nous constatons que les combats continuent (...), ce qui rend impossible" l'envoi de convois, a dit Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).
Assiégée depuis 2013, la Ghouta orientale et ses quelques 400.000 habitants subissent, en sus des bombardements, pénuries de nourritures et de médicaments.
Selon l'Ocha, plus de 700 personnes ont besoin d'une évacuation médicale urgente, tandis que 12% des enfants âgés de moins de cinq ans souffrent d'une sous-alimentation sévère et un enfant sur trois d'un retard de croissance.
Le porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tarik Jasarevic, a pour sa part déclaré que son agence disposait d'une liste de 1.000 personnes attendant une évacuation médicale, dont 600 dans un état "modéré à grave".
La récente offensive menée par le régime et son allié russe a mis hors d'état plusieurs hôpitaux de l'enclave et engendré un bond des prix des aliments de première nécessité, selon l'Ocha.
  - 'Même scénario' qu'à Alep? -  
Parallèlement, des factions rebelles de la Ghouta orientale se sont engagées mardi, dans une lettre adressée à l'ONU, à "expulser" les combattants d'un groupe jihadiste en contrepartie de l'application de la trêve prévue par l'ONU.
Dans les rues de Douma, des habitants de l'enclave rebelle, dernière poche de résistance au pouvoir de Bachar al-Assad aux portes de la capitale, ont eux exprimé leur profond scepticisme sur la "trêve russe", en anticipant une réédition du scénario observé fin 2016 à Alep, la grande ville du nord reprise par le régime.
"Cette trêve est une farce, la Russie nous tue tous les jours et nous bombarde tous les jours", a affirmé à l'AFP Samer al-Bouydani.
"Je ne peux pas faire confiance à ses auteurs pour quitter (la Ghouta) avec ma famille (via les couloirs humanitaires, ndlr). C'est le régime qui nous tue, comment pourrais-je lui faire confiance?", a ajouté le jeune homme de 25 ans.
Mohammed Al-Abdullah, originaire de la localité de Hammouriyé, a également avancé que cette trêve n'était "pas dans l'intérêt du peuple".
"Nous avons deux options: mourir ou partir. La campagne menée jusque-là était une opération d'extermination, pas une offensive normale", a avancé ce jeune trentenaire, réclamant "une trêve permanente" "et l'ouverture de passages humanitaires (...) sous garanties internationales".
"Il ne peut y avoir de trêve de 30 jours suivie d'une nouvelle campagne d'extermination (...). Nous avons vu ce qui s'est passé à Alep (...), c'est le même scénario qui se répète", selon lui.
En 2016, la Russie avait annoncé plusieurs trêves humanitaires similaires durant les combats qui visaient à reconquérir la partie rebelle de la ville d'Alep. Des couloirs avaient été mis en place, mais peu de civils les avaient empruntés.
Une offensive militaire de grande envergure avait pris le dessus sur la dernière pause proclamée, se soldant par une défaite des rebelles et l'évacuation de milliers de combattants et de civils.

le Mardi 27 Février 2018 à 06:32 | Lu 126 fois