Sursis pour l'ancien légionnaire de Rikitea


Tahiti, le 4 novembre 2022 – Un instructeur d'armes de la légion étrangère a été présenté en comparution immédiate, jeudi, pour répondre de toute une série d'infractions dont celles de détention et usage d'un fusil à pompe, menaces réitérées, dégradation du bien d'autrui et appels malveillants. L'homme, qui a mis ses actes sur le compte d'une séparation conjugale difficile, a été condamné à 12 mois de prison avec sursis. 
 
Le tribunal correctionnel s'est penché jeudi sur la violente dérive d'un homme qui n'a pas supporté que sa femme le quitte après 25 ans de vie commune. Un ancien instructeur d'armes ayant passé 24 ans dans la légion étrangère était en effet jugé pour des faits de menace de mort, appels téléphoniques malveillants, acquisition, détention et transport d'un fusil à pompe et de cartouches et pour avoir violé l'interdiction judiciaire qui lui avait été faite de ne plus entrer en contact avec sa femme dont il était en train de se séparer. Le tout commis à Rikitea, où vivait le couple, et à Pirae, où l'épouse avait finalement trouvé refuge, entre février et août 2022. 
 
Les faits reprochés à l'ancien légionnaire s'étaient déroulés sur un mode crescendo. En février dernier, son épouse, institutrice, s'était rendue à la gendarmerie pour indiquer qu'elle avait peur pour sa vie car son mari menaçait de brûler toutes ses plantes ainsi que ses vêtements et qu'il était détenteur d'armes. Trois mois plus tard, la victime était revenue à la gendarmerie pour expliquer cette fois que son époux avait mis ses menaces à exécution et lui avait envoyé des photos de ses plantes et ses habits calcinés. Une autre fois encore, l'ancien légionnaire avait montré un panneau avec des impacts de balles à sa fille en lui expliquant qu'il allait “éliminer” les gens “un à un” à la sortie de la messe à Rikitea et qu'il allait ensuite se réfugier dans la montagne. Fin août, la dérive du septuagénaire avait atteint son point d'orgue lorsqu'il avait été interpellé à Rikitea alors qu'il pleurait, assis, en tenant son fusil à pompe. Les perquisitions menées à son domicile avaient permis la découverte d'un sac militaire contenant un sac de couchage et des munitions de calibre 12 cachées dans des ruches. 
 
Anéantissement psychologique
 
Placé sous contrôle judiciaire, l'ancien légionnaire a donc comparu libre devant le tribunal correctionnel jeudi. Visiblement éprouvé à l'évocation de sa situation conjugale, l'homme a concédé qu'il avait été “complètement con” et qu'il avait été pris dans une “bulle mortifère”. “Chaque fois que je brûlais un arbre, c'était ma thérapie. C'était un silence contre un arbre brûlé”, a-t-il expliqué alors que le psychiatre qui l'a examiné dans le cadre de cette affaire avait estimé qu'il n'avait “jamais été dangereux en dehors de l'exercice de son métier”. Interrogé sur le fait d'avoir exprimé le souhait de tuer des gens, le prévenu a expliqué qu'il ne s'en souvenait pas et qu'il avait un sac militaire prêt pour camper car il avait “toujours rêvé de faire Koh-Lanta”.
 
Face à ce “dossier très particulier” fait d'“incompréhensions”, l'avocat de la victime, Me Loris Peytavit, a assuré lors de sa plaidoirie que l'ancien légionnaire avait cherché à “anéantir” sa femme sur le plan psychologique en usant de son “intelligence”. Après avoir dénoncé les actes “de plus en plus inquiétants” du vieil homme, il a cependant relevé que ce dernier avait “parcouru du chemin” depuis son interpellation en août dernier. Même constat pour le procureur de la République sur le plan des violences psychologiques subies par la victime alors que son mari, qui a des “faits de guerre”, était armé. Deux ans de sursis ont finalement été requis par le représentant du ministère public. 
 
Pour la défense de l'ancien instructeur d'armes, Me Diana Kintzler a tenu à rappeler que son client avait vécu la “rupture d'une très longue vie commune avec un silence assourdissant” opposé par son épouse. “Nous sommes face à un triste spectacle d'un couple qui se meurt, d'une famille qui se disloque”, a-t-elle justement renchéri en mettant des mots sur le sentiment général qui émanait des débats. Après en avoir délibéré, le tribunal a finalement condamné l'ancien militaire à 12 mois assortis de l'interdiction de se rendre à Rikitea, de détenir une arme et l'obligation de se faire soigner. Le tout assorti de l'exécution provisoire. 

Rédigé par Garance Colbert le Vendredi 4 Novembre 2022 à 06:47 | Lu 2724 fois