Sur les traces du "Blackbirding" avec Jacques-Olivier Trompas


TAHITI, le 21 septembre 2020 - Le blackbirding était une "pratique" australienne s’apparentant à de l’esclavage. Il a démarré à partir des années 1860, une période dans laquelle Jacques-Olivier Trompas a inscrit une partie de son nouveau roman. Intitulé Blackbird, il paraît chez Au Vent des îles.

C’est un roman haletant qui lève le voile sur une période peu glorieuse de l’Australie. Blackbird de Jacques-Olivier Trompas paraît chez Au Vent des îles. Il se lit sans un arrêt.

Son écriture rythmée, séquencée, visuelle est digne du réalisateur qui en est l’auteur (voir encadré présentation de l’auteur).

Comme dans un chant polyphonique, plusieurs voix s’élèvent dans Blackbird. Elles racontent différentes époques, différents lieux, différentes vies.

Le lecteur, grâce aux paroles des uns et aux descriptions des autres, découvre petit à petit les personnages, mais aussi leur environnement et le contexte dans lequel ils sont nés. Il navigue dans les méandres de l’histoire du Pacifique Sud.

Un voyage dans l'Histoire

Anna commence son récit en 1864, à Moreton Bay. Elle est alors âgée de 16 ans. Elle vit dans une "bicoque" comme dit sa mère.

Régulièrement battue par le vent du large, entourée d’arbustes chétifs et de rochers, cette bicoque domine la baie. Son père est le capitaine d’un santalier, un trois-mâts "lourd et massif aux cales profondes". Il répète à Anna "tes cheveux sont rouges, c’est mon soleil du matin ! " Le père aime sa fille.

Dans Blackbird, il y a également Umah qui, en 1858, vit à Uripiv, aux Nouvelles-Hébrides (devenues Vanuatu en 1980). Umah, alors, donne à manger aux cochons, il s’occupe du feu, il surveille ses sœurs. Il va bientôt devenir adulte, une cérémonie se prépare.

Alors qu’il est sur une pirogue avec son père, ce dernier se racle la gorge. Il dit :

"– C’est pour bientôt, Umah, tu sais…"

"– Oui je sais."

Umah fixe l’eau claire qui glisse le long de la coque.

"– Ça fait mal ? "

"– Oui, mais je sais que tu seras courageux. "

Ces mots sont parmi les derniers que le jeune homme échangera avec son père.

Une lecture saisissante

Et puis, il y a Patrick, en 2014, à Port-Vila (Vanuatu). Il est archéologue. Il a obtenu un détachement de l’Australian National Université (Anu) pour pouvoir exercer dans l’archipel du Vanuatu.

D’après lui, c’est un pays "qui regorge de traditions millénaires avec des rites et des coutumes d’une grande richesse". Le destin de ces trois personnages va se croiser à Uripiv lorsque Patrick va découvrir le squelette d’une fillette au cours de fouilles.

Sa vie bascule, celles d’Ana et de Umah sont mises au jour. Et c’est toute la complexité des sentiments mais aussi des règles de société et des liens tissés qui tout à coup sont éclairés. Saisissant.

Présentation de l’auteur

Jacques-Olivier Trompas a passé sa petite enfance à Tahiti. Il est arrivé en Nouvelle-Calédonie en 1973. Issu d’une famille imprégnée par les lettres et la politique, il a très tôt choisi l’image comme moyen d’expression propre.

D’abord photographe, aujourd’hui réalisateur de documentaires et de fictions, il a travaillé entre Nouméa et Paris à la réalisation d’une quarantaine de films de télévision, ayant fait l’objet de sélection et de prix dans différents festivals. Ses travaux de scénariste l’ont amené à écrire son premier roman, Au pays des borgnes, sorti en 2018.


L’esclavagisme à l’australienne

À partir des années 1860, l’Australie a fait venir des milliers d’indigènes des îles du Pacifique pour travailler dans les plantations du Queensland. Parmi eux (ils seraient plus de 60 000), certains ont signé des contrats.

D’autres ont été emmenés de force, leurrés. C’était le blackbirding. La plupart des hommes venaient du Vanuatu et des îles Salomon, quelques-uns de Nouvelle-Calédonie ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Les premiers sont arrivés sur le Don Juan qui a accosté à Moreton Bay en 1863. Hans, le second de Matthew, père de Anna dans Blackbird : "Ben tu vois Cap’tain, c’est qu’il y a aujourd’hui des opportunités nouvelles pour se faire plus de fric qu’avec le santal. On prend du bois, ça ne change rien, mais on peut aussi ramener des indigènes des îles (…)"

Finalement après plusieurs jours de mer, à Uripiv, Umah raconte les "hommes blancs" qui débarquent en pleine nuit, silencieusement, armés de "bâtons". Il décrit le feu qui jaillit, les corps qui tombent, le sang qui coule, la panique et la terreur dans son village natal.


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 21 Septembre 2020 à 16:09 | Lu 1354 fois