Supprimer les rejets de poissons en mer: un casse-tête pour la pêche française


PARIS, 01 fév 2013 (AFP) - Interdire les rejets de poissons à la mer en obligeant les pêcheurs à les débarquer à quai: l'objectif de la Commission européenne fait grincer les dents des pêcheurs français qui le jugent pour certains "irréaliste".

Actuellement discuté dans les instances européennes, l'objectif "zéro rejet" préconisé par la commissaire européenne chargée du dossier, Maria Damanaki, pourrait être atteint, entre autres contraintes, grâce au principe du "débarquement obligatoire" des poissons pêchés mais non commercialisables.

Remontés dans les filets au fond desquels ils meurent souvent écrasés, ces poissons - trop petits, abîmés ou simplement hors quotas - sont habituellement rejetés en mer en plus ou moins grande quantité selon les types de pêche puisqu'ils ne peuvent être vendus.

Selon la Commission, cette pratique représente environ 23% des captures totales, plus dans certaines pêcheries.

Un gaspillage que tout le monde s'accorde à vouloir sinon éliminer, du moins réduire, mais les points de vue divergent quant aux moyens d'y parvenir.

Dans ce domaine, les lignes de fractures politiques suivent peu ou prou celles des mers: "globalement, le taux de rejet est plus important au sud" de l'Europe, où les espèces sont plus diverses, qu'au Nord, explique Alain Biseau, chargé de mission à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer).

"La pêche française est majoritairement mixte", c'est-à-dire attachée à différentes espèces de poissons et crustacés, précise-t-il. "Résoudre le problème des rejets est plus difficile que dans d'autres pêcheries".

Les pêcheurs n'ont pas "une connaissance parfaite" de ce qu'ils ramassent, justifie également Antoine Dhellemes, l'un des vice-présidents du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), qui juge "irréaliste" une application en l'état de l'obligation "zéro rejet".

Craintes pour la rentabilité

"Il vaut mieux trier au fond de la mer que sur le pont et a fortiori au port", ajoute-t-il. Un point de vue partagé par le ministère français de la Pêche qui l'a confirmé dans des termes équivalents cette semaine à l'AFP.

Nolwenn Gace-Rimaud, de l'association Les Pêcheurs de Bretagne, redoute quant à elle une "baisse de rentabilité" des bateaux sous-équipés pour tout stocker et contraints de rentrer plus tôt à quai pour débarquer.

"Que le poisson soit rejeté mort ou qu'il soit ramené mort ne change rien", coupe Elise Petre, chargée de projet au sein de l'organisation écologique WWF.

De plus, "les espèces débarquées ne doivent en aucun cas générer une rente pour les pêcheurs ou pour toute autre filière", prévient-elle, en référence à la possibilité de transformer ces rejets en farine animale.

Ce qu'il faut, poursuit-elle, c'est "éviter les captures" inutiles en obligeant les pêcheurs à améliorer la sélection des espèces et de leur taille.

"C'est relativement facile d'épargner les petits poissons d'une espèce en augmentant les mailles du filet", souligne M. Biseau de l'Ifremer. "On peut aussi envisager de pêcher la langoustine au casier", plaide-t-il.

Autre piste, largement partagée: éviter les zones ou les périodes lors desquelles les petits poissons sont abondants.

Inscrit dans le projet de réforme de la politique commune de la pêche (PCP), le "zéro rejet" donne encore lieu à des "discussions animées", notamment sur les modalités d'application, le calendrier et certaines dérogations possibles, souffle-t-on au ministère.

Le principe d'un pourcentage de rejet pouvant "toujours être autorisé" a d'ailleurs été adopté par le Conseil des ministres européen, précise-t-on.

Le Parlement européen devrait se prononcer sur le projet de réforme de la PCP le 6 février, avant le Conseil des ministres et l'ouverture de discussions avec la Commission.

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Rédigé par Par Cécile DE CORBIERE le Vendredi 1 Février 2013 à 06:10 | Lu 795 fois