Succession d’accidents pour des citoyens ordinaires au tribunal


Des conducteurs ayant joué de malchance ont défilé ce vendredi à la barre du tribunal.
PAPEETE, le 3 mars 2017 - L’audience correctionnelle traitant des infractions liées à la circulation routière s'est tenue ce vendredi. De manière assez surprenante, les auteurs de ces infractions ont, pour la plupart, relevé d’une certaine forme de malchance.

Bien souvent, les affaires relatives aux infractions routières font état de conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants. En ce sens, l’audience de ce vendredi a fait figure d’exception.

Inconnu des services de police ou de justice, le premier homme qui s’avance à la barre est un père de famille sans histoires. En remontant la file des voitures à Punaauia, ce motocycliste avait percuté une vieille dame qui traversait sur sa chaise roulante le passage piéton du PK 18. Cette dernière avait été éjectée sur la chaussée avec 45 jours d’ITT à la clé. L’homme est donc poursuivi pour violences involontaires. Puisque le conducteur n’a, à proprement parler, pas enfreint le code de la route –il roulait aux alentours de 30 km/h- le procureur n’a pu que lui rappeler qu’en deux roues, "nous sommes tous des délinquants potentiels, vous auriez pu la tuer monsieur !". Outre une peine de 5 mois de prison avec sursis et une amende de 30 000 francs, l’homme s'est vu imposer un aménagement de son permis de conduire qui lui permettra tout de même de prendre la route deux heures par jour. Indulgent, le tribunal lui avait même suggéré de solliciter 30 minutes supplémentaires d’autorisation quotidienne de circuler. Comme l’a fait remarquer le ministère public : "On ne sait jamais, avec les embouteillages…".

Des conducteurs "maladroits"

L’affaire qui s’ensuit est représentative de l’implacabilité de l'application de la loi. Alors qu’il vient d’aller chercher son petit-fils à l’école et qu’il se dirige vers son domicile à Faa’a, un vieux monsieur, probablement extenué par sa journée qui a commencé à 5 h, s’endort au volant, se déporte et percute un motocycliste de 22 ans. Le jeune homme, qui a tout de même subi une dissection de l’isthme aortique, est très grièvement blessé. L’on ignore encore s’il retrouvera l’usage de ses jambes. Mais à l’étude du profil de la victime, l’on s’aperçoit que le motocycliste n’avait ni permis, ni assurance. Dans une logique qui semble assez cruelle mais ne relève en fait que de l’application stricte de la loi, le tribunal décidera donc de condamner le conducteur de la voiture à une suspension de permis de conduire de 6 mois, mais condamnera aussi le jeune homme pourtant grièvement blessé et victime dans l'affaire à une peine d'amende de 20 000 francs.

La femme qui s’avance pour la comparution suivante est émue aux larmes. Et l’on peut la comprendre tant elle a dû avoir la peur de sa vie. Elle aussi avait pour habitude de récupérer ses petits-enfants à l’école. Mais, en ce jour de novembre au PK 18 à Papenoo, alors qu’elle est sur le chemin du retour avec ses petits-fils installés à l'arrière de la voiture, la malheureuse est prise d’un malaise lié à son diabète et perd connaissance. Le véhicule est projeté contre une barrière de protection avant de rebondir plusieurs fois sur la route et l’un des deux enfants, âgé de 5 ans, est violemment éjecté du pick-up, projeté sur la chaussée. Vision cauchemardesque pour la grand-mère. Le petit s’en sortira miraculeusement. Rappelant qu’une voiture est considérée comme "une arme par destination", le tribunal condamnera la grand-mère à trois mois de prison avec sursis et trois mois de suspension de permis.

A l’évocation de cette succession d’affaires impliquant des citoyens ordinaires, sans casier judiciaire, insérés dans la vie professionnelle, le procureur de la République aura cette phrase sur l'audience du jour : "Les conducteurs maladroits amputeraient presque sur la lutte contre la délinquance routière". Tout est dit.



Rédigé par GARANCE COLBERT le Vendredi 3 Mars 2017 à 16:25 | Lu 3452 fois