Statut de marin pêcheur : “Cette voie-là, va nous amener à la destruction de l’emploi”


Tahiti, le 1er octobre 2024 – Pêcheurs hauturiers et côtiers ainsi que les armateurs se sont donnés rendez-vous mardi 08 octobre à la passe de Papeete pour manifester contre la réforme du statut du marin pêcheur “imposée” par le gouvernement Brotherson. Ils promettent de ne pas perturber les navettes de Moorea.
 
Les pêcheurs hauturier et côtier ainsi que les armateurs tous “unis” pour exprimer leur “profond désaccord” concernant la réforme du statut du marin pêcheur. Mardi 08 octobre, ils ont décidé de manifester pacifiquement à la passe de Papeete. Et pourtant pendant un an et demi tous ont travaillé d’arrache-pied à l’élaboration de cette réforme. Aujourd’hui ils se sentent floués comme le souligne le président de l’association des armateurs de pêche hauturière de Polynésie française et directeur général de Vini Vini, Yann Ching : “On nous a mis en défaut au dernier moment puisque la réforme proposée ne va pas dans le sens des discussions.” 

“30% des emplois menacés”

Pas question pour ces professionnels de la pêche de passer sous le régime de droit commun du travail, ces derniers bénéficient effectivement d’un régime dérogatoire depuis la mise en place de ce statut en 2012.
 
Ils ont accepté lors de cette réforme du statut, de cotiser pour l’assurance maladie, sur la base de revenus au Smig, et non plus sur le salaire plancher pêche qui est de 95 000 francs. Pour ce qui est de la cotisation Accidents du travail, ils acceptent de passer d’une base de calcul sur le Smig “à une cotisation réelle”. Par contre pour ce qui est des congés payés aucun consensus n’a été trouvé. “Et visiblement ce n’est pas suffisant pour le gouvernement”, déplore le président de l’association des armateurs de pêche hauturière Yann Ching : “On paie déjà des cotisations, et on accepte de cotiser un peu plus dans le cadre de ce statut de martin-pêcheur mais on nous demande beaucoup trop que ce qu’on peut se permettre et c’est là où le bât blesse”, explique-t-il. Et ajoute : “on leur donne quand même quelque chose mais ils veulent tout, et s’ils veulent tout on détruit des emplois”.
 
Le président de l’association des armateurs de pêche hauturière reconnait que ce sujet a été évoqué lors des discussions “mais on a tout de suite refusé”. Et pour prouver leur bonne foi, les professionnels ont été “transparents” en envoyant leurs comptes d’exploitation à la Direction des ressources marines car “cela nous tenait à cœur de leur montrer qu’on ne pouvait pas se permettre. L’hypothèse de cotiser au régime du droit communs a été écartée pendant les discussions, en tout cas on nous l’a fait penser. Et puis finalement, il y a un mois, on a remis cela au centre des discussions et en plus on nous affirme que ça va être comme ça. C’est ce qui a fait réagir l’ensemble des acteurs de la pêche”
 
“Ces histoires de cotisations supplémentaires menacent une bonne partie des emplois actuels”, insiste Yann Ching. Il regrette que leur proposition de la mise en place d’une convention collective n’ait pas été retenue concernant notamment l’obligation pour le patron de participer “à une certaine hauteur” au paiement d’une retraite complémentaire pour les salariés. “Je pense que c’est l’alternative qui pourrait trouver consensus et surtout qui pourrait permettre de conserver les emplois”, indique Yann Ching.

« Cela ne fait que retirer le peu qu’on a pour nous nourrir »

Même son de cloche pour le président du syndicat des pêcheurs Rava’ai Mau, Ralph Van Cam : “On est tous opposés à ce statut de marin pêcheur […]. Cela ne fait que retirer le peu qu’on a pour nous nourrir […]. Je ne vois pas comment on va pouvoir s’en sortir.” 
 
Il précise que le nombre de bonitier a énormément diminué, selon lui, d’une bonne centaine il n’en reste aujourd’hui que six à Tahiti. “Ils n’arrivaient plus à payer les charges et si on va dans ce statut on va devoir payer nos matelots et même si on n’en a pas on va nous en imposer un […]. Je ne vois pas l’intérêt de cotiser. Cela ne fait qu’enlever sur le peu que l’on a.”  
 
Il raconte d’ailleurs que la plupart des pêcheurs “ne peuvent pas se permettre de manger de la viande. Heureusement qu’on pêche”.
 
Ralph Van Cam avance également que les pêcheurs côtiers et les pêcheurs hauturiers “n’ont pas les mêmes revenus”. Et que lorsque leur bateau est en panne, ils attendent parfois deux à trois mois que la pièce de rechange arrive. Et pendant ce temps-là ils ne vont donc pas pêcher. “Certains ont peut-être la chance d’avoir une femme qui travaille mais d’autres pas et ils ne vivent que de la pêche, c’est le cas de beaucoup de personnes.”
 
Une réunion est prévue ce jeudi avec ministre de la Pêche, Taivini Teai, mais Ralph Van Cam n’est pas persuadé que cela va régler le problème. “Je ne suis pas convaincu qu’on trouve une solution. Déjà 12 ans après on n’en a pas trouvé.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 1 Octobre 2024 à 19:20 | Lu 2002 fois