St Xavier Maris Stella, la goélette de l’espoir

La desserte maritime aux Tuamotu de l’ouest: "le PéPé-N"


Depuis de longues années, les navires (cargos mixtes ou marchands) font partie de la vie des îliens. Sans eux, la vie serait beaucoup plus difficile. Les nouvelles habitudes de consommation ont fait évoluer les comportements et les besoins. A chaque voyage, des tonnes de marchandises (nourriture et matériaux en tous genres) sont débarquées dans 11 atolls. Nous retraçons ici, l’histoire d’une de ces goélettes, le St Xavier Maris Stella.

Le navire St Xavier Maris Stella fait partie de la vie des pa’umotu de l’ouest depuis 1903, autant dire que ça ne date pas d’hier (5ème navire dont trois en acier). Chaque mois, deux départs sont programmés en direction de l’archipel, dans 17 îles (Pape’ete-Makatea-Mataiva-Tikehau-Rangiroa-Ahe-Manihi-Takaroa-Takapoto-Aratika-Kauehi-Raraka-Fakarava-Toau-Niau-Apataki-Arutua-Kaukura puis retour vers Pape’ete). Son rythme de croisière est de 8 nœuds (26 km/heure) et peut embarquer jusqu’à 12 passagers et 1200 tonnes de frêt. Et à chaque rotation, la quantité de fret est plus ou moins la même.

Pour les îliens, cette goélette rythme leurs activités, leur développement, bref leur vie. « Elle en disposerait presque… » lance en plaisantant un habitant de Kauehi (Tuāmotu centre). L’expression n’est pas exagérée. Elle prend même tout son sens lorsque le planning des rotations est perturbé pour cause d’intempérie ou d’avaries, une situation très mal vécue par les populations des archipels.

Une rotation en moins veut dire des étalages vides dans les magasins, des aménagements reportés et des déplacements réduits au strict minimum. Le quotidien prend alors des airs de slow motion. Les conséquences sont quasi immédiates. L’activité coprahcole s’arrête subitement, faute de carburant. « Eh oui, si nous n’avons plus d’essence pour nos moteurs, nous sommes obligés de réduire nos déplacements au *rāhui» explique Georges, coprahculteur depuis 30 ans, à Rangiroa.

Le rôle de ces goélettes est donc primordial et tous le savent. La famille Salem en premier. Propriétaire du St Xavier Maris Stella, elle a toujours placé l’intérêt des archipels au premier plan. Tant d’années passées dans les eaux pa’umotu et tant d’histoires à raconter. Et ce n’est pas fini.

Certains îliens appellent le navire « pēpēN » en référence aux produits de premières nécessités. Chaque garde-manger attend impatiemment les boîtes de lait, café, biscuits SAO ainsi que les sacs de farine. Hors de question de s’en passer. Ici, ces denrées alimentaires importées partagent la même table que le poisson grillé et le lait de coco. Une situation similaire au mariage du maiore et du corned beef à Tahiti. Cela fait partie du quotidien.

Une fois sur le quai, en plus de recevoir leurs marchandises, les îliens bénéficient d’un autre service, celui d’un magasin provisoire, où tous peuvent venir acheter directement des denrées alimentaires. Cette pratique est légale et prévue dans les textes de navigation maritime «Nous avons également un devoir de service public» explique Manarii, assurant les relations avec la presse.

Tous les 15 jours, les populations viennent attendre celle qu’ils considèrent comme « la goélette de l’espoir ». C’est aussi l’occasion de rencontrer les amis, les cousins et autres parents qui ne se voient pas aussi souvent qu’ils le voudraient car certains habitent au rāhui. Pendant que les parents discutent « coprah » ou pêche, les enfants rêvent aux cornets d’ice-cream qu’ils vont pouvoir apprécier tout en regardant le coucher de soleil. C’est ça la vie des îles. Ce sont toutes ces petites habitudes auxquelles contribue largement le St Xavier Maris Stella commandé par la dernière génération de la famille Salem, Raimana, un capitaine fort sympathique et toujours souriant.



*Le terme « Rāhui » désigne les îles éloignées à partir d’un village. Aux Tuāmotu, ce sont surtout des îlots dont certaines sont visibles après 4 heures de navigation, voire plus dans certaines zones.

Photos Philippe Thaï

Rédigé par TP le Mardi 15 Janvier 2013 à 14:26 | Lu 3128 fois