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Spécialité « sculpture » au CMA : Le tabouret de Homai version Tevaite Rey


Tevaite Rey est l'une des deux majors de sa promotion avec une note de 18 sur 20.
Tevaite Rey est l'une des deux majors de sa promotion avec une note de 18 sur 20.
PAPEETE, le 23 juin 2014 - Le CMA, Centre des Métiers d’Art forme des artisans d’excellence. Des jeunes adultes pour la plupart dont le souhait est de devenir des artistes à part entière. Sur les sept élèves fraîchement diplômés vendredi 20 juin dernier, Tevaite Rey est l’un des deux majors de la promotion 2014.

Tevaite Rey est une jeune femme ambitieuse. Cette enfant de Papara aux yeux vert s’est très vite passionnée pour l’art de la sculpture. Après avoir réussi l’examen de sélection 2011/2012 avec brio, elle fait partie de la vingtaine d’élèves retenus (sur 90 candidats, ce qui prouve de la difficulté des examens) et de là, elle fait ses premiers pas dans l’établissement, en première année. Cette période est celle des essais : « En première année, tu apprends à manipuler les outils, un peu de machine, mais c’est surtout manuel. » nous explique-t-elle. D’autant plus que pour les aider à poursuivre dans leur voie, les élèves choisis perçoivent une indemnité de 44 000 fcp environ, leur permettant d’acheter du matériel qu’ils utiliseront en seconde année.

Après ce passage obligatoire, l’élève choisit une des deux spécialités proposées au CMA : sculpture ou gravure. Pour Tevaite, elle choisit la sculpture. Un art qu’elle apprécie par-dessus tout pour la multitude de possibilité de styles. Et grâce aux techniques de bases acquises en première année, elle se fait la main peu à peu. « Là, tu commences à appréhender les formes des tii et des tiki. » Elle met cette seconde année à contribution afin d’en apprendre beaucoup sur les techniques d’utilisation des gouges et autres outils. « Je savais déjà précisément vers quoi je voulais m’orienter en terme de style. Ce qui m’intéressait, c’était de créer à partir de modèles anciens. »

Mais la seconde année, c’est aussi une autre étape car le nombre d’élèves de sa promotion diminue. « Un état de fait tout simplement dû à l’abandon de certains. D’autres, par exemple, se sont aperçus qu’ils s’étaient trompés. » précise un agent administratif du centre. A ce stade, le CMA ne recrute pas, même pour remplacer. L’objectif est également de déceler les valeurs sûres dont il est certain qu’elles iront jusqu’au bout de la formation. Ce qui est le cas de Tevaite et de six autres de ses camarades.

Deux tables basses entièrement fabriquées à partir de contre-plaqués. Ces dernières sont inspirées du fameux "tabouret de Homaī".
Deux tables basses entièrement fabriquées à partir de contre-plaqués. Ces dernières sont inspirées du fameux "tabouret de Homaī".
3ème année : enfin de la création !

Tevaite tient bon, malgré parfois des moments de doute ou d’inévitables aléas de la vie. Avant d’être une élève attentive, elle est avant tout une maman attentionnée. Son petit garçon est le centre de son univers. Il lui donne la force de continuer toujours plus loin. Arrivée en dernière année, ils ne sont plus que sept élèves sur la vingtaine de départ. Le coup est dur car certaines de ses amies ne sont plus là. « C’était pas facile, mais il fallait tenir bon. »

La création est l’élément déterminant de cette formation. « En 3ème année, tu as beaucoup plus d’autonomie. Tu commences à mettre un peu de création dans ce que tu fais. » dit-elle en souriant. Et pour cause, elle a choisi de puiser son inspiration dans l’héritage culturel des polynésiens, en prenant comme exemple le tabouret de Homai, premier Tahitien à avoir foulé le sol de France en 1770 grâce à Louis-Antoine de Bougainville. D’une gravure de l’objet que l’on peut admirer également au musée de Tahiti et ses îles, Tevaite décide de créer ses tabourets et elle va même plus loin en fabriquant deux tables basses à partir de simples contre-plaqués et en kaori.

En y regardant de près, on s’aperçoit que les deux tables ressemblent également à des tabourets renversés. Deux « up down » (dessus/dessous) surmontés chacune d’une plaque de verre transparente, véritable chef d’œuvre où une matière pauvre (ici, du contre-plaqué en l’occurrence) a été transformé en mobilier de grande classe. Tevaite est fière de son parcours, les responsables du CMA aussi. En effet, la jeune femme de 31 ans a, non seulement obtenu l’une des meilleures notes attribué par un jury d’experts, mais elle a également effectué sa demande d’intégration dans la prestigieuse école d’Art Boulle qui est un établissement public d'enseignement regroupant à la fois une école supérieure des arts appliqués et un lycée des métiers d'art, de l'architecture intérieure et du design. Sa camarade de promotion Hihirau Nanai a effectué la même démarche. Leurs notes de 18 sur 20 constituent un atout majeur pour l’acceptation de leur dossier. Désormais, « j’attends un retour de l’établissement. » indique Tevaite. Selon le CMA, la réponse devrait se faire connaître cette semaine.

A la question : « que feras-tu si ton dossier n’est pas accepté ? », elle nous répond tout simplement avec un regard plein d’espoir et de projets d’avenir : « Eh bien, je vais travailler à mon compte. Il y a tant de choses à faire. Je ferai des objets uniques car il y a de la demande. » Pour preuve, la totalité des objets sculptés et gravés qui sont actuellement en exposition dans le hall du centre, seront mis en vente en novembre 2015. « Cela a lieu tous les deux ans. » nous explique-t-on du côté de la direction «car nous voulons avoir une grande quantité d’objets divers pour offrir un choix. Généralement les ventes se déroulent sur deux soirées, mais les objets se vendent très bien et la plupart ont déjà des acquéreurs. » La dernière vente avait eu lieu en novembre dernier permettant ainsi à l’établissement de recueillir la modique somme de 5 millions de francs.

Pour sa dernière semaine au CMA, Tevaite tient à adresser un message aux élèves de première année : « Je les encourage à aller jusqu’au bout parceque c’est une belle aventure. Ils ont de la chance de faire des projets qu’ils ne feront jamais ailleurs. Ils apprennent beaucoup de choses. Il ne faut pas s’arrêter en cours. On ne vit ça qu’une fois. » Bon courage donc à cette spécialiste à qui on peut également souhaiter une bonne nouvelle en provenance de la France. Fa’aitoito.

TP

Rédigé par TP le Lundi 23 Juin 2014 à 12:16 | Lu 1344 fois