Six mois de sursis requis contre le docteur Théron


Tahiti, le 26 septembre 2023 – Au terme de sept renvois, le procès pour violences aggravées et outrage du controversé docteur Jean-Paul Théron s'est déroulé devant le tribunal correctionnel, ce mardi. Alors que la défense a dénoncé une affaire “politique” destinée à “abattre quelqu'un de gênant”, le procureur de la République a requis six mois de prison avec sursis à l'encontre du médecin. Délibéré le 10 octobre. 
 
Six heures d'audience, sept avocats, douze témoins dont le président de l'assemblée et maire de Paea, Tony Géros : après avoir été renvoyé à sept reprises, le procès pour violences aggravées et outrage du docteur Jean-Paul Théron s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel en présence du président du Tavini, Oscar Temaru. Le médecin de 65 ans était poursuivi pour avoir, le 16 septembre 2021, lancé un dessous de plat en fonte sur un clerc d'huissier qui venait lui remettre une convocation de la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins. Il lui était également reproché d'avoir, deux jours plus tard, outragé une gendarme venue cette fois lui remettre une convocation relative aux violences commises sur l'huissier. Des faits niés par l'intéressé. 
 
Mais alors que le procès est enfin arrivé, il aura beaucoup été question mardi de la vie et l'œuvre du docteur Théron qui est actuellement sous le coup d'une interdiction d'exercer en raison, notamment, de manquements à la déontologie imposée à sa profession. L'on aura donc appris que Jean-Paul Théron, bachelier “avec une mention excellente”, a effectué son internat à Mamao à une “autre époque” où les internes n'étaient pas encore soumis à des obligations de repos. Précisant qu'il avait été médecin officier de réserve à “un grade assez élevé” durant plusieurs années, Jean-Paul Théron a ensuite abordé sa propre personnalité “autoritaire” en expliquant qu'il pensait que c'était cette dernière qui suscitait parfois l'“admiration” de ses patients. 
 
Un clerc d'huissier “trafiquant”
 
Interrogé sur l'agression du clerc d'huissier, le médecin a tout d'abord expliqué qu'il ignorait la qualité professionnelle de cet homme, venu le déranger sur sa terrasse alors qu'il soignait, torse nu, des patients atteints du Covid. Bien que la profession de clerc d'huissier nécessite d'avoir un casier judiciaire vierge, Jean-Paul Théron a ensuite affirmé à la barre que la victime avait un passé de trafiquant, qu'il avait “distribué” de la drogue et qu'il était donc habitué à “mentir”. Des propos que l'avocat du clerc d'huissier lui a ensuite fait répéter en s'assurant qu'ils avaient bien été notés par la greffière. 
 
Alors que le clerc d'huissier avait affirmé que sa blessure au bras avait été causée par le dessous de plat en fonte lancé par le médecin en sa direction, ce dernier a, pour sa part, affirmé qu'il s'était fait cela tout seul. “Il a pu se blesser lui-même car il y a deux ou trois possibilités de se faire mal en sortant de mon domicile”, a assuré le prévenu avant d'évoquer la possibilité que le clerc d'huissier se soit frotté sur un “arbre qui crée des blessures” ou qu'il ait heurté la rambarde de sa terrasse en reculant. Concernant l'outrage proféré à l'encontre de la gendarme à laquelle il aurait dit qu'il allait lui faire subir la même chose qu'au clerc d'huissier, le sexagénaire a affirmé que c'était l'officier de police judiciaire qui lui avait dit : “Vous allez me faire la même chose qu'à l'huissier ?”
 
Exploitation politique
 
Suite à l'audition du docteur Théron, les douze témoins cités par la défense ont ensuite défilé à la barre, dont le président de l'assemblée et maire de Paea, Tony Géros. Si très peu d'entre eux avaient finalement assisté aux deux scènes pour lesquels le médecin était jugé, tous ont loué ses qualités professionnelles, certains affirmant qu'ils avaient été “sauvés” grâce à lui. 
 
Pour l'avocat du clerc d'huissier, le bâtonnier François Mestre, il s'agissait de “recadrer” les faits sans “éluder le contexte”. “Cela aurait pu être un dossier parmi tant d'autres, mais c'était sans compter sur la personnalité de l'auteur et sur l'exploitation politique de cette affaire. Nous ne sommes pas là pour parler de la gestion de la crise du Covid, car pour mon client, il s'agit tout simplement d'une affaire dans laquelle il a été victime d'une agression dans l'exercice de ses fonctions et à la suite de laquelle il a perdu son travail.” L'avocat a par ailleurs affirmé que Jean-Paul Théron s'érigeait en “sauveur” avec un aspect “quasi sectaire” qui est “inquiétant”. L'avocat du conseil de l'ordre des médecins, Me Teremoana Hellec, a également pris la parole pour dénoncer, au travers du comportement du prévenu, une “atteinte à l'image de la profession”. 
 
Souffrance morale
 
Considérant que le médecin avait commis des “dérapages verbaux et physiques”, le procureur de la République a rappelé lors de ses réquisitions que “l'état sanitaire tendu” à l'époque n'autorisait aucun affranchissement du respect des mesures du code pénal. Après être revenu sur la “souffrance morale manifeste dans la vie personnelle et professionnelle” du clerc d'huissier, le représentant du ministère public a requis six mois de prison avec sursis simple à l'encontre de Jean-Paul Théron. 
 
Sans grande surprise, les avocats du médecin ont plaidé sur le supposé volet politique de cette affaire. Me Céran Jérusalémy a ainsi assuré que c'était la Polynésie qui avait “engagé” cette affaire contre quelqu'un de “gênant” qu'il “fallait abattre” car il avait prescrit de la chloroquine et qu'il en avait fait la promotion. “Il a soigné et sauvé beaucoup de malades alors que l'hôpital était devenu anxiogène. Pour les gens, y aller, c'était ressortir les deux pieds devant.” Une sortie qui ne laissera certainement pas insensibles les centaines de soignants du Taaone qui ont sans cesse œuvré pour sauver les patients tout au long de la crise sanitaire. 
 
Acharnement
 
Pour l'un des autres avocats de Jean-Paul Théron, Me Stanley Cross, ce procès n'était autre que celui du “gouvernement d'Édouard Fritch qui a mal géré la crise sanitaire”. Affirmant qu'il ne fallait pas oublier qu'à l'époque des faits, son client avait “83 patients” à gérer et qu'il dormait très peu, l'avocat a dénoncé un “acharnement du Pays et du conseil de l'ordre des médecins” à son encontre alors qu'ils auraient dû faire preuve de “modération”. Le tribunal rendra sa décision le 10 octobre. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 26 Septembre 2023 à 18:22 | Lu 2618 fois