préparation de l'hélicoptère (Roberto Luta)
Papeete, le 21 juillet 2015 - Il aura fallu une mobilisation internationale, un budget de 100 millions de francs, un groupe de 30 volontaires, un hélicoptère et un bateau affrétés pour l'occasion, mais c'est fait : six îles des Gambier et du groupe Actéon sont désormais dératisées.
Restaurer les écosystèmes de six îles à leur état naturel, c'est-à-dire les remettre dans les conditions qui existaient avant même l'arrivée des premiers Polynésiens, est un exploit inédit pour la Polynésie française mais également pour les associations de protection de la nature du monde entier. C'est pourtant ce qui vient de se passer au Fenua, au terme de l'opération "Restoration" menée par les ONG Island Preservation et BirdLife International (avec son partenaire local, la SOP Manu).
En pratique, quatre îles des Gambier et deux du groupe Actéon (voir encadré) ont été traitées contre les mammifères invasifs, les rats noirs en particulier. Ce projet a nécessité trois ans de préparation, puis a mobilisé une trentaine de personnes, des centaines de tonnes de matériel, un bateau et un hélicoptère, du 4 juin au 4 juillet 2015. Les derniers volontaires, scientifiques ou experts internationaux venant de trois continents et six pays dans le monde, sont à peine en train de repartir de Polynésie.
Restaurer les écosystèmes de six îles à leur état naturel, c'est-à-dire les remettre dans les conditions qui existaient avant même l'arrivée des premiers Polynésiens, est un exploit inédit pour la Polynésie française mais également pour les associations de protection de la nature du monde entier. C'est pourtant ce qui vient de se passer au Fenua, au terme de l'opération "Restoration" menée par les ONG Island Preservation et BirdLife International (avec son partenaire local, la SOP Manu).
En pratique, quatre îles des Gambier et deux du groupe Actéon (voir encadré) ont été traitées contre les mammifères invasifs, les rats noirs en particulier. Ce projet a nécessité trois ans de préparation, puis a mobilisé une trentaine de personnes, des centaines de tonnes de matériel, un bateau et un hélicoptère, du 4 juin au 4 juillet 2015. Les derniers volontaires, scientifiques ou experts internationaux venant de trois continents et six pays dans le monde, sont à peine en train de repartir de Polynésie.
Un bénévole local offre un morceau de poisson fraîchement pêché à une frégate.
"IL EST TRÈS RARE DE POUVOIR AVOIR UN TEL IMPACT AVEC UN SEUL PROJET"
L'urgence était de sauver six espèces d'oiseaux, dont trois parmi les plus menacés au monde. Au premier rang se trouve la Gallicolombe des Tuamotu (Tutururu, ou Alopecoenas erythropterus), un des oiseaux les plus rares au monde avec à peine 150 individus survivants. Totalement inadapté aux prédateurs introduits, les rats mangeurs d'œufs et de poussins menaçaient de le faire disparaitre pour de bon. Avec la mission, son espace vital a plus que doublé, en restaurant 2 atolls, que cette espèce pourra coloniser facilement.
En plus de la Gallicollombe et des plantes endémiques, deux espèces d'oiseau en danger moins grave vont trouver un nouvel éden dans ces îles : le chevalier des Tuamotu (Titi, ou Prosobonia parvirostris) et l'océanite à gorge blanche (qui voyage à travers nos îles et a autant de noms, kotai, pitai, hauhea ou korue, ou en latin Nesofregetta fuliginosa).
"Nous avons très rarement la chance d'avoir un tel impact pour la préservation des écosystèmes en un seul projet" se réjouit Steve Cranwell, Operation Manager and Invasive Species expert de BirdLife Pacific. "Les espèces invasives sont un facteur clé dans la disparition des écosystèmes mondiaux" explique-t-il. "Les mammifères introduits sont responsables à eux seuls de 90% de toutes les extinctions d'oiseaux depuis 1500, et sont aujourd'hui la cause du déclin de neufs oiseaux en dangers sur dix dans le Pacifique."
Avec trois ans de préparations, une coopération internationale très poussée et un cauchemar d'organisation logistique, cet expert en espèces invasives assure qu'il est "incroyable que nous soyons dans les temps, compte tenu de tout ce qui aurait pu mal se passer. C'est à mettre au crédit de tout le monde que le pire qui soit arrivé est un "doigt qui a changé de forme et quelques boites de 'vitamines tropicales' (l'antibiotique Amoxicilline)".
"Avec presque un million d'euros de budget, c'est notre plus gros projet de restauration à ce jour. Mais avec une opération d'envergure, en partageant le transport, les équipements et les expertises, nous avons pu restaurer ces six îles d'un coup pour le même prix que deux opérations pour des îles individuelles."
L'urgence était de sauver six espèces d'oiseaux, dont trois parmi les plus menacés au monde. Au premier rang se trouve la Gallicolombe des Tuamotu (Tutururu, ou Alopecoenas erythropterus), un des oiseaux les plus rares au monde avec à peine 150 individus survivants. Totalement inadapté aux prédateurs introduits, les rats mangeurs d'œufs et de poussins menaçaient de le faire disparaitre pour de bon. Avec la mission, son espace vital a plus que doublé, en restaurant 2 atolls, que cette espèce pourra coloniser facilement.
En plus de la Gallicollombe et des plantes endémiques, deux espèces d'oiseau en danger moins grave vont trouver un nouvel éden dans ces îles : le chevalier des Tuamotu (Titi, ou Prosobonia parvirostris) et l'océanite à gorge blanche (qui voyage à travers nos îles et a autant de noms, kotai, pitai, hauhea ou korue, ou en latin Nesofregetta fuliginosa).
"Nous avons très rarement la chance d'avoir un tel impact pour la préservation des écosystèmes en un seul projet" se réjouit Steve Cranwell, Operation Manager and Invasive Species expert de BirdLife Pacific. "Les espèces invasives sont un facteur clé dans la disparition des écosystèmes mondiaux" explique-t-il. "Les mammifères introduits sont responsables à eux seuls de 90% de toutes les extinctions d'oiseaux depuis 1500, et sont aujourd'hui la cause du déclin de neufs oiseaux en dangers sur dix dans le Pacifique."
Avec trois ans de préparations, une coopération internationale très poussée et un cauchemar d'organisation logistique, cet expert en espèces invasives assure qu'il est "incroyable que nous soyons dans les temps, compte tenu de tout ce qui aurait pu mal se passer. C'est à mettre au crédit de tout le monde que le pire qui soit arrivé est un "doigt qui a changé de forme et quelques boites de 'vitamines tropicales' (l'antibiotique Amoxicilline)".
"Avec presque un million d'euros de budget, c'est notre plus gros projet de restauration à ce jour. Mais avec une opération d'envergure, en partageant le transport, les équipements et les expertises, nous avons pu restaurer ces six îles d'un coup pour le même prix que deux opérations pour des îles individuelles."
Une Gallicolombe, l'oiseau que tout ce monde veut protéger (crédit : BirdLife International)
Le groupe Actéon : 6ème archipel oublié de la Polynésie
Composé des îles inhabitées de Matureivavao, Tenarunga, Vahanga et Tenararo, le groupe Actéon est un archipel situé à 250 km au nord-ouest des Gambier et à plus de 1500 km de Papeete. Bien que personne n'y vive, ces atolls et leurs lagons sont utilisés pour le coprah, et comme réservoir de pêche pendant les expéditions dans les cocoteraies des habitants des Tuamotu et des Gambier.
Après le traitement contre les rats, les habitants devront se passer de cette zone de pêche pendant six mois, les poissons et crustacés ayant potentiellement absorbé le raticide (qui ne les affecte pas). Un sacrifice accepté par les locaux, car il sera utile pour le long terme. Les habitants ont même donné un sérieux coup de main pour la réussite du projet. Car les îles vont devenir un sanctuaire pour des espèces endémiques en train de disparaître dans tout le reste de la Polynésie, ce qui attirera une forme d'éco-tourisme en pleine expansion dans le monde. La suppression des rats et les efforts des marins alentour pour éviter leur réintroduction va également augmenter considérablement la production des cocoteraies…
Composé des îles inhabitées de Matureivavao, Tenarunga, Vahanga et Tenararo, le groupe Actéon est un archipel situé à 250 km au nord-ouest des Gambier et à plus de 1500 km de Papeete. Bien que personne n'y vive, ces atolls et leurs lagons sont utilisés pour le coprah, et comme réservoir de pêche pendant les expéditions dans les cocoteraies des habitants des Tuamotu et des Gambier.
Après le traitement contre les rats, les habitants devront se passer de cette zone de pêche pendant six mois, les poissons et crustacés ayant potentiellement absorbé le raticide (qui ne les affecte pas). Un sacrifice accepté par les locaux, car il sera utile pour le long terme. Les habitants ont même donné un sérieux coup de main pour la réussite du projet. Car les îles vont devenir un sanctuaire pour des espèces endémiques en train de disparaître dans tout le reste de la Polynésie, ce qui attirera une forme d'éco-tourisme en pleine expansion dans le monde. La suppression des rats et les efforts des marins alentour pour éviter leur réintroduction va également augmenter considérablement la production des cocoteraies…
La mascotte du camp sur Manui, un des ilots des Gambier: un pétrel de Murphy (crédit : Roberto Luta)
Un budget de 800 000 euros
Pour financer la protection des espèces d'oiseaux endémiques polynésiennes, il aura fallu lever des fonds importants, totalisant cent million de francs. Le financement est venu largement de l'étranger. Avec 28 millions Fcfp, l'Union Européenne est le plus gros contributeur. Les internautes ont aussi participé très activement au projet. Sur le site de dons Kritical Mass, 184 amoureux d'oiseaux ont déjà offert 55 600 dollars (soit plus de 6 millions de francs), en réponse à l'appel de BirdLife International et du jeu vidéo Angry Bird. Il reste 9 jours pour tenter de doubler la somme.
Beaucoup d'organisations ont aussi apporté leur aide financière ou en nature. Ainsi, le laboratoire américain Bell a offert le raticide au projet, ce qui a permis des économies considérables. Island Conservation a participé gracieusement avec ses spécialistes et son matériel, et même la goélette Nuku Hau a donné un coup de main. Les fondations British Birdwatching Fair, la David and Lucile Packard Foundation, la Mohamed bin Zayed Species Conservation Fund, le fonds Biome ou encore T-Gear Trust Canada ont apporté des fonds.
Nos pouvoirs publics se sont aussi mobilisés pour l'opération, avec une promesse de don de 5 millions de francs venant du gouvernement polynésien.
Pour financer la protection des espèces d'oiseaux endémiques polynésiennes, il aura fallu lever des fonds importants, totalisant cent million de francs. Le financement est venu largement de l'étranger. Avec 28 millions Fcfp, l'Union Européenne est le plus gros contributeur. Les internautes ont aussi participé très activement au projet. Sur le site de dons Kritical Mass, 184 amoureux d'oiseaux ont déjà offert 55 600 dollars (soit plus de 6 millions de francs), en réponse à l'appel de BirdLife International et du jeu vidéo Angry Bird. Il reste 9 jours pour tenter de doubler la somme.
Beaucoup d'organisations ont aussi apporté leur aide financière ou en nature. Ainsi, le laboratoire américain Bell a offert le raticide au projet, ce qui a permis des économies considérables. Island Conservation a participé gracieusement avec ses spécialistes et son matériel, et même la goélette Nuku Hau a donné un coup de main. Les fondations British Birdwatching Fair, la David and Lucile Packard Foundation, la Mohamed bin Zayed Species Conservation Fund, le fonds Biome ou encore T-Gear Trust Canada ont apporté des fonds.
Nos pouvoirs publics se sont aussi mobilisés pour l'opération, avec une promesse de don de 5 millions de francs venant du gouvernement polynésien.
Le matériel descendu du bateau (Photo : Roberto Luta)
26 personnes en camping sur des îles désertes pendant un mois
Thomas Ghestemme, coordonnateur des programmes de Manu, nous explique pourquoi il aura fallu mobiliser tant de monde pour un "simple" épandage de raticide :
"Au final, 26 personnes ont été mobilisées. Déjà pour l'épandage héliporté il fallait cinq personnes, en plus des deux pilotes dont un néo-zélandais qui connaissait la procédure et du mécanicien de l'hélicoptère. Et après, tous les autres étaient mobilisés sur les opérations de pré-épandage, les opérations de suivi après l'épandage et le soutien logistique. Cela concernait, par exemple, la vérification de la durée de vie des granulés, leur consommation, tout ce qui permet de suivre le succès de l'opération. Mais il y avait aussi le monitoring des crabes, des poissons, des oiseaux, leur santé et leur réaction au traitement…
En plus, toutes les actions étaient menées sur des bases scientifiques. Il y avait des spécialistes mondiaux des différents oiseaux locaux pour le monitoring des espèces que l'on veut protéger. Même ceux qui n'étaient pas sur les îles avaient dressé les procédures et les données à collecter, que des techniciens ont réalisé sur place."
Thomas Ghestemme, coordonnateur des programmes de Manu, nous explique pourquoi il aura fallu mobiliser tant de monde pour un "simple" épandage de raticide :
"Au final, 26 personnes ont été mobilisées. Déjà pour l'épandage héliporté il fallait cinq personnes, en plus des deux pilotes dont un néo-zélandais qui connaissait la procédure et du mécanicien de l'hélicoptère. Et après, tous les autres étaient mobilisés sur les opérations de pré-épandage, les opérations de suivi après l'épandage et le soutien logistique. Cela concernait, par exemple, la vérification de la durée de vie des granulés, leur consommation, tout ce qui permet de suivre le succès de l'opération. Mais il y avait aussi le monitoring des crabes, des poissons, des oiseaux, leur santé et leur réaction au traitement…
En plus, toutes les actions étaient menées sur des bases scientifiques. Il y avait des spécialistes mondiaux des différents oiseaux locaux pour le monitoring des espèces que l'on veut protéger. Même ceux qui n'étaient pas sur les îles avaient dressé les procédures et les données à collecter, que des techniciens ont réalisé sur place."
Des membres du projet avec des enfants des Tuamotu (crédit : Island Conservation)
Pour aller plus loin :
Leurs aventures aux Actéons-Gambier (en anglais) :
>>> Update from the Field: Expedition to save Critically Endangered Polynesian Ground-dove on track to be a success
>>> Update from the Field: Great strides made to save Critically Endangered Polynesian Ground-dove
>>> Update from the Field: Effort to save two of the world’s rarest birds may be nearing completion!
Le retour des volontaires de Manu :
>>> Fin de la mission 2015 aux Actéon Gambier
Faire un don à BirdLife pour la restauration des écosystèmes du Pacifique :
>>> Kiritical Mass
Leurs aventures aux Actéons-Gambier (en anglais) :
>>> Update from the Field: Expedition to save Critically Endangered Polynesian Ground-dove on track to be a success
>>> Update from the Field: Great strides made to save Critically Endangered Polynesian Ground-dove
>>> Update from the Field: Effort to save two of the world’s rarest birds may be nearing completion!
Le retour des volontaires de Manu :
>>> Fin de la mission 2015 aux Actéon Gambier
Faire un don à BirdLife pour la restauration des écosystèmes du Pacifique :
>>> Kiritical Mass