Six SDF ont décroché des contrats avec la mairie de Papeete


Yves Tuihaa a décroché un CAE, le mois dernier
PAPEETE, le 21 janvier 2019 - Cela fait deux ans que le tāvana et son équipe travaillent pour la réinsertion des sans domicile fixe à Papeete. Aujourd'hui, cinq d’entre eux ont décroché un CAE, un contrat d'accès à l'emploi pour une durée de 6 mois, une période durant laquelle ils seront observés, et un autre a réussi à décrocher un CDD au marché de Papeete.

Les relations entre la municipalité et les sans domicile fixe sont plus sereines. Depuis deux ans, le tāvana, Michel Buillard et son équipe travaillent sur la réinsertion de ce public particulier, souvent meurtri par les événements de la vie.

Mais avant d'entreprendre quoi que ce soit, le tāvana a d’abord préféré tâter le terrain, en créant le service d'agents de proximité. "Ils ont reçu pour consigne de faire bouger et de ne pas faire sédentariser les SDF qui gênent la fréquentation des commerces de la ville", explique Michel Buillard. "Il suffit de discuter avec eux et d'établir une relation de confiance pour qu'ils respectent les agents de proximité et c'est le cas aujourd'hui. Donc, on a établi cette forme de relation qui est nouvelle, mais qui enrichit la cohésion dans la ville", ajoute le premier magistrat de Papeete.

Ainsi, il est plus facile pour l'équipe municipale d'agir et d'intervenir auprès des SDF en leur proposant des moyens dont dispose la commune, tels que l'insertion professionnelle. "Nous avons une connaissance relativement pointue de la situation sur le terrain. Nous connaissons pratiquement tous les SDF, et ils ne sont pas si nombreux que cela. Il y a une dizaine autour de la Cathédrale. Maintenant, on peut discuter sérieusement de leur avenir avec eux. Ce n'est pas une action de passage limitée dans le temps. Non, c'est une action en profondeur que nous avons menée et c'est la raison pour laquelle nous avons pu détecter des richesses chez un certain nombre d'entre eux qui veulent bien se bouger et s'intégrer", prévient le tāvana.

Depuis deux ans, six d'entre eux ont réussi à décrocher des contrats avec la commune. Le concept est simple, avant de leur donner un contrat plus stable, la mairie leur propose tout d'abord, des contrats d'accès à l'emploi (CAE), pour une durée de six mois. Une période durant laquelle ils pourront démontrer leur motivation. Une fois cette étape terminée, des CDD leur seront proposés avant de déboucher sur un CDI. Un dispositif qui plait bien.

Nous avons rencontré deux SDF qui ont accepté de reprendre leurs vies en main. Il y a tout d'abord Michel Terii, actuellement en CDD depuis huit mois au marché de Papeete et il y a Yves Tuihaa, qui a décroché un CAE, le mois dernier (retrouvez leurs réactions dans les encadrés ci-dessous).

Si les efforts se concentrent sur les SDF aujourd'hui, les jeunes qui sont en rupture avec la société n'ont pas été oubliés. "Pour éviter qu'ils tombent dans les pièges de la société de consommation, avec vols, violence et consommation de drogue, nous avons mené des actions en profondeur pour cette catégorie de population. Nous avons dix agents de proximité, il y a aussi des jeunes que j'ai introduits dans les services, il y en a aussi qui font du jardinage, nous avons un service de propreté… et ce sont tous ces jeunes de quartiers", indique le maire de Papeete.

L'objectif de la municipalité est de redonner à la capitale ses lettres de noblesse, mais encore faut-il que tout le monde joue le jeu, parce qu'au final, nous sommes tous concernés.


La parole à

Michel Terii
Agent de proximité au marché de Papeete

"Il est important de travailler dans la vie"


"À l'époque, je vivais à Vaitupa et je travaillais pour un copain. Il se chargeait de monter les baraques foraines et deux ans plus tard, je suis revenu à l'OTAC pendant un an, avec ma femme et nos enfants. À cette époque, on n'avait pas trop de soucis, puisque l'ancien directeur de la Maison de la culture avait accepté que l'on reste sur le site. Nous y sommes restés pendant un an. Aujourd'hui, je suis toujours dans la rue, mais je veux montrer à mes collègues qu'on peut y arriver. Après, il y a trois types de SDF : ceux qui font de leur mieux pour s'en sortir, ceux qui ne veulent rien faire et ceux qui ont des problèmes mentaux. Donc, j'ai juste envie de leur dire de se ressaisir et de ne plus mendier. Il est important de travailler dans la vie. Je discute beaucoup avec mes collègues SDF lorsqu'ils viennent au marché. Je leur donne des conseils et je leur parle de mon parcours et des occasions qui pourront s'offrir à eux plus tard.
À côté de cela, je suis à la recherche également d'un logement pour ma petite famille. Heureusement que le maire nous a aidés. Je voudrais que les autres SDF fassent comme nous et se démènent pour trouver un emploi."



Yves Tuihaa
Agent d'entretien du marché en tant que CAE

"Chacun est maître de son destin"


"Je suis SDF et je traîne dans les rues de Papeete, depuis 2004. Je vivais auparavant dans un fare OPH, et j'avais du mal à honorer mes loyers, on m'a donc demandé de quitter mon fare. Et puis, j'avais perdu entre temps mon travail, et c'est comme cela que les ennuis ont commencé. Je cherchais du travail, mais en vain. Des fois, j'en trouvais, mais c'était provisoire. Donc, pour m'en sortir, je devais mendier aussi. Actuellement, je vis seul, mes trois garçons sont avec leur mère. Mais, depuis quelques semaines, le moral est au beau fixe, puisque j'ai un travail. Je remercie vraiment le maire de Papeete de m'avoir fait confiance. C'est lui qui est venu me voir, après une altercation avec la police municipale. Il voulait comprendre ce qui s'était passé. J'étais en train de mendier devant les magasins. Donc, aujourd'hui, ils vont m'observer pendant six mois et j'espère que je décrocherai un contrat demain. En tout cas, je ferai tout pour garder mon travail, et j'aimerais dire aux autres SDF de prendre leur courage à deux mains et de trouver un travail. Chacun est maître de son destin."



Rédigé par Corinne Tehetia le Lundi 21 Janvier 2019 à 09:09 | Lu 4662 fois