Situation bloquée entre PNC et direction d'ATN


Tahiti, le 5 juillet 2023 - Le conflit entre les syndicats et la direction de la compagnie aérienne Air Tahiti Nui commence à durer. Alors qu'une réunion était prévue à 15h30, mercredi, aucun accord n'est sorti. Les deux vols de la soirée étaient encore en suspens en fin de journée et les rencontres doivent se poursuivre jeudi.
 
Pas d'accord, mercredi soir, alors que syndicats et direction d'Air Tahiti Nui se séparaient après à peine une heure de discussion. Mercredi matin, devant le piquet de grève à l'aéroport de Tahiti, les revendications étaient toujours les mêmes de la part des PNC. “On demande une augmentation de tous les salaires, mêmes pour les nouveaux salariés”, expliquait Magali Juventin du syndicat A ti'a i mua. Pour tenter de sortir du confit, la direction avait convié les syndicats à 15h30 pour une réunion.
 
Les deux syndicats en grève ont refusé la proposition de revalorisation salariale à hauteur de 9,1%, notamment car elle ne concernerait “qu'une seule catégorie” du personnel volant parmi les PNC, les chefs de cabine, les chefs de cabine principaux et les instructeurs et seulement les salariés avec “une ancienneté de 14 ans”, selon Magali Juventin.
 
257 salariés concernés
 
Moetai Brotherson était lui aussi présent mercredi matin avec les grévistes, assistant impuissant, en compagnie des deux députés Le Gayic et Chailloux, à l'annulation du vol vers la Nouvelle-Zélande. “Il faut que l'on arrive à un terrain d'entente sur lequel tout le monde peut sortir gagnant”, a indiqué le président de la Polynésie française. “J'ai demandé à ce que l'on me refasse les calculs. Une hausse de 30% correspondrait à un budget supplémentaire de 695 millions de francs.” Une somme qui semble bien au-delà de ce que peut sortir la compagnie au tiare.
 
Ça fait trop longtemps que l'on attend”, s'est exclamée, mercredi matin, Magali Juventin. Pourtant, Michel Monvoisin, p-dg d'Air Tahiti Nui, a assuré qu'il y avait eu “plus d'une quinzaine de réunions ces dernières semaines”. Questionné sur le timing de cette grève, la porte-parole du mouvement a assuré ne pas avoir “attendu que le Tavini arrive au pouvoir”.
 
Magali Juventin a indiqué que les grévistes ont fait une proposition à hauteur de 417 millions de francs pour revaloriser la rémunération des 257 salariés concernés. Les négociations entre la direction et les syndicats durent “depuis mars”, selon Magali Juventin. Le 12 juin, les syndicalistes d'ATN avaient fait part de “malaise social avec la direction”.
 
Deux vols étaient prévus mercredi soir et les passagers étaient invités à se présenter à l'embarquement, sans certitude de voir leur avion décoller.

​8,1 milliards et des contradictions

En dehors des revendications salariales des PNC, le gouvernement de la Polynésie française est gêné dans sa marge de manœuvre dans le conflit social d'Air Tahiti Nui. En effet, en 2021, le Pays a octroyé une subvention de 8,1 milliards de francs pour sauver la compagnie et tous les emplois à ATN. Cette subvention a fait l'objet d'une convention avec une contrepartie de la compagnie de ne pas augmenter la masse salariale (sauf par obligation d'embauche due à l'activité), et contraint à l'exigence économique.
De fait, le P-d-g de la société, Michel Monvoisin, ne peut pas conventionnellement répondre aux demandes des PNC sauf à contrevenir à la convention. Seul l'actionnaire majoritaire a le pouvoir de déroger à la règle et donner son accord, décidé en conseil d'administration. Problème, remarquait-on mercredi, les représentants du Pays n'ont pas encore été nommés. Il est donc impossible pour la direction de convoquer un conseil d'administration et d'acter une quelconque décision d'augmentation de salaire. Le faire serait contraire à la convention et placerait le Pays en droit de demander le remboursement de la subvention des 8,1 milliards de francs.
De par leurs fonctions, le président Moetai Brotherson, Steve Chailloux et Tematai Legayic étaient mercredi, par leur simple soutien aux revendications des grévistes, en contradiction… avec eux-mêmes.
 
Bertrand Prévost

​La CPMPE crie à l'irresponsabilité

Dans un communiqué publié mercredi 5 juillet sur les réseaux sociaux, la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a sorti les armes lourdes pour dénoncer le mouvement de grève des PNC au sein de la compagnie Air Tahiti Nui. Elle y dépeint un mouvement de grève “pour prendre à la gorge, la direction, les passagers, les hôtels, les pensions, les prestataires, etc. …Bref tous les Polynésiens.”
Sur les revendications syndicales, là encore, la pilule ne passe pas auprès du syndicat des patrons en pleine saison. “C’est donc sans aucun scrupule et hors de tout entendement qu’une demande d’augmentation de 30% des salaires est à l’origine de ce chantage organisé. Même si nous pouvons être sensibles au travail effectué par les personnels navigants, et la pénibilité de leur métier, nous ne pouvons accepter qu’elle se fasse sous la pression d’un chantage syndical corporatiste organisé pendant une période si importante pour le tourisme polynésien”, ponctue le communiqué.

Et le communiqué de conclure : “Chaque vol qui sera annulé participera au ralentissement économique de nos entreprises qui doivent pouvoir compter sur l’outil Air Tahiti Nui auquel elles ont contribué pendant tant d’années (…) La CPME de Polynésie française demande au président du gouvernement d’intervenir dans les meilleurs délais pour faire cesser ce mouvement dont les demandes dépassent toutes les limites, au mépris de la pérennité et de l’avenir de notre compagnie et des conséquences directes et indirectes sur l’économie et les entreprises.”
 
BP

Rédigé par Jules Bougat avec Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 5 Juillet 2023 à 20:41 | Lu 3768 fois