« Si vous cumulez plus de cyclones et de températures chaudes, le corail ne s'en remettra pas »


Après avoir été très abîmé, il faut dix à 12 ans pour que le récif corallien se rétablisse.
PAPEETE, le 14 juillet 2015. Bernard Salvat, spécialiste des récifs coralliens en Polynésie française, décrit les risques du changement climatique sur nos coraux. Les dirigeants polynésiens sont réunis pendant deux jours pour préparer la COP21.


Au début du mois, 45 institutionnels, experts et chercheurs ont planché sur la vulnérabilité des îles basses face aux effets du changement climatique. Ils ont livré diverses recommandations. Celles-ci serviront lors de la réunion des dirigeants polynésiens (Polynesian Leaders group) qui se tient ce mercredi et ce jeudi au fenua. Cette plate-forme intergouvernementale regroupe les huit collectivités polynésiennes que sont les îles Cook, Niue, la Polynésie française, Samoa, les Samoa américaines, Tokelau, Tonga et Tuvalu. L'objectif est de rédiger une déclaration commune pour la COP 21 qui se tiendra à la fin de l'année (lire encadré ci-contre). Bernard Salvat, professeur émérite de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) et fondateur du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) à Moorea, était présent début juillet pour participer à l'élaboration des recommandations. Interview.

Vous êtes un expert des récifs coralliens en Polynésie française. Comment le corail se rétablit après un événement fort comme un cyclone ?
Bernard Salvat : "Lorsqu'un cyclone important passe sur un récif, comme cela a été le cas en 1982 et 1983 (six cyclones ont ravagé la Polynésie française de décembre 1982 à avril 1983, NDLR), des récifs de pente externe ont été complètement abrasés : le recouvrement corallien est passé de 60 à 2 %. On sait depuis que lorsqu'un cyclone détruit complètement un récif, il faut 10 à 12 ans pour qu'il soit à nouveau florissant à condition qu'il n'y ait pas un nouveau cyclone. Avec les taramea (acanthaster), c'est pareil. Vous avez une invasion pendant quelque temps, elles vont manger tout le corail, le corail va être détruit presque à 100 % puis au bout de 10 à 12 ans, les taramea auront disparu puisqu'elles n'auront plus rien à manger et le corail redeviendra florissant. Ce qui est dramatique c'est la fréquence des destructions massives."

Comment le récif réagira-t-il au changement climatique ?
"Les récifs de Polynésie sont habitués à des cyclones, des explosions de population de taramea ou même des températures anormales l'été de temps en temps. Mais ce que nous fait craindre le changement climatique, c'est que si vous cumulez une plus grande fréquence des cyclones et des températures chaudes, le corail ne s'en remettra pas puisque pour chacune des perturbations cataclysmiques majeures il faudra une douzaine d'années pour que tout redevienne florissant. Évidemment, si entre-temps, il y a un autre cyclone et des hausses de températures le récif aura du mal à s'en remettre."




La COP21, c'est quoi ?

La COP21 est la 21e Conference of the Parties ou Conférence des Parties. C'est l'organe majeur de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée en 1992 à l'issue du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, au Brésil. Cette dernière a été mise en place afin de comprendre et trouver des solutions au problème du changement climatique. Dans ce cadre, presque tous les pays du monde se réunissent chaque année depuis 1995 pour lutter ensemble contre le réchauffement climatique.
La COP21 se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre. S'y rassembleront 195 pays signataires de la CCNUCC, des ONG, des entreprises et des groupements de scientifiques. Certaines conférences ont donné naissance à des décisions importantes comme le Protocole de Kyoto en 1997. Mais d'autres COP n'ont pas débouché sur de nouveaux engagements quantitatifs.
Pour les représentants de 195 pays, l'objectif sera de trouver un accord pour limiter à deux degrés le réchauffement climatique par rapport à l'ère préindustrielle.


La Polynésie française sera présente

En avril, le conseil des ministres a acté la nomination de Bran Quinquis en tant que délégué interministériel en charge de la préparation de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21) . A l'issue de la rencontre du Groupe des dirigeants polynésiens (PLG - Polynesian Leaders Group) , une déclaration commune sera rédigée pour être relayée lors de la C0P21.

le Mardi 14 Juillet 2015 à 20:05 | Lu 1553 fois