Shark feeding : personne n’en fait, mais il y en a toujours


Inutile de questionner, officiellement personne ne pratique le Shark feeding. L’activité est interdite depuis 2006. "Du Shark Feeding, on n’en fait pas", s’entend-t-on répondre, un brin outré, en interrogeant les professionnels de la plongée. L’affirmation est catégorique. Mais de l’autre côté, le constat est fréquent aussi et régulièrement rapporté au ministère de l’Environnement : "Nous avons souvent des personnes qui attirent notre attention pour avoir observé des restes de poisson issus de la pratique du Shark feeding", constate Jacky Bryant, le ministre de l’Environnement. Y aurait-il tout de même des contrevenants ?

L’arrêté n°396 CM, du 28 avril 2006, portant inscription notamment des requins, dans la catégorie B des espèces protégées par le code de l’Environnement, est clair : il précise qu’il est interdit de nourrir les requins "dans les lagons, les passes et dans un rayon de 1 kilomètre centré sur l’axe de la passe, à titre gratuit ou onéreux".

En cas de constat par un agent assermenté, la sanction pénale prévoit 3 mois d’emprisonnement, un million Fcfp d’amende et la saisie du matériel ayant été utilisé par le contrevenant pour se transporter sur le site. Cette sanction est doublée en cas de récidive. Sans compter la suppression de la licence d’exploitation du contrevenant.

La pratique est dangereuse en ce qu'elle modifie le comportement naturel des requins. En juillet 2011, lors d’une conférence donnée à la Chambre de Commerce, le docteur en biologie marine Johann Mourier, spécialiste des squales, expliquait que l’activité de Shark feeding entraîne des perturbations sur le comportement des requins et qu’elle les sédentarise sur le lieu de distribution de nourriture. "Les requins finissent même par caler leurs approches en fonction des heures de nourrissage", constatait le scientifique, mettant en exergue un réflexe de Pavlov . Naturellement craintifs, on observe qu’à force d’être nourris les requins s’accoutument à la présence humaine. Et ce phénomène est à l'origine de situations dangereuses notamment sur la sécurité des pêcheurs, des baigneurs, des plongeurs, des surfeurs.

Le matin du 9 février dernier, lors d’une plongée classique en bouteille le long du récif extérieur de Bora Bora, sur le site appelé Tapu, quelques minutes après l’immersion, "un plongeur Canadien a été blessé à l’avant-bras droit par un requin citron qui souhaitait apparemment s’emparer de sa montre", explique Paul Ramos, propriétaire des centres de plongées Topdive. Le requin s’en étant pris à un client du club Bora Bora.

Le ministère de l’Environnement a ordonné à ses services de mener une enquête, pour déterminer les circonstances de cet incident.

"On fait surtout confiance au sens civique des prestataires", reconnait-on au ministère de l’Environnement. "C’est difficile pour nous de contrôler, à moins de transformer un agent de la DirEn (Direction de l’Environnement, NDLR) en faux touriste client d’un club de plongée. (…) Au nom du Tourisme, pendant des années, on a eu des pratiques qui ont fini par dérégler l’écosystème. Et aujourd’hui, on en observe les problèmes".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 18 Février 2013 à 15:41 | Lu 4830 fois