Pascal GUYOT / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 28/01/2022 - Les Français le détestent, même s'ils sont seulement une toute petite minorité à s'en acquitter: l'impôt sur l'héritage est au coeur des propositions des candidats à la présidentielle, entre promesses de lutte contre les inégalités et défense de la transmission intergénérationnelle.
Le sujet est un serpent de mer, complexe, et sensible, car il puise au coeur de ressorts psychologiques et moraux. "C'est un débat qui est de l'ordre du symbole", souligne l'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet auprès de l'AFP.
Le quasi candidat Emmanuel Macron a relancé le débat début janvier, après s'être dit en 2016 favorable à un alourdissement de la fiscalité sur les successions, n'avoir pas abordé le sujet dans son projet présidentiel en 2017, puis avoir affirmé qu'on n'y toucherait pas tant qu'il serait à l'Elysée.
"Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire", a-t-il assuré dans un entretien au Parisien, en identifiant "un sujet" sur "la +transmission populaire+, c'est-à-dire lorsqu’on n'est pas sur des montants exorbitants".
Avalanche de propositions dans la foulée. A droite, on défend, comme Valérie Pécresse (LR), un relèvement du plafond d'exonération des droits de succession actuellement fixé à 100.000 euros pour un parent léguant à un enfant, et un allègement de la fiscalité sur les donations du vivant du donateur, pour "libérer" la transmission entre générations.
A gauche, on prône parfois, comme Anne Hidalgo (PS) et Yannick Jadot (EELV), un relèvement de ces plafonds, mais aussi une plus grande progressivité de l'impôt, notamment en taxant davantage les gros patrimoines, à l'image de Jean-Luc Mélenchon (LFI) qui veut "tout prendre" au-dessus de 12 millions d'euros.
"Concentration"
Il est urgent de réformer, s'accordent en effet à dire les économistes. Certes, le système français opère déjà un prélèvement progressif, décliné aussi selon les lignes de parenté directes et indirectes. Mais il n'a pas empêché une "concentration" toujours plus forte de la valeur et du poids des héritages dans les patrimoines des plus riches ces quarante dernières années, expliquait le Conseil d'analyse économique (CAE), un think-tank rattaché à Matignon, dans une note début décembre.
La faute notamment aux nombreux abattements et niches fiscales qui bénéficient surtout aux plus gros patrimoines.
Autre nécessité identifiée: fluidifier les transmissions pour que les plus âgés lèguent de leur vivant aux plus jeunes, ce qui leur permettrait de mieux démarrer dans la vie. Une façon aussi de réinjecter dans l'économie des fonds thésaurisés.
Grosse difficulté toutefois: le sujet est très mal connu des Français.
Une immense majorité d'entre-eux (81%), et ce quelles que soient les catégories socio-professionnelles, juge que la taxation des héritages devrait "diminuer", selon un sondage Opinionway pour Les Echos et Radio Classique mi-janvier.
Pourtant, dans les faits, ils sont très peu nombreux à s'en acquitter - quelque 10% seulement. Pour les 90% restants, les montants des héritages en ligne directe restent inférieurs aux seuils requis pour commencer à payer.
"Insuffler plus de liberté"
La copie des candidats à la présidentielle est-elle bonne ?
Pour Philippe Bruneau, président du think tank Le Cercle des fiscalistes, certaines propositions relèvent de simples "mesurettes". Il faut certes "reconstituer des abattements" comme certains le proposent, mais aussi aller plus loin en créant "deux barèmes", un pour les droits des successions au décès de la personne, un autre pour les donations du vivant, pour dynamiser ces dernières.
Il plaide aussi pour "insuffler plus de liberté" aux donateurs: "arrêtons de surtaxer le neveu et la nièce, les donations indirectes".
Quant aux mots d'Emmanuel Macron sur la "transmission populaire", "ça ne veut rien dire" au regard des 90% de Français exemptés, tranche-t-il.
La majorité présidentielle tente, elle, de tracer un chemin: le délégué général de LREM Stanislas Guerini plaide pour "faciliter les donations sur les petits patrimoines" tout au long de la vie, tandis que le président LREM de la commission des Affaires économiques à l'Assemblée Roland Lescure parle de "toiletter" l'"usine à gaz" actuelle, "pleine de niches".
Dans cette valse de propositions, une députée influente de la majorité s'interroge toutefois sur l'utilité du débat. Pour elle, "le vrai sujet, c'est comment fait-on pour que les Français puissent sortir de leur situation" sociale.
Le sujet est un serpent de mer, complexe, et sensible, car il puise au coeur de ressorts psychologiques et moraux. "C'est un débat qui est de l'ordre du symbole", souligne l'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet auprès de l'AFP.
Le quasi candidat Emmanuel Macron a relancé le débat début janvier, après s'être dit en 2016 favorable à un alourdissement de la fiscalité sur les successions, n'avoir pas abordé le sujet dans son projet présidentiel en 2017, puis avoir affirmé qu'on n'y toucherait pas tant qu'il serait à l'Elysée.
"Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire", a-t-il assuré dans un entretien au Parisien, en identifiant "un sujet" sur "la +transmission populaire+, c'est-à-dire lorsqu’on n'est pas sur des montants exorbitants".
Avalanche de propositions dans la foulée. A droite, on défend, comme Valérie Pécresse (LR), un relèvement du plafond d'exonération des droits de succession actuellement fixé à 100.000 euros pour un parent léguant à un enfant, et un allègement de la fiscalité sur les donations du vivant du donateur, pour "libérer" la transmission entre générations.
A gauche, on prône parfois, comme Anne Hidalgo (PS) et Yannick Jadot (EELV), un relèvement de ces plafonds, mais aussi une plus grande progressivité de l'impôt, notamment en taxant davantage les gros patrimoines, à l'image de Jean-Luc Mélenchon (LFI) qui veut "tout prendre" au-dessus de 12 millions d'euros.
"Concentration"
Il est urgent de réformer, s'accordent en effet à dire les économistes. Certes, le système français opère déjà un prélèvement progressif, décliné aussi selon les lignes de parenté directes et indirectes. Mais il n'a pas empêché une "concentration" toujours plus forte de la valeur et du poids des héritages dans les patrimoines des plus riches ces quarante dernières années, expliquait le Conseil d'analyse économique (CAE), un think-tank rattaché à Matignon, dans une note début décembre.
La faute notamment aux nombreux abattements et niches fiscales qui bénéficient surtout aux plus gros patrimoines.
Autre nécessité identifiée: fluidifier les transmissions pour que les plus âgés lèguent de leur vivant aux plus jeunes, ce qui leur permettrait de mieux démarrer dans la vie. Une façon aussi de réinjecter dans l'économie des fonds thésaurisés.
Grosse difficulté toutefois: le sujet est très mal connu des Français.
Une immense majorité d'entre-eux (81%), et ce quelles que soient les catégories socio-professionnelles, juge que la taxation des héritages devrait "diminuer", selon un sondage Opinionway pour Les Echos et Radio Classique mi-janvier.
Pourtant, dans les faits, ils sont très peu nombreux à s'en acquitter - quelque 10% seulement. Pour les 90% restants, les montants des héritages en ligne directe restent inférieurs aux seuils requis pour commencer à payer.
"Insuffler plus de liberté"
La copie des candidats à la présidentielle est-elle bonne ?
Pour Philippe Bruneau, président du think tank Le Cercle des fiscalistes, certaines propositions relèvent de simples "mesurettes". Il faut certes "reconstituer des abattements" comme certains le proposent, mais aussi aller plus loin en créant "deux barèmes", un pour les droits des successions au décès de la personne, un autre pour les donations du vivant, pour dynamiser ces dernières.
Il plaide aussi pour "insuffler plus de liberté" aux donateurs: "arrêtons de surtaxer le neveu et la nièce, les donations indirectes".
Quant aux mots d'Emmanuel Macron sur la "transmission populaire", "ça ne veut rien dire" au regard des 90% de Français exemptés, tranche-t-il.
La majorité présidentielle tente, elle, de tracer un chemin: le délégué général de LREM Stanislas Guerini plaide pour "faciliter les donations sur les petits patrimoines" tout au long de la vie, tandis que le président LREM de la commission des Affaires économiques à l'Assemblée Roland Lescure parle de "toiletter" l'"usine à gaz" actuelle, "pleine de niches".
Dans cette valse de propositions, une députée influente de la majorité s'interroge toutefois sur l'utilité du débat. Pour elle, "le vrai sujet, c'est comment fait-on pour que les Français puissent sortir de leur situation" sociale.