Sécurité routière : Les autorités déplorent un “relâchement”


Tahiti, le 19 juillet 2022 – Alors que 17 personnes ont perdu la vie en moins de sept mois sur les routes du fenua, le haut-commissaire a récemment annoncé une nette intensification des contrôles routiers. Si les services de police et de gendarmerie attribuent, notamment, le relâchement constaté depuis le début de l'année à un effet post-covid, ils rappellent également que l'alcool et les stupéfiants sont retrouvés dans la plupart des accidents. Le procureur de la République réaffirme de son côté que le parquet est intraitable en matière de délinquance routière. 
 
Les usagers de la route l'auront bien remarqué : Les contrôles routiers se sont multipliés ces dernières semaines sur les routes de Polynésie. Dès huit heures mardi matin, trois fourgons de police étaient d'ailleurs postés en face de la cathédrale de Papeete pour procéder à des contrôles de deux-roues. Une intensification liée, tel que l'a récemment rappelé le haut-commissaire de la République, Dominique Sorain, à un net relâchement des usagers de la route qui a causé 17 morts en sept mois et de nombreux blessés. 
 
Dans la zone police, qui couvre Papeete et Pirae, un seul mort est à déplorer. Mais le numéro deux de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN), Marc Clearc'h, rappelle que les chiffres relevés depuis début 2021 sont inquiétants : “Nous avons eu un mort mais c'est un mort de trop car, depuis le début de l'année, nous avons eu une augmentation de 30% de conduites en état alcoolique délictuelles– 345 contre 266 à la même période que l'année dernière– et de 92% de défaut de permis de conduire avec 427 cette année contre 222 l'année dernière à la même période.” Pour le commandant de la DTPN, qui indique que les policiers effectuent des “contrôles jour et nuit, 24h/24”, ce relâchement est “difficile à expliquer” : “Il s'agit peut-être d'un effet post-covid. Les gens ont envie de sortir, de profiter et de ‘se lâcher’. Il y aussi le contexte socio-économique qui se dégrade et humainement, les gens ont tendance à moins se contenir.”
 
“Inverser les courbes”
 
Côté gendarmerie, où 16 morts sont à déplorer depuis janvier, le capitaine Daniel Christmann, officier adjoint sécurité routière gendarmerie, qualifie la situation de “préoccupante” : “Nous avons décidé de renforcer les contrôles durant tout le mois de juillet au regard du nombre d'accidents, de blessés et de tués sur les routes depuis le début de l'année. La situation est nettement plus préoccupante qu'en 2021 avec 85 accidents, 96 blessés et 16 tués en zone gendarmerie. Le haut-commissaire a donc demandé à ce que les contrôles soient intensifiés pour pouvoir tenter d'inverser ces courbes qui sont préoccupantes et éviter un trop grand relâchement des usagers de la route.”
 
Lors des contrôles opérés, les gendarmes ont constaté “une forte dégradation au niveau alcoolémie et stupéfiants” comme le rappelle le capitaine Christmann : “Sur les 85 accidents recensés, 49 impliquent des consommations d'alcool ou de stupéfiants avec un grand nombre, également, de défaut de permis qui ont été relevés lors de ces accidents. Il y a une surreprésentation des deux-roues puisqu'ils sont présents dans 63% des cas.” Tout comme le commandant Clearc'h, l'officier adjoint à la sécurité routière de la gendarmerie relève un lien potentiel entre ce relâchement des usagers de la route et l'effet post-covid : “Cette dégradation est probablement liée à un relâchement post-covid et à une sensation de liberté retrouvée.” Daniel Christmann souligne également l'importance de l'entourage et des familles qui doivent “retenir leurs proches lorsque ces derniers veulent prendre le volant après avoir consommé trop d'alcool” : D'où le fameux slogan selon lequel "lorsque l'on tient à quelqu'un, on le retient". Il rappelle aussi que les accidents de la circulation, s'ils ne causent pas toujours des morts, peuvent laisser des victimes tétraplégiques ou lourdement handicapées à vie. 
 
Politique très “dynamique”
 
Cheville ouvrière de la politique pénale en matière de répression de la délinquance routière, le procureur de la République, Hervé Leroy, assure de son côté que “la politique du parquet en matière de délinquance routière” est “très dynamique”. “Dès qu'il s'agit de faits mettant en cause des auteurs de conduite sans permis ou de conduites sous l'empire d'un état alcoolique ou sous l'influence de stupéfiants en état de réitération, nous utilisons la voie rapide de la poursuite des comparutions immédiates ou de convocation par procès-verbal et mise sous contrôle judiciaire. Tout ce qui relève des homicides involontaires ou des blessures involontaires avec des circonstances aggravées, là aussi, nous privilégions la voie de la comparution immédiate."
 
Mais la répression ne suffit pas et le procureur déplore des lacunes en matière de responsabilisation individuelle : “C'est une problématique comportementale qui fait appel à l'individu et à son sens du civisme. Il est évident que l'on ne peut pas mettre un policier derrière chaque conducteur d'un véhicule terrestre à moteur. Il n'est pas interdit de boire mais il est prohibé de prendre le guidon ou le volant lorsque l'on est ivre. Il faut que les gens se responsabilisent.” Hervé Leroy “tient” par ailleurs à souligner qu'“au-delà des récidivistes et des réitérants, le parquet a aussi une politique très dynamique pour tout ce qui concerne les primo délinquants qui sont sont interpellés pour la première fois.”
 

Les chiffres de la sécurité routière depuis janvier 2022

Zone police : Papeete et Pirae 30% d'augmentation des conduites en état alcoolique délictuelles - 345 cette année contre 266 à la même période l'année dernière. 92% d'augmentation de défaut de permis de conduire - 427 cette année contre 222 à la même période l'année dernière. 1 décès.
 
Zone gendarmerie : 16 décès. 85 accidents, dont 63% impliquant des deux-roues. Sur ces 85 accidents, 49 impliquent des consommations d'alcool ou de stupéfiants.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 19 Juillet 2022 à 18:22 | Lu 1110 fois