Secosud : échanges électriques entre Tina Cross et Nuihau Laurey


Secosud c'est 10% de toute l'électricité distribuée à Tahiti ce qui représente un chiffre d'affaires de près de deux milliards de francs.
PAPEETE, le 21 avril 2016. Fin mars, l'ex tavana de Teva i Uta, Valentina Cross, avait lancé la polémique. Dans un courrier adressé aux quatre maires membres du Secosud, elle dénonçait une ingérence du Pays dans les affaires de ce syndicat intercommunal chargé de l'électrification des communes du sud de Tahiti. Cette semaine, elle a adressé une lettre ouverte directement au ministre des énergies en portant les mêmes accusations.

Le Syndicat pour l'électrification des communes du sud de Tahiti (Secosud) qui regroupe Hitia'a O Te Ra, Teva i Uta ainsi que Taiarapu Est et Ouest aurait dû renouveler sa concession pour la fourniture d'énergie à ses administrés depuis la fin de l'année 2013. Mais, trois appels d'offres déjà lancés pour le renouvellement de cette concession ont été interrompus avant même d'aboutir et des reports ont été accordés. Secosud a notoirement du mal à préciser son cahier des charges. Un 4e report à venir semble inévitable : la date du dernier appel d'offres court jusqu'au 30 avril prochain sans que les aspects techniques et réglementaires de la future concession n'aient réellement pu être définis, ce qui a déjà conduit des entreprises candidates à jeter l'éponge. Secosud reste néanmoins un marché juteux : ces quatre communes consomment 10% de toute l'électricité distribuée à Tahiti ce qui représente un chiffre d'affaires de près de deux milliards de francs. On comprend que cela peut attirer les convoitises.

Dans une lettre ouverte adressée aux tavana des quatre communes du sud de Tahiti, Valentina Cross dénonçait des manœuvres du Pays qui privilégieraient le groupe EDT Engie. Dans sa lettre ouverte adressée mercredi au ministre en charge des énergies, on retrouve les mêmes arguments, "vous avez contraint Secosud à s'approvisionner obligatoirement auprès du vendeur unique, la société EDT Engie, à raison de 22 Fcfp le kWh, alors que Secosud pouvait de p fournir en électricité auprès de la société Marama Nui à raison de 12 Fcfp le kWh". Elle dénonce le fait que les dernières baisses du prix de l'électricité ne correspondent pas à la chute réelle des prix du pétrole. "La nouvelle formule tarifaire n'a répercuté que 26% de baisse au profit des usagers(…) ce qui représente sur une année plus de 1,5 milliard de francs de cadeau au détriment de tous les usagers de Polynésie" écrit-elle. Cette fois, la coupe est pleine pour le ministre des énergies : Nuihau Laurey a décidé de s'adresser à la presse pour répondre aux accusations (voir interview ci-dessous).


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Le ministre en charge des énergies, Nuihau Laurey a souhaité répondre aux accusations d'ingérence portées par Valentina Cross au sein du Secosud.
Nuihau Laurey, ministre des énergies : "Le but c'est de trouver un distributeur. Celui que Secosud choisira"

Vous avez-reçu, mercredi, une lettre ouverte de la part de Valentina Cross, ex tavana de Teva i Uta, aujourd'hui conseillère municipale d'opposition. Elle porte un certain nombre d'accusations. Qu'avez-vous à répondre ?

Je vois effectivement beaucoup d'agitation. Pour ma part je travaille avec le président de Secosud depuis plusieurs mois pour résoudre un problème qui est celui du prochain contrat sur l'électricité sur cette zone de l'île de Tahiti. Mme Tina Cross m'accuse de faire de l'ingérence dans les affaires de Secosud : au contraire on travaille sérieusement. Je ne sais pas au nom de quoi Tina Cross s'exprime car elle n'est plus maire de Teva i Uta, les électeurs ont fait un choix clair à ce sujet. Alors qui lui écrit ses interventions ? Moi j'ai une petite idée : il y a une main invisible derrière qui a aussi des intérêts dans ces domaines-là et qui souhaite faire passer des messages.

Vous dites, je travaille avec le président de Secosud. Mais à quel titre, dans la mesure où le Pays n'est pas concerné par Secosud, puisque ce n'est pas de votre compétence ?

A la demande du président de Secosud. On a eu déjà trois réunions techniques. C'est vrai que le renouvellement de cette concession est un sujet difficile. Il y a eu déjà trois reports prononcés. Secosud c'est une équipe relativement limitée. Secosud a choisi de se faire assister par un cabinet conseil de métropole mais ils ont du mal à finaliser le cahier des charges pour le renouvellement de cette concession.


Ce qui veut dire que les petits réseaux ont des difficultés à appréhender tous les enjeux d'une concession de distribution électrique?

Absolument. Même le Pays, dont le renouvellement de la concession aura lieu en 2030, avec un service de l'énergie, se fait assister par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). On n'est jamais de trop sur ces sujets éminemment techniques, économiques et financiers. Une concession de distribution électrique est mise en place pour plus de dix ans généralement, ce sont des choix importants. Le travail qui est mené avec Secosud devrait permettre à cette entité de rédiger un cahier des charges dans le cadre d'un appel à candidature : le but c'est de trouver un distributeur. Celui que Secosud choisira.
Dans son courrier Tina Cross dit qu'elle ne souhaite pas que EDT soit le futur distributeur pour Secosud mais que ce soit Marama Nui. Cela ne correspond pas à un appel à candidature. On ne peut choisir à l'avance qui doit être écarté ou choisi ! Par ailleurs, je rappelle que Marama Nui est une filiale d'EDT : c'est donc EDT qui décidera. Dans toute cette procédure, il faut respecter le président de Secosud. C'est pour cette raison que j'ai choisi de le proposer au conseil des ministres pour être membre du conseil d'administration de la TEP.


Justement, pourquoi l'avoir fait accéder au conseil d'administration de la TEP ?

En étant à la TEP, le président de Secosud siégera au conseil d'administration du transporteur d'électricité de Tahiti. Cela lui permettra d'avoir une meilleure connaissance de ce monde de l'énergie. On ne peut pas m'accuser de faire de l'opacité dans ce domaine, puisque au contraire, c'est la première fois que le président de Secosud siègera au conseil d'administration de la TEP.


Concernant la baisse des tarifs de l'électricité qui est aussi une composante importante des lettres ouvertes de Valentina Cross, que répondez-vous ?

Elle part du principe que le prix du baril de pétrole a chuté de 50% et considère que le prix de l'électricité aurait dû baisser de 50% aussi. Il faut juste rappeler que le coût du fioul dans les charges de EDT avoisine 25%. Si le prix du baril descend de 50%, la baisse réelle des charges est de 50% divisé par quatre. Soit environ 13% ce qui correspond à peu près à la baisse pratiquée sur les deux derniers exercices. Par ailleurs, au cours des deux derniers mois le prix du baril est remonté de quasiment 50% aussi : il est passé de 27 dollars à 43 dollars. Il faudrait donc se demander pourquoi EDT n'augmente pas ses tarifs : car si ça fonctionne dans un sens, il faut aussi que ça fonctionne dans l'autre. Les sujets énergétiques sont un peu plus compliqués que ça. Il y a une fluctuation importante des cours du pétrole, c'est pourquoi nous avons proposé que les achats de fioul de EDT se fassent sous la forme d'achats à terme avec des prix garantis sur six mois ou un an. Sur ce sujet on espère une signature avant la fin du premier semestre : on demandera à l'autorité de la concurrence de vérifier que ces dispositions sont bien mises en œuvre.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 21 Avril 2016 à 15:29 | Lu 2671 fois