Sécheresse et bactérie frappent plus durement les jeunes agriculteurs


Par Emmy VARLEY

RODEZ, 7 juin 2011 (AFP) - Sécheresse, bactérie tueuse: les jeunes agriculteurs qui ouvraient leur congrès mardi à Rodez sont encore plus vulnérables que les autres aux aléas du moment, qu'ils soient météorologiques ou sanitaires.

"De par notre âge, on est fragile: on est installé depuis peu, on paie des investissements plein pot, on n'a pas atteint notre vitesse de croisière", dit Jean-Michel Schaeffer, président du syndicat des Jeunes Agriculteurs qui affiche 50.000 adhérents.

La crise de confiance des consommateurs consécutive à l'épidémie mortelle de la bactérie E.coli, doublée de la sécheresse qui affecte la France malgré les pluies tombées ces derniers jours, sont autant de coups de massue pour une profession où les nouveaux arrivants sont loin de remplacer les départs en retraite (15.000 installations pour 30.000 départs annuels).

"Les jeunes ont beaucoup gagné en technicité, ils font de l'agriculture raisonnée, durable, ce qui demande beaucoup d'investissements et donc des emprunts à la banque", dit Aurélie Pascal, chargée du dossier fruits et légumes chez les JA, elle-même productrice de tomates et de pêches dans les Pyrénées-Orientales.

"Avec cette histoire, comment aller demander des emprunts à la banque ?", dit-elle. Elle évoque un "film d'horreur" qui a vu le concombre espagnol mis en cause, à tort, par les autorités allemandes. Mais si l'Espagne a vu ses ventes s'effondrer, 90% des concombres produits en France ne se sont pas vendus la semaine dernière d'après elle.

"On est victime d'une psychose terrible et irrationnelle" qui touche aussi les autres fruits et légumes alors que la saison bat son plein, raconte-t-elle. Le cours de la tomate a chuté de 40%.

Les agriculteurs attendent des "dédommagements" européens mais ils veulent surtout "tirer les leçons de cette histoire pour le long terme", dit Jean-Michel Schaeffer. Il demande aux autorités sanitaires de ne communiquer auprès de l'opinion publique que quand elles sont "sûres d'elles". Aurélie Pascal demande pour sa part aux pouvoirs publics et au ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire, attendu jeudi à Rodez, qu'il "rassure les gens" sur la qualité de la production française.

En matière de sécheresse, qui force de nombreux éleveurs à conduire des bêtes à l'abattoir faute de fourrage, la profession réclame surtout une politique de fond visant à stocker l'eau, en plus de mesures ponctuelles visant à parer au plus pressé.

"On a la chance d'avoir en France des massifs qui ramènent de l'eau", souligne Nicolas Maurel, éleveur de vaches blondes d'Aquitaine dans le Tarn. Il plaide pour la multiplication des retenues d'eau et autres barrages de façon à redistribuer l'eau tombée pendant l'hiver.

"La période durant laquelle tombent les pluies s'est raccourcie, mais la pluviométrie annuelle reste sensiblement la même; il faut se donner les moyens de réguler cette eau sur l'année", ajoute-t-il. De telles retenues permettraient en outre de limiter les inondations tout en préservant la biodiversité des cours d'eau.

En attendant, bon nombre d'exploitants font face à d'énormes difficultés même si les JA n'ont pas connaissance pour l'instant de faillites.

Mathieu Alazard, 33 ans, éleveur caprin de l'Aveyron qui survit grâce à des revenus touristiques, est "dos au mur". "On va être obligé d'emprunter encore davantage" pour nourrir un troupeau de 400 chèvres alors qu'en temps normal déjà, elles dépendent d'une alimentation extérieure à 50% parce que l'exploitation est trop petite.

L'éleveur de 33 ans ne veut pas mettre la clé sous la porte car il aime son métier. Mais comme pour d'autres, "la crainte permanente, c'est le coup de fil du banquier".

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Rédigé par AFP le Mardi 7 Juin 2011 à 07:11 | Lu 515 fois