Saül, ce petit village d'Amazonie française qui résiste aux chercheurs d'or


SAÜL, 3 septembre 2013 (AFP) - Nichée dans un entrelacs de monts, la petite commune de Saül, à 180 km au sud de Cayenne, au coeur d'une forêt équatoriale primaire à la biodiversité exceptionnelle, abrite une zone aurifère riche et historiquement convoitée.

Véritable porte d'entrée du Parc amazonien de Guyane (PAG), cette commune de 70 âmes veut aujourd'hui développer l'éco-tourisme. Fléchés, des sentiers serpentent le long des criques (rivières) constellées de cascatelles claires où s'ébattent des loutres géantes, témoins de la qualité des eaux que certains habitants boivent.

Ce petit paradis de biodiversité, accessible uniquement en avion, a pourtant connu des heures sombres.

Entre 2008 et 2010, la poignée de villageois a été confrontée à une ruée d'orpailleurs illégaux, apportant insécurité et regain de paludisme.

La zone est connue pour sa richesse aurifère qui affleure des chemins de latérite ocre du bourg au point que quelques fines paillettes sortent du sol lorsque les pluies équatoriales diluviennes lessivent la commune.

En 2010, l'armée et la gendarmerie ont délogé les garimpeiros dont les routes clandestines vers les gisements de l'ouest de la Guyane frôlent la commune. Apaisé, cet ancien haut-lieu de l'orpaillage, né de la première ruée vers l'or du début du XXe siècle des migrants de Sainte-Lucie, est aujourd'hui confronté à une demande de la compagnie minière guyanaise Rexma.

En 2006, le droit d'explorer la zone est octroyé à la compagnie. Et en 2012, quelques semaines avant la présidentielle, l'ex-ministre de l'Industrie Eric Besson délivre à Rexma un permis d'exploitation (PEX) sur la crique Limonade à moins de 5 km du bourg. Pourtant, tous y étaient défavorables: le maire, la commission départementale des mines, le préfet, le Parc -- plus vaste aire protégée d'Europe, créé entre-temps (2007) et présidé par le maire de Saül, Hermann Charlotte.

Le 26 octobre 2012, Arnaud Montebourg, ministre socialiste du Redressement productif, régularise la promesse de son prédécesseur en publiant le permis au Journal Officiel.

Une mine, oui, mais pas si près du bourg

Si les Saüliens ne sont pas opposés à l'activité minière, ils la refusent à moins de 10 km autour du bourg, comme le conseil municipal en a délibéré en 2008. En janvier 2012, le Schéma départemental d'orientation minière (SDOM) en prend acte en interdisant cette zone à l'activité minière.

Mais le permis de Rexma est valable, car instruit au préalable de ces décisions locales. Il ne sera toutefois pas renouvelé à l'issue de son délai de 5 ans (octobre 2017), car à cette date le SDOM s'imposera à lui. Sur les huit tonnes d'or estimées par Rexma, 3,5 sont encore réalisables sur les 4 années restant à ce permis "Limonade".

Pour les habitants, des métropolitains arrivés dans les années 1970, des créoles descendants des Saint-Luciens et quelques familles de cultivateurs Hmongs, le spectre de l'or fait ressurgir les pires heures du bourg.

Administrateur de la page Facebook "A bon entendeurs, Saül !" (2.100 fans), l'opposant, Jean-Pierre Goudot, 60 ans, gérant de carbets touristiques, est certain que "si l'on accorde ce permis, d'autres compagnies minières feront pression pour venir aussi".

Coulant doucement sous la canopée, la Crique Limonade n'est aujourd'hui plus troublée par les boues de l'activité minière illégale et s'offre au touristes en canoë. Mais c'est également une zone de vie qui peut disparaître.

"Mes parents, mes grands-parents ont toujours chassé et pêché sur la crique Limonade", s'inquiète Serge Charles, "si demain Rexma détourne son cours, nous ne pourrons plus y poursuivre nos activités traditionnelles".

A la tombée de la nuit, réunis autour du terrain de pétanque, les villageois devisent sur les récents soubresauts de "l'affaire Rexma" qui ont troublé les derniers soutiens d'un projet qui annonçait des emplois et 40.000 euros de redevance annuelle. L'ouverture d'une enquête judiciaire "pour faux et usage de faux" en juillet concernant la possible falsification des documents environnementaux nécessaires pour l'obtention du permis a gelé le projet.

Jean-Pierre Casas, le PDG de Rexma, dément catégoriquement et a reçu le soutien de l'ensemble des opérateurs miniers. Les habitants de Saül, eux, commencent à ne plus croire aux promesses de développement économique aurifère. En 1960, à la fin de la première ruée vers l'or guyanaise, les habitants avaient laissé le village à l'abandon.

Rédigé par () le Lundi 2 Septembre 2013 à 06:57 | Lu 385 fois