Sauvetage en mer : la station de secours de Vaitupa inaugurée sur fond d'inquiétude


Une vingtaine de bateaux de pêche de Faa'a compose la flottille de la FEPSM prête à se porter au secours de personnes en difficulté au large. En 2015, les sauveteurs en mer de Faa'a ont déjà fait trois sorties. La principale cause des appels de détresse est provoquée par une panne, une avarie.
FAA'A, le 13 avril 2015. En dépit de ses difficultés financières, la Fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer (FEPSM) a décidé d'officialiser l'ouverture de la station de secours de Faa'a, basée sur la marina de pêche de Vaitupa. C'est la 8e à être installée en Polynésie.
Le temps était à la fête ce lundi en milieu de matinée sur la marina de pêche de Vaitupa. Sur le plan d'eau, un certain nombre de bateaux de pêche avaient hissé le fanion de la FEPSM. Leur signe d'appartenance à la fédération et donc leur possible implication à une opération de sauvetage pour aller chercher, parfois par gros temps, l'un des leurs ou un plaisancier en difficulté au large.
Sur la base de Vaitupa une vingtaine de bateaux, dont beaucoup de poti marara, sont les moyens techniques dont dispose la FEPSM en cas d'appel à l'aide relayé par le MRCC (Maritime Rescue Coordination Center). A l'Etat, la responsabilité de coordonner les secours, mais ce sont des bénévoles, pêcheurs ou plaisanciers qui se portent, en premier en mer, au secours des personnes avec leurs propres moyens. "Le fait d'utiliser pour le secours en mer des moyens privés est unique au monde" insiste le président Stanley Ellacott et c'est bien là que le bât blesse (voir en encadré ci-dessous).

La première station de sauvetage a vu le jour en 2009 à Hiva Oa, aux Marquises. En six ans, sept autres en comptant la toute dernière à Vaitupa sont venues quadriller l'immense territoire polynésien : à Moorea, Teahupoo, Fakarava, Arue, Nukutavake, Pukarua. D'autres pourraient ouvrir dans le courant de l'année 2015 à Ua Pou, Ua Huka et Makemo. Des stations de secours en mer qui ne fonctionnent qu'avec l'engagement de bénévoles, solidaires des coups durs des autres car fréquenter la mer peut s'avérer périlleux. Pourtant, en Polynésie, ils sont presque 400 à s'être engagés dans cette action bénévole prêt à faire vibrer la corde de la solidarité des gens de mer. En 2014, les sauveteurs en mer bénévoles de la FEPSM ont passé un total de 130 heures en mer pour des opérations de secours.

Pour assurer la sécurité au moins de ceux qui s'engagent sur un sauvetage, la FEPSM vient d'obtenir tout récemment le soutien de Maina Sage. La députée polynésienne a versé une subvention de 1,9 million de Fcfp tirée de sa réserve parlementaire pour soutenir les sauveteurs en mer. 13 "sacs de sécurité" seront achetés prochainement avec cette enveloppe : à l'intérieur du matériel (gilets, lignes de survie, GPS, balises de détresse) "pour mettre en sécurité ceux qui se portent au secours des autres" précise Alain Come, le vice-président de la FEPSM. Car se porter au secours d'un marin en difficulté ne devrait pas engager un risque mortel pour ces bénévoles. Or, depuis qu'en juin 2014 le patrouilleur des douanes s'est échoué sur l'atoll de Tikei, on ne peut vraiment plus compter en mer que sur la solidarité et le courage de ces sauveteurs et de leurs propres embarcations. C'est pourquoi en janvier dernier à l'Assemblée nationale, Maina Sage demandait un renforcement du soutien financier de l'Etat sur ces questions du sauvetage en mer. Jusqu'ici la réponse officielle est restée très énigmatique.

Coupé de ruban pour l'inauguration de la station de secours en mer de Vaitupa à Faa'a en présence du tavana, Oscar Temaru à gauche Albert Tapi, le président de la coopérative de pêche de Faa'a et directeur de l'antenne FEPSM de Vaitupa, avec Stanley Ellacott, le président de la Fédération. A droite d'Oscar Temaru, Alain Come, le vice-président de la FEPSM. La station a été baptisée et dédiée à Tavae Raioaoa, le "miraculé du Pacifique". En 2002, ce pêcheur avait dérivé durant 118 jours (près de quatre mois) le Pacifique avant d'être secouru du côté des Îles Cook.
Un ultimatum de la FEPSM fixé au 1er juin

La fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer est née en 2009 du besoin d'organiser quelque chose de plus structuré que la seule "solidarité marine polynésienne" chère au cœur du président de la FEPSM qui prévalait jusqu'alors. Une convention est signée entre l'Etat et le Pays, mais "il n'y a pas eu alors de modalités de fonctionnement fixées" regrette Stanley Ellacott, le président de la fédération. Résultat des courses, la compétence de ces secours en mer ne semble ni directement du ressort de l'Etat ni de celle du Pays, à l'inverse de ce qui a été fait en Nouvelle-Calédonie. Un vide juridique qui laisse surtout les caisses de la fédération bien vides de subventions.

La FEPSM perçoit en tout et pour tout de l'Etat une somme d'environ 1,2 million de Fcfp versée par la direction des affaires maritimes. "Une somme utilisée à 60% pour rembourser les frais de carburant à nos adhérents qui sortent en mer pour porter secours aux autres". La fédération n'a donc pas les moyens d'investir dans l'achat de bateaux qui seraient entièrement dédiés et équipés pour effectuer du secours en mer. La FEPSM vit essentiellement du mécénat de grosses entreprises locales qui versent régulièrement des subsides.

"Nous sommes arrivés désormais au bout de nos possibilités" indique Stanley Ellacott. En mars dernier lors d'une assemblée générale de la fédération, un ultimatum a été posé, si au 1er juin aucune nouvelle source de financement n'est trouvée, la FEPSM pourrait cesser ses activités. Ne resterait désormais plus que la "solidarité des gens de mer" pour couvrir les 5 millions de km2 de l'espace maritime polynésien. Personne ne souhaite en arriver là, "moi ce que je voudrais c'est que l'Etat et le Pays se partagent cette responsabilité. Il faut que ces deux autorités se mettent autour d'une table et se donnent les moyens d'agir". Un vœu pieux ?

Une partie des sauveteurs en mer de Vaitupa –ils sont 30 au total- avec le navigateur Olivier de Kersauson qui connait parfaitement les traitrises du Pacifique et le sens de la solidarité des gens de mer.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 13 Avril 2015 à 17:02 | Lu 1427 fois