Santé et internet: un nouveau "savoir profane" émerge des réseaux sociaux


PARIS, 13 juillet 2011 (AFP) - L'essor d'internet et des réseaux sociaux de santé fait émerger un nouveau savoir collectif, ou "profane", au côté du savoir médical, transformant la relation malade-médecin mais aussi la façon dont est vécue la maladie, selon une enquête réalisée par des sociologues.

Internet est devenue la deuxième source d'information des Français en matière de santé, après le médecin, a révélé en avril 2010 un sondage Ipsos pour le Conseil de l'Ordre des médecins.

Qu'apportent les nouvelles technologies? Comment leur usage change-t-il les comportements?

Pour répondre à ces questions, un travail d'investigation a été confié à une équipe de sociologues par le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), à la demande du ministère de la Santé.

"On a essayé de sortir des idées toute faites, de comprendre ce qui se passe derrière les effets de mode, ce que font vraiment les gens", explique à l'AFP Robert Picard, référent santé du CGIET.

Parmi les découvertes de ces travaux menés principalement autour des sites associatifs et centrés sur trois pathologies (autisme, cancer, sida), la sociologue Sylvie Craipeau cite "la création d'un savoir collectif ou savoir profane": "une connaissance qui n'est pas de la connaissance médicale, mais est liée à l'expérience".

"Les sites de réseaux sociaux permettent un accès à une information que ne donnent pas les professionnels de santé", souligne-t-elle. Ils n'apparaissent donc pas en concurrence avec eux, mais sont plutôt complémentaires.

"Ce sont surtout des informations relatives à la vie quotidienne." Par exemple pour les personnes qui ont un cancer, comment porter une perruque, s'occuper de soi...

- "Pas de déterminisme technologique" -

Pour la sociologue, cet échange d'expériences vécues, en réintroduisant la dimension humaine, est "certainement très important" pour les professionnels de santé, face à la technicisation de la médecine.

Des orthophonistes ont ainsi raconté aux sociologues comment elles avaient accès, via les réseaux sociaux, au quotidien des parents d'enfants autistes. "Une révélation qui n'avait pas d'impact direct sur leur pratique professionnelle, mais qui était essentielle."

Des médecins sont favorables à ces évolutions, alors que pour d'autres, ces nouvelles connaissances profanes dérangent. "On a vu les deux attitudes", indique Mme Craipeau.

Les sociologues ont été également frappés par la transformation de la façon dont on vit la maladie: "Ce qui est important maintenant, c'est comment vivre avec, comment accompagner les personnes pour trouver quand même goût à la vie ou les moyens de vivre autrement".

"C'est une recherche introductive qui devrait être suivie d'un travail plus approfondi", souligne Mme Craipeau. L'équipe souhaiterait notamment comprendre comment le savoir collectif des patients se construit, "comment il peut ou non être intégré par les professionnels de santé".

Autre piste: comparer davantage sites associatifs, ou collectifs, avec les sites marchands, de type Doctissimo, plus propices à servir "d'exutoire où les personnes disent leurs angoisses, sans se préoccuper de qui est en train de lire".

"La dimension anxiogène semblerait plus pertinente pour des sites commerciaux. On ne l'a pas du tout vue pour des sites associatifs et régulés collectivement", indique Mme Craipeau. "Quand cette régulation sociale est forte, l'usage de ces outils va plus vers l'apaisement."

"Il n'y a pas de déterminisme technologique", assure la sociologue.

Le rapport est consultable sur internet (www.cgiet.org).

Rédigé par Par Véronique MARTINACHE le Samedi 16 Juillet 2011 à 07:13 | Lu 374 fois