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"Sans les grands groupes, le Heiva 
est en difficulté"


PAPEETE, le 1er juillet 2019 - À quelques jours du lancement de la 138e édition du Heiva i Tahiti, le ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu nous a accordés une interview. L’occasion pour lui de revenir sur cette nouvelle édition et de parler 
de quelques sujets qui défraient la chronique chaque année.

Fa’atere hau, le jury est nommé par les groupes, par contre, c’est vous qui choisissez le ou la présidente. Pourquoi?
"Je fais des consultations au moment, où le jury est constitué, parce qu’il y a toujours des personnalités qui se détachent. Cette année, je tenais à ce que ce soit quelqu’un issu des hīmene, parce que durant deux années de suite, c’était une personne issue des ‘ōte’a. Cette année, c’était important que ce soit une personne des hīmene et ça tombait bien, māmā Iopa s’est présentée. Elle avait déjà présidé le jury et je pense que ça ne pose pas de problème, puisque beaucoup de groupe m’avaient demandé de la nommer. Il y avait un genre de consensus autour de cette candidature."

Concernant cette fois-ci le règlement du Heiva, qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
"Il y a une base qui existe depuis plusieurs années et elle a évolué dans les années 2000 puisqu’un groupe de travail avait été constitué autour de Manouche Lehartel, John Mairai, pour rafraîchir ce règlement. Chaque année, le jury en place nous dit quels sont les points à améliorer. Mais, les discussions n’ont pas vraiment été portées sur le règlement à proprement parlé, mais plus sur les fiches de notation. On est arrivé à des fiches tellement élaborées, qu’elles devenaient un peu difficiles à gérer et à comprendre pour les groupes et le jury. Il y a eu, cependant, quelques améliorations depuis 2-3 ans, pour simplifier cette fiche de notation. Après, ces propositions doivent être validées par les groupes et le conseil d’administration de Te Fare Tauhiti Nui. Le gouvernement, lui, n’a aucun rôle à jouer dans ce genre de situation, ça reste l’affaire, avant tout, des artistes et c’est le conseil d’administration qui le valide."

Combien coûte le Heiva i Tahiti ?

"En fonction du nombre de groupes présents, ça a un impact sur le budget global d’organisation. Mais, le budget peut varier entre 120 à plus de 140 millions parfois. En 2012, lorsque Te Fare Tauhiti Nui a récupéré l’organisation du Heiva, la subvention est passée de 60 à 40 millions de francs. On nous a demandé de faire de gros efforts. On s’est posé la question de savoir comment on allait faire puisqu’il fallait chercher 60 autres millions de francs que la subvention du Pays.

J’avais demandé au gouvernement de réduire le nombre de billets d’invitation : Il y avait 500 places d’invitation et, aujourd’hui, nous sommes à 90 places. Cela permet à de mettre en vente beaucoup plus de places. Aujourd’hui, on arrive à augmenter progressivement les subventions, on est autour des 60 millions. Mais la condition est que cela profite avant tout aux groupes et pas à l’organisation. On est sur un financement de 50 % en subventionnent du Pays et le reste est supporté par des partenaires privées et par la vente des billets.

C’est la programmation du Heiva qui fait qu’on équilibre le budget ou pas. Sans les grands groupes, le Heiva est en difficulté. On a eu une année, une subvention qui a atteint les 100 millions de Fcfp, mais cela a bénéficié à l’organisation et je n’ai pas trouvé cela logique. Le challenge pour TFTN est de répartir les charges sur la vente des billets du Heiva, c’est presque de la réflexion que nous sommes allés chercher dans le privé."


Il y a également une baisse du nombre des participants. Qu’en pensez-vous ?
"Auparavant, les groupes venaient chaque année. Aujourd’hui, ils sont sur une participation tous les deux ou trois ans. Il ne faut pas forcer les gens non plus à venir. L’organisation a toujours été très compliquée et très lourde. Finalement, on est content, parce qu’on a eu des années, avec uniquement deux groupes en Hura Tau. Aujourd’hui, on arrive quand même à avoir jusqu’à sept groupes en Hura Tau. Bien sûr, qu’on aimerait avoir une dizaine de groupes, mais, je pense que nous sommes sur une année normale."

Cette année, la soirée des podiums fait son apparition. Expliquez-nous ?
"Je n’aime pas ce terme, mais, c’est l’équivalent de la soirée des lauréats que nous avons mixée avec la soirée des Taupiti. C’est toujours frustrant pour les groupes qui se préparent durant des mois, et finalement pour la soirée des lauréats, il y a que les premiers qui reviennent. Donc, on a commencé, il y a trois ans, avec la soirée Taupiti, où on invitait les 2e et les 3e en danse pour une deuxième soirée. Là, on veut faire deux soirées des lauréats, parce qu’on veut aussi récompenser ces groupes qui se préparent pendant des mois, et c’est pour satisfaire aussi le public, parce que souvent la soirée des lauréats était à guichet fermé. Du coup, là, on a un potentiel de 6 000 places de disponibles."

En termes de places, quel est le dispositif pour les touristes ?
"Il y a toujours eu beaucoup qui voulaient venir, mais la vente était compliquée. Donc, on a réussi à rebondir grâce au soutien de Tahiti Tourisme et des tours opérateurs. On réserve un quota de billets sur les trois tribunes, pour que les tours opérateurs puissent proposer des packages à nos touristes, et on sait aussi que grâce à la vente par internet, les gens achètent leur billet depuis leur pays d’origine."

Et pour les touristes qui veulent intégrer les groupes, quelles sont les règles ?
"Ils sont de plus en plus nombreux à quitter leur pays pour venir répéter avec les groupes et se produire une soirée au Heiva. Pour eux, c’est le rêve d’une vie de fouler la scène de To’ata.
On a modifié le règlement dans ce sens, pour permettre et limiter le nombre de visiteurs dans les groupes. Ce sont 10 personnes maximum (danseurs, musiciens) non résidentes qui peuvent intégrer les pupu ‘ori, c’est aussi le cas des pupe himene."


Une réaction sur l’éternel problème des nuisances sonores et du manque des infrastructures ?
"On a déjà fait un pas important avec le code de l’environnement, puisque nous avons réussi à faire en sorte que les nuisances culturelles ne soient plus considérées comme des nuisances sonores. Après, concernant les lieux de répétitions, il ne faut pas rêver, construire des salles de répétitions insonorisées, climatisées, nous coûtera tellement cher pour construire et faire fonctionner, c’est un rêve inaccessible. Nous n’avons pas les moyens financiers, ni même le foncier.

Je pense qu’il y a des solutions qui sont en train de naître un peu partout dans les communes, avec la mise en place de chapiteaux. Ce ne sont pas des salles climatisées, mais cela permet de répéter dans des conditions bien meilleures que ce que l’on connait aujourd’hui. Je demande aux maires d’aider 
les groupes. La plupart des groupes viennent répéter à Papeete, sauf quand les maires soutiennent et que c’est le groupe de la commune. Mais pour beaucoup de groupes, ce n’est pas le cas. On a parlé aussi des infrastructures que le maire de Papeete va récupérer. On envisage de les utiliser pour les répétitions. J’aimerais aussi que les maires qui vont récupérer les infrastructures militaires pensent à leurs groupes. Je pense aussi que pendant les répétitions, il faut respecter le voisinage. Venir avec des tō’ere et des tariparau hyper puissants, ce n’est pas raisonnable de notre part. Il y a des tō’ere plus petit. C’est un débat que nous devons avoir ensemble."


Quel serait votre message 
à l’approche de l’ouverture du Heiva i Tahiti 2019 ?
"Je souhaite un bon Heiva à tous nos groupes et je voudrais féliciter les chefs de groupe qui s’investissent chaque année. Au public, merci d’être présent et de respecter tous les groupes, c’est notre patrimoine, qui, chaque année, se présente devant vous. Donc, il faut respecter le travail de tous ces groupes. C’est comme ça que l’on peut soutenir et récompenser tous nos groupes."


Rédigé par Corinne Tehetia le Lundi 1 Juillet 2019 à 17:44 | Lu 143 fois