Sandrine Maurice, co-fondatrice de Tumu Ora


TAHITI, le 9 février 2022 - Sage-femme à Moorea depuis 2003, Sandrine Maurice a compté parmi les professionnels qui ont fondé l’association Naître en Polynésie, elle a participé à la mise en place de la Maison de naissance qui vient d’ouvrir ses portes.

Tumu Ora vient d’ouvrir ses portes et est la première maison de naissance en Polynésie. À l’origine de cette initiative se trouve notamment Sandrine Maurice, sage-femme à l’hôpital de Moorea. “Avec des collègues, nous y travaillons depuis plusieurs années”, précise-t-elle, heureuse de voir le projet se concrétiser. “Je vais enfin pouvoir proposer cette alternative aux femmes qui en expriment l’envie !

Une maison de naissance est une structure qui permet de suivre des femmes enceintes, de faire les consultations prénatales, d’organiser les cours de préparation à l’accouchement, d’accompagner ensuite les mamans. En France, les parents qui ont été accompagnés restent souvent engagés après la naissance et font vivre la maison.

Les accouchements y sont possibles sous certaines conditions, et notamment, que les grossesses ne soient pas à risque. La maison s’adresse aux femmes qui optent pour un accouchement physiologique, sans péridurale, sans déclenchement, qui souhaitent un environnement non médicalisé pour mettre au monde leur enfant pour se sentir un peu comme à la maison, sans prendre de risques. Pendant le travail, “elles sont libres de leurs mouvements, elles peuvent aller marcher, choisir la position qui leur convient, prendre un bain”.

Pour y parvenir, il a fallu rencontrer les différents acteurs, les professionnels de la santé, faire en fonction des disponibilités de chacun, établir des conventions, trouver une maison bien placée car ce genre d’espace doit selon le cahier des charges jouxter un hôpital.

Aux 4 coins du monde

Sandrine Maurice a été formée dans une école en France. Elle a été marquée par l’arrivée de sa petite sœur. “J’avais 5 ans”, se rappelle-t-elle. “Le gynécologue qui suivait la grossesse de ma mère nous avait promis que l’on pourrait assister à l’accouchement mais le jour J, il n’en était plus question. Suite à cela j’ai dit à ma mère : ‘quand je serai grande, je serai sage-femme’ ! ” En plus de cela, Sandrine Maurice cherchait un métier qui lui permettrait de voyager. Son projet lui est un peu passé à l’adolescence, mais elle a tout de même fini par le concrétiser.

Elle a démarré dans un grand hôpital de métropole. “Je n’ai pas du tout aimé.” En 1998, elle a pris la direction de Mayotte, où elle est restée deux ans. C’était aussi un très gros hôpital qui enregistrait 4 500 naissances par an. “Mais ça a été très formateur.” La situation était précaire, les femmes étaient peu hospitalisées faute de moyens. L’établissement n’était pas à la pointe des équipements. “On travaillait pas mal en autonomie, il y avait de nombreuses pathologies. J’ai pu observer le courage des femmes mahoraises, peu accompagnées, très fortes. Elles accouchaient souvent sans péridurale.”


Anne et Marion, sages-femmes.
Puis Sandrine Maurice est allée en Guyane à Saint Laurent du Maroni, pendant deux ans, et au Laos. Une organisation non gouvernementale l’avait contactée pour assurer des formations. Pendant neuf mois, elle a sillonné des villages du nord du pays. Les formations dispensées avec une infirmière et une traductrice, étaient à destination des matrones.

Toutes ces expériences ont apporté à Sandrine Maurice “une grande ouverture d’esprit”. Elle a été confrontée à diverses cultures, diverses façons d’appréhender la douleur, de penser l’accouchement, l’allaitement. Elle a été témoin de situations très dures, notamment au Laos. “Là-bas, si tu n’as pas de moyens, tu n’as pas de soins, si tu as besoin d’un cathéter, mais que tu n’as pas l’argent pour le payer, tu ne l’obtiens pas, même s’il est nécessaire.” De ce fait, certaines situations dégénèrent. Elle a retenu “la bienveillance”, “la tolérance”, “la chance que nous avons d’avoir un système de santé favorable.”

À l’issue de ses neuf mois au Laos, Sandrine Maurice a eu envie de revenir à plus de clinique. Elle a rendu visite à une amie installée en Polynésie. Pendant son séjour, c’était en 2002, elle a cherché du travail. Elle a démarré à la clinique Cardella avant d’obtenir un poste à l’hôpital de Moorea en 2003. Elle a été employée deux ans en contrat à durée déterminée puis a passé un concours pour passer en contrat à durée indéterminée. Elle affectionne tout particulièrement ce poste qu’elle a maintenant depuis presque vingt-ans. “Il est très polyvalent, on fait de la contraception, du dépistage de pathologies, des urgences en plus du suivi de grossesse”. Par ailleurs, “c’est assez familial, on connaît les femmes et leur famille que l’on suit dans le temps pour leurs différentes grossesses. On est également en lien étroit avec les généralistes, ce que j’apprécie vraiment car ils ont une vision globale de la médecine.”

Naître en Polynésie, une première étape

À Moorea, Sandrine Maurice a fondé l’association Naître en Polynésie. “Nous avons décidé en 2015 de se réunir et de discuter de périnatalité avec les parents, savoir ce qui allait, ce qui manquait. Nous nous rencontrions trois ou quatre fois par an avec à chaque fois pas mal de monde.” Deux points principaux ont émergé : la problématique des îles et la mise en place d’un espace de naissance physiologique. Les femmes ont fait savoir qu’elles voulaient accoucher dans leur île quand c’était possible, sans cela elles souhaitaient pouvoir accéder à un hébergement plus familial, avec leur famille. D’autres avaient l’envie de d'intégrer un lieu pour accoucher autre que l’hôpital. “Nous avons décidé de concrétiser la maison de naissance.” Il aura fallu presque quatre ans pour y parvenir.

Tumu Ora a ouvert ses portes début janvier. Il n’y a pas encore eu de naissance. Il y a deux sages-femmes à temps plein, en avril elles seront trois. Chaque sage-femme pourra prendre au plus quatre nouvelles patientes par mois, ce qui porte à douze le nombre de naissance par mois. En théorie, cela ferait 144 naissances sur l’année. Et si un jour, Tumu Ora venait à refuser des demandes, “on pourrait peut-être ouvrir un autre lieu ?”. En France, le cahier des charges exige une proximité entre maison de naissance et hôpital, mais ailleurs dans le monde, certaines sont installées dans des régions reculées comme au Canada par exemple. Une piste, pour les îles, mais qui reste à creuser. “Il faut vraiment que tout soit extrêmement bien cadré.



Contacts

naitreenpolynesie@gmail.com
FB : Naître en Polynésie
87 73 51 54
Fb : Maison naissance Tumu Ora


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 9 Février 2022 à 16:57 | Lu 1587 fois