Sainte-Soline: l'enregistrement de la conversation entre le SAMU et la LDH


Crédit THIBAUD MORITZ / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 29/03/2023 - De violents affrontements ont éclaté samedi à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) lors d'un rassemblement interdit contre des "bassines" et la polémique ne faiblit pas sur le délai d'intervention de secours.

Des élus et des observateurs de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), présents sur les lieux, ont dénoncé "plusieurs cas d'entraves par les forces de l'ordre à l'intervention des secours", en particulier sur une situation d'urgence vitale, celle d'un manifestant grièvement blessé à la tête, toujours entre la vie et la mort mercredi. 

Voici une transcription d'une partie de l'enregistrement d'une conversation entre le SAMU et un médecin accompagné d'une avocate de la Ligue des droits de l'homme, initialement révélé par le Monde et dont Mediapart a diffusé des extraits, mis en ligne sur le site "Les soulèvements de la terre", créé en 2021 par des membres de l'ultragauche.

Le médecin: Vous en êtes où, là, de la plus grosse urgence absolue de ce que j'ai comme impression, moi, de loin ?

Le SAMU: Alors déjà, le problème, c'est que vous n'êtes pas sur place, donc c'est un peu compliqué. On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation, c'est qu'on n'enverra pas d'hélico ou de moyens SMUR (Structures mobiles d'urgence et de rénimation, ndlr) sur place, parce qu'on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l'ordre.

Le médecin: O.K., est-ce que… Alors moi je suis avec des observateurs de la Ligue des droits de l'homme qui disent que leurs observateurs sur place disent que c'est calme depuis trente minutes et qu'il est possible d'intervenir?

Le SAMU: Je suis d'accord avec vous, vous n'êtes pas le premier à nous le dire. Le problème, c'est que c'est à l'appréciation des forces de l'ordre dès qu'on est sous un commandement, qui n'est pas nous.

Le médecin: D'accord.

Le SAMU: Donc, pour l'instant, on attend de rassembler les victimes au niveau de l'église de Sainte-Soline, c'est ce qui est en train d'être fait, avec des moyens pompiers qui se déplacent sur site pour prendre en charge et ramener. Mais pour l'instant, pas de moyens de SMUR ou d'hélico qui peuvent se pointer sur place.

Le médecin: La LDH me dit qu'il y a des médecins militaires qui viennent d'arriver sur place. Est-ce que vous avez cette information vous aussi ou pas?

Le SAMU: Les médecins militaires, ils sont là pour les forces de l'ordre. C'est leur service de médecine pour les forces de l'ordre.

Le médecin: La Ligue des droits de l'homme a demandé s'il y avait un contact au niveau du commandement à transmettre pour qu'on puisse intervenir?

Le SAMU: Négatif, négatif.

Le médecin: Est-ce que vous voulez que je vous passe la Ligue des droits de l'homme?

Le SAMU: Non plus. On gère les victimes pour l'instant et les secours, j'aurais pas le temps d'aller…

Le médecin: D'accord, d'accord, je veux juste faire accélérer le truc.

Le SAMU: Il faut qu'ils fassent le point, dans ce cas il faut qu'ils contactent la préfecture.

L'avocate de la LDH, Chloé Saynac: Vous avez interdiction d'intervenir? Vous confirmez que vous avez interdiction d'intervenir?

Le SAMU: On n'a pas l'autorisation d'envoyer des secours sur place, parce que c'est considéré comme étant dangereux sur place.

L'avocate: Et si vous n'y allez pas, ce ne serait pas une non-assistance à personne en danger?

Le SAMU: Nous devons avoir nos secours en sécurité également, malheureusement on n'a pas l'autorisation de les envoyer comme ça.

L'avocate: Vous n'avez pas l'autorisation des forces de l'ordre?

Le SAMU: On n'a pas l'autorisation de toutes les institutions sur place, pour l'instant, on est sous leur commandement.

L'avocate: Quelles institutions du coup? On a besoin d'analyser très clairement parce qu'il y a quelqu'un qui peut décéder, donc pour que les responsabilités soient établies, on a besoin de savoir.

Le SAMU: On fait au mieux, mais malheureusement, il y a pas de possibilité d'envoyer…

L'avocate: Qui interdit l'accès à ces personnes en danger grave, vital?

Le médecin: Et donc vous confirmez que c'est la préfecture qui interdit l'accès? C'est ça, en fait?

Le SAMU: Non, c'est pas la préfecture qui interdit l'accès, je vous dis que c'est le commandement sur place.

Le médecin: O.K. Comment on fait pour contacter le commandement sur place?

Le SAMU: Ben, il faut passer par la préfecture. Je ne peux pas vous les passer directement.

Le médecin: O.K. Est-ce qu'on peut faire le 17 pour avoir le commandement sur place? Vous croyez?

Le SAMU: Il faut passer par les forces de l'ordre.

L'avocate: Et c'est quoi, vous, votre contact avec eux?

Le SAMU: Nous, malheureusement, le SAMU, on est juste là, en fait on nous demande d'envoyer des moyens qu'on envoie à des points donnés, on ne peut pas faire plus.

Le médecin: On sait bien vos contraintes, on essaie de vous permettre de travailler là, parce que vous êtes empêchés de travailler.

Le SAMU: Oui, oui, mais du coup, on monopolise une ligne d'urgence. Merci beaucoup, au revoir.

le Mercredi 29 Mars 2023 à 06:38 | Lu 819 fois