SEM Te Mau Ito Api : le courant passe mal à Makemo


Selon la SEM Te Mau Ito Api, 40 millions de Fcfp seront nécessaires pour relancer la production d'électricité avec les éoliennes.
PAPEETE, le 14 janvier 2016. Les éoliennes de Makemo devaient devenir un projet pilote et un modèle pour les autres îles. Aujourd'hui, l'électricité produite est d'origine thermique et tous les habitants n'ont pas été raccordés au réseau. Pour le P-dg de la SEM Te Mau Ito Api, en charge de la production énergétique, avant tout nouvel investissement, il faut revoir "le statut institutionnel" de la société.
Des poteaux électriques se dressent près de la maison de Prosper Petis. Mais ils ne sont pas reliés à son fare. Son électricité provient de ses propres panneaux photovoltaïques. Son habitation, située à Makemo, à deux kilomètres de la centrale électrique, n'a en effet pas été reliée au réseau électrique de l'atoll. Comme lui, ils sont plusieurs dizaines d'habitants dans ce cas. Une situation qui provoque la colère de ces Paumotu. Une situation abracadabrantesque pour cet atoll qui était programmé pour devenir un projet pilote de la distribution d'électricité dans les îles.
Il y a dix ans, Te Mau Ito Api devenait une société d'économie mixte (SEM) et se faisait fort de produire son énergie à partir d’un hybride entre l’éolien et le thermique, sur l’île de Makemo. L’électricité ainsi obtenue devait servir à alimenter les foyers de cet atoll des Tuamotu, à prix conventionnels.
La société, délégataire de service public pour la fourniture d’énergie électrique sur l’atoll, est détenue à hauteur de 66% par le Pays, le reste du capital étant réparti entre la SPRES et la Société d'Etudes et de Développement Polynésienne (SEDEP), détenues par l’homme d’affaires Dominique Auroy.
Mais, incapable, faute de trésorerie, d’assurer la maintenance de ses éoliennes en panne, la SEM s'est trouvée contrainte de produire une électricité exclusivement d’origine thermique, au moyen de groupes électrogènes de secours. L'extension du réseau n'a pas non plus pu être réalisée.
Le tavana Félix Tokoragi a profité de l'escale dimanche du président du Pays Edouard Fritch sur l'atoll pour lui faire part de sa préoccupation. "Il a rappelé à la population que résoudre ce souci était une priorité", explique-t-il.

Ajouter des groupes électrogènes
Du côté de la SEM Te Mau to api, on se dit conscient aussi du problème. Jean-Louis Chailly, P-dg de la SEM, assure qu'un conseil d'administration se tiendra "prochainement" sans vouloir divulguer la date. Félix Tokoragi précise de son côté ne pas avoir reçu encore d'invitation. Mais Jean-Louis Chailly assure que les préoccupations des habitants de la commune seront à l'ordre du jour. Devrait ainsi être discutée la question de l'extension du réseau. "Cela nécessite un investissement, mais dans l'incertitude institutionnelle dans laquelle on est je ne sais pas qui doit financer cela, mais la société ne peut pas le faire. Il y en a au moins pour une cinquantaine de millions de Fcfp", détaille Jean-Louis Chailly.
Autre problème qui sera évoqué : "la sécurisation des moyens de production". "Il faut que nous installions des groupes électrogènes supplémentaires pour éviter les coupures", précise- Jean-Louis Chailly et "la relance à terme de la production éolienne". Là un investissement de 40 millions de Fcfp serait nécessaire. Pour le P-dg, cet investissement serait amorti "en moins de 5 ans" car "il permettrait une économie de l'ordre de 14 millions de Fcfp par an".
 

La péréquation à revoir
Pour Jean-Louis Chailly, rien ne peut se faire sans une mise à plat du statut institutionnel. "Il faut clarifier si l'autorité concédante est bien le Pays ou la commune. Dans les deux cas, cela signifie préciser comment le coût du service public est équilibré. Cela peut être soit par l'application d'une clause d'équilibre qui existe dans le contrat initial, mais qui doit être mise en œuvre par l'autorité concédante, soit par la mise en place de cette péréquation à l'échelle de la Polynésie". Jean-Louis Chailly se veut "optimiste" sur une résolution de ce problème. "Dans le plan de transition énergétique, qui a été présenté par Nuihau Laurey, il est indiqué que 'le mécanisme de péréquation du prix de l'électricité mis en place en Polynésie française en 1991 sur un fondement juridique fragile sera redéfini et clarifié sur les plan juridique et économique. …'" Pour lui, c'est donc seulement en reprécisant ce cadre et définissant clairement dans quelles conditions la société équilibre son service public que les nouveaux investissements pourront être faits.
La population de Makemo espère que cela sera fait bientôt. Les coupures intempestives agacent. Teraiarue Tahi, président de l'association Katalina, dénonce ainsi les appareils électriques grillés en raison des coupures. " Malgré ces difficultés, le service est rendu dans des conditions très acceptables", répond Jean-Louis Chailly. "Le nombre d'heures de coupure ramené à la production est équivalent voire même certaines années meilleur que ce fait EDT dans les îles."
Félix Tokoragi attend une distribution de l'électricité fiable pour que l'île puisse se développer économiquement "en permettant un bon accès à internet, au téléphone…" et ne plus être dans la peur du "black-out". "Ici, on a une école, un collège, l'internat, une infirmerie… Ces établissements n'ont pas de groupes de secours."
 

Une augmentation de capital, des avances en compte courant et des abandons de créances

En mars 2012, le conseil d'administration de Te Mau Ito Api constatait avoir un trou de près de "80 millions de Fcfp dans ses caisses" selon le P-dg de la SEM. "Malgré les difficultés financières et de trésorerie, on a constaté que pendant les deux ans et demi où elles ont tourné, les éoliennes ont produit de manière extrêmement efficace en régime d'alizée", note Jean-Louis Chailly, P-dg de la SEM. "Pour relancer la production, il faut faire plusieurs choses, cela a fait l'objet d'un plan qui est en train de réaliser, cela va moins vite que ce que j'aurais espéré bien entendu, mais il y a des choses concrètes. (…) Il a d'abord été décidé de boucher le trou, cela a donné lieu à plusieurs actions tout à fait communes et équilibrées entre les différents actionnaires avec une augmentation de capital qui s'est bouclée fin 2014 d'une part, des avances en compte courant et des abandons de créances." Pour parvenir à l'abandon de créances, "les actionnaires ont été amenés à faire des prestations pour la société".




 

Rédigé par Mélanie Thomas le Jeudi 14 Janvier 2016 à 17:14 | Lu 3462 fois