Russie: le mari de la patronne du géant du e-commerce Wildberries inculpé pour "meurtre"


Crédit Alexander NEMENOV / AFP
Moscou, Russie | AFP | jeudi 19/09/2024 - Le mari de la patronne de Wildberries, la femme la plus riche de Russie, a été arrêté et inculpé jeudi pour "meurtre", selon les avocats de celui-ci, après une fusillade meurtrière au siège de ce géant du e-commerce, en plein conflit au sein du couple.

Dans un communiqué publié sur Telegram, les avocats de Vladislav Bakaltchouk, époux de Tatiana Bakaltchouk, ont indiqué qu'il est accusé de "meurtre", "tentative de meurtre", et "atteinte à la vie" d'un membre des forces de l'ordre.

Il est également visé par un article du code pénal russe qui réprime les tentatives de justice personnelle. Toutes ces accusations sont passibles de très lourdes peines d'emprisonnement. 

Selon ses avocats, il est en garde-à-vue pour 48 heures, avant une possible audience sur son placement en détention provisoire.

Tatiana Bakaltchouk et Vladislav Bakaltchouk, en instance de divorce depuis fin juillet, se déchirent autour de l'avenir de la société, dont elle détient 99% et son mari 1%, ce dernier ayant, selon la presse russe, réclamé le contrôle de 50% des actions.

Wildberries, fondé en 2004 en s'inspirant du modèle d'Amazon, est présent dans plusieurs pays d'ex-URSS et revendique plus de 10 millions de commandes quotidiennes. Tatiana Bakaltchouk, 48 ans, a une fortune estimée par Forbes à 7,9 milliards de dollars (7,08 milliards d'euros). 

Le conflit avec son mari a pris un tour dramatique mercredi, quand une fusillade a éclaté au siège de l'entreprise, à quelques centaines de mètres du Kremlin. Bilan : deux morts et sept blessés, dont des policiers.

Tatiana Bakaltchouk a accusé son époux d'avoir fait irruption dans le bâtiment avec des individus armés qui ont ouvert le feu, ce que les avocats de ce dernier ont à nouveau démenti jeudi.

- "Larmes de crocodile" -

Selon eux, Vladislav Bakaltchouk a été visé "par une attaque" devant "une dizaine de témoins" et des caméras de surveillance qui montreraient que "des membres de l'autre partie du conflit" ont ouvert le feu les premiers.

Mercredi soir, Tatiana Bakaltchouk a publié une vidéo sur Telegram, la montrant en pleurs. "Des jeunes gens sont morts. Vladislav, qu'est-ce que tu fais ? Comment pourras-tu regarder tes parents et tes enfants dans les yeux ?", dit-elle.

Les avocats de son mari affirment qu'il devait participer à des discussions au siège de Wildberries pour tenter de régler le conflit et qu'il s'y est rendu avec des représentants et des gardes du corps. 

Selon eux, il avait averti les forces de l'ordre de cette rencontre, ce qu'a réfuté mercredi la PDG qui assure qu'aucune discussion n'était prévue.

Les avocats de Vladislav Bakaltchouk ont dénoncé jeudi les "larmes de crocodile et accusations mensongères" de Tatiana Bakaltchouk, l'accusant d'avoir organisé une "provocation" avec des "criminels armés" qui auraient déclenché la fusillade.

Ils disent aussi que des policiers présents sur place se sont montrés "agressifs" à leur arrivée. "Nous ne comprenons pas pourquoi les forces de l'ordre se sont immiscées dans une activité économique et des relations d'entreprise", disent-ils.

- Soutien de Kadyrov -

Fait rare parmi les richissimes russes, Tatiana Bakaltchouk n'appartient pas au cercle des oligarques historiques qui ont pris le contrôle des grands groupes étatiques dans les années 1990.

Sa "success story" tranche avec celles de beaucoup de grandes fortunes, nées de manières plus ou moins légale sur les décombres de l'économie soviétique, dans le secteur des matières premières, et qui fleurent souvent la corruption.

En 2004, même pas trentenaire, elle fonde Wildberries pendant son congé maternité, constatant la difficulté de faire des achats avec et pour un nouveau-né.

Le couple Bakaltchouk, qui a sept enfants, est en guerre ouverte depuis que Wildberries a annoncé en juin un projet de fusion avec le groupe de publicité Russ, qui pèse beaucoup moins dans l'économie nationale.

Le Kremlin, qui y voit la possibilité de créer un géant russe à même de concurrencer à terme Alibaba ou Amazon, soutient cette union, poussée par Tatiana Bakaltchouk, tandis que son mari s'y oppose fermement.

Vladislav Bakaltchouk s'en est plaint ouvertement en juillet à Ramzan Kadyrov, le dirigeant de Tchétchénie, où sa femme est née.

Le chef tchétchène, connu pour ses méthodes brutales et ses intérêts économiques multiples, avait pris fait et cause pour l'époux, qualifiant la fusion de "fraude à grande échelle". Mais depuis la fusillade, il n'a pas fait de commentaire.

le Jeudi 19 Septembre 2024 à 05:21 | Lu 468 fois