Crédit Maxim Shemetov / POOL / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 26/09/2024 - La doctrine change, mais à la marge, via une rhétorique constante depuis 2022. Vladimir Poutine a envoyé un "signal" aux Occidentaux en modifiant le seuil d'usage de l'arme nucléaire, sans toutefois bousculer les grands équilibres.
Le chef de l'Etat russe a notamment prévenu mercredi que son pays pourrait utiliser l'arme suprême en réponse à tout assaut lancé par un pays non-doté (sans arme nucléaire) mais soutenu par une puissance dotée. Un avertissement implicite à l'Ukraine et à ses alliés.
"C'est une précision et un élargissement" de la doctrine "mais pas un abaissement du seuil", affirme à l'AFP Héloïse Fayet, spécialiste du nucléaire à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- La doctrine russe -
La doctrine russe de 2020 évoque quatre cas justifiant l'usage du feu nucléaire : des tirs de missiles balistiques contre la Russie ou un allié; l'usage d'une arme nucléaire par un adversaire; une attaque contre un site d'armements nucléaires; une agression mettant en jeu "l'existence même de l'Etat".
Mais son application fait débat. Certains experts et responsables militaires, notamment à Washington, considèrent que la doxa soviétique de ne pas utiliser l'arme suprême en premier a été abandonnée. Moscou se réserverait la carte de "l'escalade pour désescalader" : utiliser l'arme dans des proportions limitées afin de faire reculer l'Otan.
- Ce que Poutine a changé -
Le chef du Kremlin a proposé de "considérer l'agression de la Russie par un pays non-nucléaire, mais avec la participation ou le soutien d'un pays nucléaire, comme une attaque conjointe" contre la Russie.
Un point "clairement destiné à dissuader les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de fournir des armes de longue portée à l'Ukraine", explique à l'AFP Hans Kristensen, de la Fédération des scientifiques américains (FAS). "Le problème avec Poutine est de savoir s'il est prêt à aller jusqu'au bout" ou si ce ne sont "que des mots".
Le président russe a aussi prévenu qu'il envisagerait le recours à la bombe en cas d'attaque aérienne d'ampleur (aviation, missiles ou drones) et en cas d'attaque contre le Bélarus, un allié de son pays.
- Des précédents en pagaille -
Le chiffon rouge est un des outils récurrents du pouvoir russe depuis février 2022.
Constatant que Kiev ne tomberait pas aussi rapidement qu'espéré, Vladimir Poutine avait ordonné de "mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat". Mais les experts soulignaient qu'une partie de l'arsenal russe - comme occidental - était prête à l'emploi en permanence.
La Russie avait par ailleurs annoncé à l'été 2023 le déploiement d'armes nucléaires tactiques au Bélarus. L'armée russe a en outre effectué en mai dernier des manoeuvres près de l'Ukraine en réponse aux "menaces de certains responsables occidentaux".
- La dissuasion affaiblie mondialement -
Les propos du chef de l'Etat russe, sur fond d'Assemblée générale des Nations unies, qui se déroule sans lui, s'inscrit dans un contexte de "fragilisation globale du principe de dissuasion à l'échelle mondiale", selon un général occidental s'exprimant sous couvert de l'anonymat.
Russie, Israël et Pakistan, des puissances dotées, ont été récemment attaqués sur leur sol et "en ont été fragilisés mais ils n'ont pas fait usage" de l'arme atomique, fait-il valoir.
La menace russe n'a pas empêché les alliés de Kiev de s'affranchir progressivement de toutes les lignes rouges : livraison de missiles de longue portée, de chars, d'avions de chasse...
Par ailleurs, note le gradé de haut rang, "on assiste aussi à une moindre inhibition des armées à augmenter le niveau de risque à proximité des infrastructures nucléaires civiles (...). Cela contribue à banaliser le fait nucléaire".
- L'opinion russe -
Selon un sondage du centre indépendant Levada en juillet, 34% des Russes jugent l'usage de l'arme atomique contre l'Ukraine "certainement" ou "plutôt" justifié.
"L'opinion publique le demande car elle veut gagner" la guerre, juge Alexandre Khramtchikhine, un expert russe favorable au Kremlin, estimant que "Poutine est de plus en plus sous pression chez lui".
Mais le chef de l'Etat envoie aussi "un avertissement à l'Occident", ajoute-t-il. "Si vous croyez sérieusement que nous avons assisté mercredi à du bluff, il y a 99% de chances que vous voyiez une guerre nucléaire à l'avenir".
- Les Occidentaux prudents -
Les Occidentaux, pour autant, veulent croire que le tabou nucléaire né en août 1945 (Hiroshima et Nagasaki) tiendra encore, tant le coût politique et humain serait monstrueux pour celui qui le briserait. Focalisés sur la situation au Proche-Orient, les dirigeants réunis à l'ONU n'ont d'ailleurs pas réagi.
Quiconque prend ces annonces au sérieux "se fait manipuler", estime Phillips O'Brien, de l'université écossaise de Saint Andrews. "Aucun dirigeant n'utilisera l'arme nucléaire parce que la doctrine le dit. Il le fera s'il en a envie. Rien n'a changé", tranche-t-il sur X (ex-Twitter).
"Pas de quoi s'inquiéter", renchérit Héloïse Fayet, de l'IFRI. "Cela fait partie du dialogue dissuasif que la Russie entretient avec l'Occident, et il est c
Le chef de l'Etat russe a notamment prévenu mercredi que son pays pourrait utiliser l'arme suprême en réponse à tout assaut lancé par un pays non-doté (sans arme nucléaire) mais soutenu par une puissance dotée. Un avertissement implicite à l'Ukraine et à ses alliés.
"C'est une précision et un élargissement" de la doctrine "mais pas un abaissement du seuil", affirme à l'AFP Héloïse Fayet, spécialiste du nucléaire à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- La doctrine russe -
La doctrine russe de 2020 évoque quatre cas justifiant l'usage du feu nucléaire : des tirs de missiles balistiques contre la Russie ou un allié; l'usage d'une arme nucléaire par un adversaire; une attaque contre un site d'armements nucléaires; une agression mettant en jeu "l'existence même de l'Etat".
Mais son application fait débat. Certains experts et responsables militaires, notamment à Washington, considèrent que la doxa soviétique de ne pas utiliser l'arme suprême en premier a été abandonnée. Moscou se réserverait la carte de "l'escalade pour désescalader" : utiliser l'arme dans des proportions limitées afin de faire reculer l'Otan.
- Ce que Poutine a changé -
Le chef du Kremlin a proposé de "considérer l'agression de la Russie par un pays non-nucléaire, mais avec la participation ou le soutien d'un pays nucléaire, comme une attaque conjointe" contre la Russie.
Un point "clairement destiné à dissuader les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de fournir des armes de longue portée à l'Ukraine", explique à l'AFP Hans Kristensen, de la Fédération des scientifiques américains (FAS). "Le problème avec Poutine est de savoir s'il est prêt à aller jusqu'au bout" ou si ce ne sont "que des mots".
Le président russe a aussi prévenu qu'il envisagerait le recours à la bombe en cas d'attaque aérienne d'ampleur (aviation, missiles ou drones) et en cas d'attaque contre le Bélarus, un allié de son pays.
- Des précédents en pagaille -
Le chiffon rouge est un des outils récurrents du pouvoir russe depuis février 2022.
Constatant que Kiev ne tomberait pas aussi rapidement qu'espéré, Vladimir Poutine avait ordonné de "mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat". Mais les experts soulignaient qu'une partie de l'arsenal russe - comme occidental - était prête à l'emploi en permanence.
La Russie avait par ailleurs annoncé à l'été 2023 le déploiement d'armes nucléaires tactiques au Bélarus. L'armée russe a en outre effectué en mai dernier des manoeuvres près de l'Ukraine en réponse aux "menaces de certains responsables occidentaux".
- La dissuasion affaiblie mondialement -
Les propos du chef de l'Etat russe, sur fond d'Assemblée générale des Nations unies, qui se déroule sans lui, s'inscrit dans un contexte de "fragilisation globale du principe de dissuasion à l'échelle mondiale", selon un général occidental s'exprimant sous couvert de l'anonymat.
Russie, Israël et Pakistan, des puissances dotées, ont été récemment attaqués sur leur sol et "en ont été fragilisés mais ils n'ont pas fait usage" de l'arme atomique, fait-il valoir.
La menace russe n'a pas empêché les alliés de Kiev de s'affranchir progressivement de toutes les lignes rouges : livraison de missiles de longue portée, de chars, d'avions de chasse...
Par ailleurs, note le gradé de haut rang, "on assiste aussi à une moindre inhibition des armées à augmenter le niveau de risque à proximité des infrastructures nucléaires civiles (...). Cela contribue à banaliser le fait nucléaire".
- L'opinion russe -
Selon un sondage du centre indépendant Levada en juillet, 34% des Russes jugent l'usage de l'arme atomique contre l'Ukraine "certainement" ou "plutôt" justifié.
"L'opinion publique le demande car elle veut gagner" la guerre, juge Alexandre Khramtchikhine, un expert russe favorable au Kremlin, estimant que "Poutine est de plus en plus sous pression chez lui".
Mais le chef de l'Etat envoie aussi "un avertissement à l'Occident", ajoute-t-il. "Si vous croyez sérieusement que nous avons assisté mercredi à du bluff, il y a 99% de chances que vous voyiez une guerre nucléaire à l'avenir".
- Les Occidentaux prudents -
Les Occidentaux, pour autant, veulent croire que le tabou nucléaire né en août 1945 (Hiroshima et Nagasaki) tiendra encore, tant le coût politique et humain serait monstrueux pour celui qui le briserait. Focalisés sur la situation au Proche-Orient, les dirigeants réunis à l'ONU n'ont d'ailleurs pas réagi.
Quiconque prend ces annonces au sérieux "se fait manipuler", estime Phillips O'Brien, de l'université écossaise de Saint Andrews. "Aucun dirigeant n'utilisera l'arme nucléaire parce que la doctrine le dit. Il le fera s'il en a envie. Rien n'a changé", tranche-t-il sur X (ex-Twitter).
"Pas de quoi s'inquiéter", renchérit Héloïse Fayet, de l'IFRI. "Cela fait partie du dialogue dissuasif que la Russie entretient avec l'Occident, et il est c