Rivières : deux discours, un même constat sur le silence du ministère


Autour du rond-point de Tahiti Nui (ou rond-point Jacques Chirac), quelques-uns des manifestants venus défendre la protection de leurs rivières contre les travaux d'extractions.
PAPEETE, le 31 août 2015. Depuis ce lundi matin, les associations de protection des rivières organisent un sit-in pacifique autour du rond-point de Tahiti Nui à l'entrée Ouest de Papeete. Ce lundi matin également, la Chambre syndicale des métiers du génie civil et des travaux publics organisait à quelques centaines de mètres de là une conférence de presse. Manif et contre-manif.

Le rassemblement d'une cinquantaine de personnes portant, pour la plupart, des T-shirts noirs barrés du slogan Aara Atu (levez-vous) a démarré comme prévu ce lundi matin, à l'aube, sur ce rond-point stratégique à l'entrée ouest de Papeete. Quelques pick-ups sur lesquels on s'assoit, une toile de tente pour faire un peu d'ombre, mais surtout des banderoles, des pancartes, des drapeaux, des planches de surf parfois, que l'on agite ou que l'on brandit au nez des automobilistes, nombreux, qui empruntent cette voie. "Halte au massacre", "Non à la destruction de Taharuu", "Nos rivières notre patrimoine", "Pas de barrage hydro-électrique, pas d'expropriation"… les slogans écrits en grosses lettres ne peuvent pas être ignorés.

Sur place l'ambiance est bonne enfant. Beaucoup se sont levés très tôt pour être à l'heure au point de rendez-vous. Mais ils n'auraient raté ce rassemblement sous aucun prétexte. "Moi ce que je vois depuis que les travaux ont démarré à la Taharu'u c'est que l'eau est boueuse au point que certains parents ont interdit à leurs enfants d'aller jouer sur la plage à l'embouchure de la rivière. Ce qui me choque dans les travaux qui sont faits, c'est que l'on creuse ! Le lit de la rivière est aujourd'hui très large en aval, mais en abaissant le lit de la rivière on risque de l'assécher. Enfin, comme ils enlèvent tous le sable et les cailloux pour les stocker un peu plus haut, la plus grosse crainte c'est que la plage risque de disparaitre". Cette riveraine de la Taharu'u a donc quitté Papara ce lundi matin très tôt pour rejoindre le cortège de la manifestation des "tricots noirs".

PAS DE BLOCAGE

Une manifestation "d'information" à destination du grand public qui ne doit pas surprendre les autorités du Pays, gouvernement en tête, en raison de la multiplication des messages et des demandes d'audiences adressées par le syndicat Te Aru Tai Mareva depuis plusieurs mois. Le syndicat regroupe les associations de protection des rivières et de défense des vallées de Tahiti et souhaite, depuis sa création, instaurer un dialogue constant entre les riverains, les décideurs du ministère de l'Equipement. Mais il déclare avoir beaucoup de mal à avancer dans ce sens-là : les comités de suivi dans les rivières où des curages sont effectués ou des travaux d'aménagement sont en cours comme à la Taharu'u de Papara ne sont pas effectifs. Pour la Taharu'u, la première réunion du comité de suivi a eu lieu le 28 juillet dernier, deux ans après l'annonce des travaux, alors que la première tranche des aménagements était terminée et surtout, le jour où les élections municipales ont été officiellement annulées dans cette commune ! Aussi le calendrier prévisionnel avec une réunion mensuelle n'a pas été respecté. "Ce comité de suivi, c'était de la poudre aux yeux" commente avec amertume Claudine Tuarau, la présidente de l'association Ia Ora Taharuu.

Aussi, plus question désormais de dialoguer avec Albert Solia (le ministre de l'Equipement) ou ses techniciens, c'est directement au président du Pays, Edouard Fritch, que le syndicat Te Aru Tai Mareva veut avoir affaire. "On ne veut plus rencontrer Albert Solia. Il dit des choses mais n'arrive pas à faire respecter ce qu'il dit" explique Denis Helme. Alors, sur le rond-point de Pouvana a Oopa, comme l'appellent ces riverains des rivières et des vallées de Tautira, Teahupoo, Afaahiti, Pueu, Mahaena, Papenoo, Mahina, Papeete, Faa'a, Papeete auxquels se sont joints quelques résidents des îles (Tuamotu et Australes) on tient le siège. "Nous allons rester ici durant trois jours pour voir ce qui se passe du côté du gouvernement. On a prévu de dormir ici" poursuit Denis Helme.

Pour faire passer le temps, les manifestants discutent entre eux, échangent leurs témoignages, amorcent la conversation avec les piétons qui s'arrêtent pour comprendre leur démarche. Les associations de protection des rivières espèrent qu'en trois jours d'occupation pacifique de ce rond-point leur message aura pris de l'ampleur au point que l'écho au moins de leur manifestation sera entendu jusqu'à la Présidence. Au même moment, pointés du doigt depuis tout aussi longtemps, les professionnels de la Chambre syndicale des métiers du génie civil et des travaux publics (CSMGCTP) tenaient une conférence de presse pour justifier aux yeux du grand public, les travaux de curage qu'ils mènent dans les rivières. "Nous faisons un travail de service public. S'il n'y avait pas de curage il y aurait des inondations" affirme Jean-Marc Bernière, secrétaire de la chambre syndicale. Leur point commun avec les manifestants du rond-point qui luttent contre ces curages : le silence du ministère…

Si les manifestants protestent principalement contre les extractions, sous couvert de curage, des rivières, des riverains de la Vaiiha s'inquiètent du projet d'un nouveau barrage hydro-électrique.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 31 Aout 2015 à 14:47 | Lu 1236 fois