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Risques pour la santé du tabagisme passif : un pneumologue sème le trouble

PARIS, 31 mai 2010 (AFP) - Piliers de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les risques du tabagisme passif auraient été exagérés, assure le pneumologue à la retraite Philippe Even, dont la prise de position est contestée par d'autres médecins qui réaffirment sa nocivité avérée.


Risques pour la santé du tabagisme passif : un pneumologue sème le trouble
"On a créé de toutes pièces une peur qui ne repose sur rien", a lancé ce pneumologue, président de l'Institut de recherche Necker, dans un entretien au Parisien, alors qu'on célébrait lundi la Journée mondiale sans tabac.

40% des études scientifiques "concluent à une absence totale de nocivité du tabagisme passif sur la santé", a affirmé le Pr Even, ajoutant : "les 60% restantes estiment que le risque de cancer est multiplié par 0,02 pour la plus optimiste, et par 0,15 pour la plus pessimiste... contre un risque multiplié par 10 ou 20 pour le tabagisme actif".

Un "pavé dans la mare" regretté par d'autres spécialistes interrogés par l'AFP, pour qui ces propos risquent de décrédibiliser le travail des scientifiques et nuire à la lutte contre le tabagisme.

"La nocivité du tabagisme passif n'est plus à démontrer", a réagi le ministère de la Santé.

Le Pr Even conteste également le nombre de morts imputés au tabagisme des autres. Le chiffre de 6.000 décès par an en France avait été cité par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, lors de la mise en place des mesures d'interdiction de fumer dans les lieux publics.

Il s'appuyait sur un rapport européen publié en 2006 qui attribuait 5.900 décès annuels au tabagisme passif en France, mais dont seulement 1.114 chez des non-fumeurs. Ce rapport était méthodologiquement critiquable, ont concédé lundi les spécialistes.

"On n'a jamais dit que c'était l'hécatombe, mais il y a des morts du tabagisme passif en France, même si les principales victimes du tabac sont incontestablement les fumeurs", a affirmé Bertrand Dautzenberg, pneumologue et président de l'Office français de prévention du tabagisme.

"Les maladies cardio-vasculaires représentent 80% des morts du tabagisme passif", a-t-il ajouté.

"Scientifiquement, sur le plan cardio-vasculaire, il n'y a aucun doute sur la nocivité du tabagisme passif", a renchéri le cardiologue Daniel Thomas (Pitié-Salpêtrière).

L'exposition au tabagisme passif augmente de 25 à 30% le risque d'infarctus du myocarde, selon une synthèse d'études européennes et américaines qui vient d'être publiée. Toutes montrent une diminution du risque d'infarctus consécutive à la mise en place de mesures d'interdiction de fumer. En France, les premiers résultats de l'étude Evincor n'ont pas permis de mettre en évidence un tel effet, a reconnu le Pr Thomas.

Dominique Maraninchi, président de l'Institut national du cancer (Inca), est tout aussi formel : "cancer et tabagisme passif, oui ça existe", a-t-il affirmé. "On sait que le tabac est le principal cancérigène pour le cancer du poumon et il y a des preuves scientifiques suffisantes pour lutter contre le tabagisme passif", a-t-il souligné.

"Intuitivement on aurait quand même tendance à penser qu'une grosse exposition passive à des centaines de composants dont aucun n'a jamais montré qu'il était bénéfique pour la santé puisse créer un certain nombre de cancers", a estimé pour sa part le pneumologue Jean-Philippe Derenne (Pitié-Salpêtrière).

Il a également évoqué les effets immédiats de la fumée : "pour les asthmatiques, c'est une agression physique", a-t-il dit.

Le Pr Dautzenberg a cité d'autres conséquences sur la santé : rhinites, conjonctivites, ou encore consommation d'antibiotiques plus importante chez les enfants de fumeurs.

Rédigé par Par Véronique MARTINACHE le Lundi 31 Mai 2010 à 05:56 | Lu 472 fois