Rififi autour du ponton ‘āpī de Vaitupa


Tahiti le 12 mai 2024 – Inauguré vendredi, le ponton flottant de Vaitupa, doit pouvoir accueillir 34 nouveaux bateaux. Sauf que le président de la coopérative Motu Ovini Rava’ai, Albert Tapi, en a fermé l’accès à plusieurs pêcheurs de Faa’a. “J’ai peur que quand ce cinéma sera fini, on va revenir neuf mois en arrière”, craint le président des poti marara Ralph Van Cam.
 
Huit ans après leur demande, les pêcheurs de Faa’a voient enfin leur vœu se réaliser. Inauguré vendredi, le nouveau ponton flottant de Vaitupa doit leur permettre de bénéficier de 34 nouvelles places d’amarrage pour leur bateau. Un projet de plus de cent millions de francs à peine livré et dont les travaux avaient débuté sous la mandature d’Édouard Fritch. Ce nouveau ponton répond ainsi “à un besoin criant de la commune de Faa’a”, souligne le ministre du Secteur primaire, Teai Taivini. Sauf que plusieurs pêcheurs de Faa’a ne sont plus admis à y amarrer leur bateau en raison d’un conflit qui perdure depuis plusieurs mois avec président de la coopérative Motu Ovini Rava’ai, Albert Tapi.

“S’ils paient, on ne pourra pas leur refuser l’accès”

Face à cette brouille, le tāvana de Faa’a, Oscar Temaru, en appelle à une entente concertée. En août dernier, il avait déjà organisé une réunion entre les pêcheurs et Albert Tapi. Et cela n’a rien réglé. La situation s’est même aggravée depuis, puisque certains pêcheurs ont décidé, de guerre lasse, d’aller amarrer leur bateau au quai Langlois de Fare Ute, pour pouvoir travailler. Et pour cause : “La situation n’a fait que de se dégrader. Il n’y a pas d’avancée”, explique le président des pêcheurs en poti marara, Ralph Van Cam. Malgré cela, Oscar Temaru soutient que “on n’interdit à personne de venir ici s’amarrer”. Le maire de Faa’a appelle d’ailleurs “à la paix et la sérénité”. Selon lui, le président de la coopérative “a voulu surtout bien gérer cet espace”.
 
Quant à une éventuelle reprise en main du site par sa municipalité, le tāvana de Faa’a préfère pour l’instant écarter cette éventualité : “Je n’ai pas envie qu’on en arrive là. Ce sont des grands garçons et je préfère leur dire qu’il faut se calmer, s’il y a des mésententes cela se règle. S’il faut que la mairie reprenne cet espace elle le fera. Mais je compte sur leur responsabilité.”
 
Comme à son habitude, le tāvana de Faa’a minimise le problème en avançant que cela ne concerne que “quelques pêcheurs : ce n’est pas la majorité, deux ou trois”. Il soutient que ces derniers ne veulent pas payer leur cotisation : “S’ils paient, on ne pourra pas leur refuser l’accès […].”

“On ne veut pas prendre nos cotisations”

Le président des pêcheurs de poti marara Ralph Van Cam, est dépité et ne comprend pas que ce problème n’ait pas encore été réglé : “C’est quand même un bonhomme contre plusieurs familles de pêcheurs. Personne ne veut prendre une décision, ni le tāvana, ni la Direction des ressources marines. On ne peut pas laisser passer cela, ce sont des infrastructures financées par le Pays pour les pêcheurs de Faa’a en priorité.”
 
Il est persuadé qu’après l’inauguration du ponton flottant, le président de la coopérative, Albert Tapi, continuera à refuser l’accès aux pêcheurs qui, pourtant, “ne demandant qu’à travailler dans de bonnes conditions”. Il estime aussi que, si cette situation continue, et que les pêcheurs sont empêchés d’y accoster “il faut retirer le ponton […] car dans la convention la priorité est donnée aux pêcheurs professionnels de Faa’a”. En outre, Ralph Van Cam dément le fait que les pêcheurs ne paient pas leurs cotisations, puisque, au contraire, “on ne veut pas prendre leurs cotisations”. En conséquence, selon lui, “cela veut dire qu’on ne veut pas d’eux”. Aussi, il l’affirme : “Il ne faut pas mentir à la population, les pêcheurs sont prêts à payer leurs cotisations.”

“Ces pêcheurs auront leur place”

Interrogé à propos de ce conflit entre le président de la coopérative Motu Ovini Rava’ai, Albert Tapi et les pêcheurs, le ministre Taivini Teai appelle tout le monde à se mettre autour d’une table pour discuter. “C’est vrai que ce problème ne date pas d’hier. Cela est dû aussi à ce manque de place. Et l’installation de ce ponton va permettre aux uns et aux autres de pouvoir discuter plus calmement.” Mais, comme l’observe le président des pêcheurs de poti marara, Ralph Van Cam, “cela fait neuf mois que cette situation dure et on nous dit encore il faut dialoguer ?”
 
Pour le ministre “les outils installés par la Direction des ressources marines, comme la machine à glace et le ponton sont pour les pêcheurs professionnels de Faa’a”, rappelle-t-il. Mais finalement,  juste après l’inauguration du ponton flottant, le 10 mai dernier, comme l’avait assuré Ralph Van Cam, le président de la coopérative Motu Ovini Rava’ai, Albert Tapi, a demandé aux pêcheurs de quitter les lieux. Et ce, malgré les affirmations prononcées par le ministre en charge du dossier de la pêche dans son discours pour l’inauguration du ponton qu’il s’était plu à décrire comme “le symbole de notre engagement auprès des pêcheurs côtiers professionnels pour leur fournir un environnement sûr et adapté à leurs besoins”.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Vendredi 10 Mai 2024 à 21:18 | Lu 104 fois