Richard Tuheiava : «la Polynésie française n'a encore qu’un système économique artificiel, déviant et budgétivore»


Le sénateur polynésien apparenté PS, Richard Tuheiava a souhaité s’exprimer durant l’examen de la loi sur la régulation économique en outre-mer. L’examen de ce projet de loi porté par le ministre Victorin Lurel: le projet de loi contre la vie chère adopté à l'unanimité en commission au Sénat a démarré aujourd’hui, mercredi 26 septembre. Après une pause, les débats ont repris au Palais du Luxembourg à 21 heures, heure de Paris. En discussion générale, Richard Tuheiava a pris la parole pour défendre ce projet de loi et surtout la rapidité du ministre à proposer un texte sur ce thème récurrent de la cherté de la vie ultramarine. «Y aurait-il une fatalité à ce que les Outre-mer connaissent des prix élevés que l’éloignement par rapport à l'Hexagone n’explique pas à lui seul ? Y aurait-il encore une fatalité à ce que les mêmes causes structurelles se reproduisent sur trois océans ? Nous, parlementaires ultramarins et hexagonaux, qui nous reconnaissons dans le socialisme, nous ne pouvons pas nous plier à quelque fatalité que ce soit. La Polynésie française ne se distingue des autres Outre-mer français que par des causes spécifiques liées à l’histoire du Centre d’Expérimentation du Pacifique (entre 1963 et 1996). C'est mon premier message. Cette implantation a conduit à une inexorable flambée des prix et à la mise en place d’un système dans lequel l’État et les autorités locales de l'époque ont rivalisé dans l’inconscience (…) Alors que toutes les voix sensées (René Dumont, Simon Nora et beaucoup d’autres…) lançaient, dès les années 70, des avertissements solennels localement, l’État ferma les yeux sur le système fiscal reposant quasiment exclusivement sur la consommation et laissa une aristocratie « néocoloniale » locale bâtir des fortunes considérables à l’abri d’une fiscalité qui lui était indolore, et mettre en place des monopoles (…) Je l’affirme à cette tribune nationale, parce que j'en ressens le devoir : la Polynésie française n’avait, et n'a encore qu’un système économique artificiel déviant et budgétivore (…) Pourtant, cette histoire qui fut la nôtre engendra des poisons : le clientélisme et la corruption, une gabegie organisée sur fonds publics, et un fossé de plus en plus large entre les riches et les exclus de cette économie artificielle».
Le sénateur de Polynésie a également annoncé qu’il voterait en faveur de ce texte.

Six amendements et des demandes précises

Pour inclure la Polynésie dans les champs de compétence de la loi qui peuvent s’appliquer sur le territoire, Richard Tuheiava a déposé six amendements en ouverture de séance. Amendements qui doivent être discutés ce soir en métropole et éventuellement vendredi 28 septembre si le débat n’est pas clos aujourd’hui. Au total 63 amendements ont été déposés sur le texte initial de la commission et il en reste encore 54 à examiner. Les amendements déposés par le sénateur Richard Tuheiava permettent d’exposer la réalité des circuits marchands de la Polynésie. L’un des amendements proposés a pour but d’étendre la continuité territoriale au transport des marchandises, en particulier pour les médicaments qui ne proviennent que de la métropole. En matière de continuité territoriale, Richard Tuheiava va plus loin et demande dans un autre amendement que les déplacements inter insulaires en Polynésie soient également pris en compte dans ce dispositif : «En application du principe d’égalité devant les charges publiques, et de sa modalité d’application selon laquelle ce dernier a vocation à s’appliquer dans des situations comparables, il peut parfaitement être soutenu que les déplacements inter insulaires au sein de la collectivité d’Outre-mer de la Polynésie française devraient être éligibles au bénéfice de la continuité territoriale. C’est d’ailleurs la position officielle du gouvernement de ladite collectivité d’Outre-mer qui a clairement exprimé l’une de ses orientations politiques en faveur de la lutte contre la cherté de la vie locale». Le sénateur Tuheiava poursuit et demande dans un autre amendement que la tarification des services bancaires de base en Polynésie française soit alignée sur celle de la France métropolitaine, puisque les tarifications bancaires en Polynésie échappent à sa compétence générale en matière de réglementation des prix.
Enfin, le sénateur Tuheiava demande que le gouvernement français assiste «techniquement et financièrement les autorités de la collectivité de la Polynésie française, par convention, à l’organisation périodique d’une étude sur la structure de consommation des ménages de la Polynésie française». La dernière enquête de ce type a été réalisée en 2000-2001 sous la responsabilité d’un expert de l’Insee. Or, selon le sénateur Tuheiava : «une telle étude représente l’élément de base à tout processus décisionnel éclairé en matière de lutte contre la cherté de la vie, et à une véritable réforme de la fiscalité polynésienne».


Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 26 Septembre 2012 à 09:42 | Lu 2109 fois