Révélations sur le rôle de Mitterrand sur Ouvéa, dans un livre de l'ex-chef du GIGN


Le chef du GIGN, le capitaine Philippe Legorjus s'exprime le 05 mai 1988 à Nouméa lors d'une conférence de presse donnée quelques heures après l'assaut lancé pour délivrer les otages détenus par des indépendantistes kanaks sur l'île d'Ouvéa. AFP PHOTO REMY MOYEN
PARIS, 2 novembre 2011 (AFP) - Philippe Legorjus, acteur central de l'assaut contre la grotte d'Ouvéa en 1988, estime que François Mitterrand, alors président de la République, "a donné le feu vert à l'opération alors qu'il aurait pu s'y opposer", dans un livre à paraître mercredi.

Le 5 mai 1988, entre les deux tours de la présidentielle, des forces spéciales et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) prenaient d'assaut une grotte de l'île d'Ouvéa (Nouvelle-Calédonie) où étaient retenus en otages par des indépendantistes kanaks une vingtaine de gendarmes. 19 ravisseurs étaient tués ainsi que 2 soldats du 11e Choc.

Dans "Ouvéa, la République et la morale" (Plon), Philippe Legorjus, ancien commandant du GIGN (1985-1989) et le journaliste Jacques Follorou font des révélations sur cet assaut. L'ouvrage coïncide avec la sortie le 16 novembre du film de Mathieu Kassovitz ("L'ordre et la morale") qui raconte cet épisode sanglant.

"Pour moi, écrit Philippe Legorjus, MM. Mitterrand et Chirac ont perdu une occasion d'être à la hauteur des valeurs de notre République. Ils pouvaient éviter ce massacre, ils ne l'ont pas fait. Ils pouvaient s'accorder pour désigner ce fameux médiateur que réclamait le FNLKS (parti kanak indépendantiste, ndlr)".


Dans un premier livre paru en mai 1990 ("La morale et l'action"), Philippe Legorjus assurait qu'il s'était rendu compte que M. Mitterrand n'était pas parfaitement informé avant de donner son accord à l'assaut.

Vingt ans plus tard, MM. Legorjus et Follorou, s'appuyant notamment sur des notes d'un proche d'Edgar Pisani, conseiller à l'Elysée pour la Nouvelle-Calédonie, assurent que le chef de l'Etat "a donné son feu vert à l'opération alors qu'il aurait pu s'y opposer". Selon eux, M. Mitterrand "ne voulait pas prendre le risque politique d'être accusé de laxisme à quelques jours du second tour de la présidentielle".

Les deux auteurs se demandent pourquoi "M. Mitterrand a donné son accord à Edgar Pisani pour une libération pacifique (négociation via des intermédiaires choisis par l'Elysée, ndlr) alors qu'il a donné la veille son feu vert (pour l'assaut, ndlr) au gouvernement Chirac?".

"En donnant deux fois son +oui+, il associait tactique politique et morale, tout en sachant que les armes parleraient en premier", concluent les auteurs.

Moins de deux mois plus tard, le nouveau Premier ministre Michel Rocard lançait une mission de dialogue pour renouer la discussion entre loyalistes et indépendantistes. Cette mission conduira aux accords de Matignon du 26 juin 1988 et à une amnistie générale pour les preneurs d’otages et les militaires impliqués dans des morts suspectes lors de l'assaut.

Rédigé par F K le Mercredi 2 Novembre 2011 à 10:56 | Lu 2743 fois