Réunion: malgré leurs attaques répétées, pas facile d'attraper des requins


SAINT-DENIS-de-la-réunion, 11 août 2012 (AFP) - L'échec de la première pêche au requin organisée par l'Etat à la Réunion semble conforter les scientifiques opposés au prélèvement, pour qui l'île n'abrite pas d'individus sédentaires installés près de ses plages ou dans sa Réserve, malgré leurs attaques répétées.

Partis vendredi du Port et de Saint-Leu, les deux bateaux affrétés par l'Etat pour réaliser un premier "prélèvement scientifique" de requin sont rentrés bredouilles dans la nuit. Douze heures de traque et pas un seul bouledogue ou tigre pêché, près de la côte ou au large. Les squales ont boudé les proies accrochées aux hameçons de la drumline (ligne piégée fixe) ou de la palangre de fond posée à la fois à l'extérieur et à l'intérieur de la Réserve marine, censée être leur "garde-manger".

Le même scénario s'était produit, en septembre 2011, lors d'un prélèvement ciblé décidé par le préfet après une attaque de surfeur.

L'opération visant à éliminer, "dans la Réserve marine", une dizaine de requins "susceptibles de s'y être sédentarisées et de présenter une menace récurrente " avait fait long feu. Elle avait été arrêtée après la capture d'un seul requin.

Depuis le début de leur mission scientifique destinée à rechercher les facteurs favorisant la présence de requins sur le littoral ouest, les chercheurs de l'IRD (Institut de recherche pour le développement) ont marqué, à l'aide d'une balise acoustique visant à suivre leur déplacement, 23 requins seulement en dix mois. L'objectif est de 80 fin 2012.

Début juillet, leurs premières conclusions avaient "infirmé l'hypothèse d'un petit groupe de requins sédentarisés" près des côtes, les chercheurs n'ayant recapturé aucun des poissons marqués.

Les stations d'écoute installées pour suivre leur déplacement n'avaient détecté que peu de passages: 5 pour le requin tigre sur les 12 marqués. Quant au bouledogue, il n'a fait que des courtes excursions vers la côte, principalement la nuit, passant la majeure partie de son temps au large.

En décembre dernier, après trois semaines passées dans l'eau à tenter de marquer des requins avec un fusil sous-marin, le champion du monde d'apnée Fred Buyle était reparti bredouille. Aucun individu n'avait été marqué. Le plongeur n'avait croisé les requins que peu de fois, "entre 300 et 800 mètres du rivages", lors de "rencontres furtives de 2-3 secondes", avait-il expliqué.

"En 25 ans de plongée en eaux tropicales, je n'ai jamais observé si peu de requins lors d'un séjour dédié à leur recherche", s'était-il étonné.

Reste à expliquer pourquoi ils sont si peu visibles des pêcheurs et plongeurs le long des côtes, tout en étant responsables d'autant d'attaques (huit dont trois mortelles en un peu plus d'un an) concentrées sur la même région.

Antonin Blaison, le chercheur de l'IRD encadrant les deux bateaux de pêche chargés du prélèvement et du marquage, invite à la patience. "Tant que nous n'aurons pas observé les déplacements et les moeurs des requins marqués pendant au moins une année entière, leurs attaques resteront un mystère", dit-il. D'ici là, la solution, selon lui, ne passe "surtout pas", par des opérations de prélèvement qui "n'expliquent rien, n'apportent qu'une fausse sécurité et déséquilibrent l'écosystème".

"On a besoin de comprendre ce qui se passe", insiste-t-il. Seul un outil permettant d'avoir des "faisceaux d'information cohérentes et concordantes", permettra d'aboutir à un "modèle de prévision" et à des "outils de gestion du risque".

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Rédigé par Par Idriss ISSA le Dimanche 12 Aout 2012 à 07:18 | Lu 856 fois