Réunion : la réserve marine se défend de favoriser les attaques de requins


A la Réunion les nombreuses attaques de requins provoquent une vive réaction de la population (photo AFP)
PAPEETE, le 24 avril 2015 - Il y a 10 jours nous publiions une interview de Jérémy Florès dans laquelle il accusait la réserve marine créée en 2007 d'être la cause des attaques de requins. La fondation Pew, qui milite pour la création d'aires marines protégées en Polynésie, nous a transmis la réponse apportée par le comité scientifique de la réserve marine de la réunion.

Le surfeur réunionnais Jérémy Florès, un des deux seuls français dans le top mondial avec notre Michel Bourez national, avait réagit vivement après la mort du jeune espoir du surf Elio Canestri attaqué par un requin bouledogue dans la zone de baignade interdite à l'ouest de la Réunion. Il n'y a pour l'instant aucune explication scientifique pour ces attaques de requin en série qui enchaînent les victimes depuis huit ans. Mais pour le surfeur, le responsable est la réserve marine :

"De génération en génération, il y a toujours eu des pêcheurs. Puis des écologistes ont débarqué sur l'île et ont décrété un arrêt de la pêche dans un rayon de dix kilomètres, c'est dans cette zone qu'ont lieu toutes les attaques de requin qui surviennent actuellement. C'était il y a huit ans. A partir du moment où ils ont arrêté la pêche, les requins n'ont plus du tout eu peur et ont commencé à venir. Maintenant, c'est un territoire mort. Ils ont tout mangé. Il n'y a plus de vie : plus de tortues, plus de poissons, plus rien, pas même des requins de récif. Les requins bouledogues ont tout mangé. Et maintenant qu'il n'y a plus rien à manger, ils s'en prennent aux surfeurs."

La réserve : le problème ou la solution ?

La fondation Pew nous a transmis la lettre ouverte envoyée à la ministre des Outre-mer par le conseil scientifique de la réserve marine de la réunion qui répond à cette hypothèse. A noter que ces scientifiques ont participé à la mise en place la réserve.

Il assurent dans leur lettre que "relier une augmentation des attaques de requins à l’"effet réserve" et désigner la réserve marine comme responsable de ces attaques relève d’un raisonnement spéculatif adopté par certains mais qui ne repose sur aucun élément objectif." Ils notent ainsi que le requin bouledogue, responsable des attaques, n'est pas "un requin habituellement inféodé au récif comme peuvent l'être d’autres espèces de requins (requin corail, requin gris de récif, requins pointes blanches ou noires) présentes dans les années 70-80 et aujourd'hui très rarement observées (la pêche côtière ayant majoritairement contribué à leur disparition progressive)."

Donc, pour ces scientifiques, c'est plutôt la surpêche qui aurait endommagé l'écosystème du récif, et provoqué la venue des requins bouledogue à la place des espèces moins dangereuses présentes auparavant. La solution, selon eux, est donc de préserver la réserve jusqu'à un rétablissement d'un écosystème corallien sain.

La solution qui a été choisie aujourd'hui par le gouvernement est d'autoriser la pêche aux requins bouledogue et requins tigres jusque dans la réserve, en plus d'autres mesures pour 1 million d'euros par an (120 millions Fcfp). Mais pour le comité scientifique, pêcher ces requins pourrait n'avoir aucun effet, puisqu'ils se déplacent beaucoup et vont loin : pour enrayer la menace il pourrait être nécessaire d'éliminer l'espèce de l'Océan Indien. Les scientifiques préféreraient comprendre pourquoi ils s'approchent ainsi des côtes et attaquent les surfeurs.

Ils défendent surtout la réserve : avec un triplement de la population le long de la côte ouest, avec des eaux usées mal traitées et la pollution qui augmente, "réduire le rôle et la surface de la RNNMR ne pourrait que se traduire par un coup d’arrêt aux timides tendances à l’amélioration du milieu en aggravant les déséquilibres. L’écosystème corallien est une véritable structure vivante élaborée par les coraux constructeurs au sein de laquelle tous les maillons biologiques sont interconnectés. Quels qu’ils soient, les déséquilibres impactent au final la croissance du récif."

Pour eux, il faut donc sauver la réserve, car "toute limitation de la RNNMR annihilerait immédiatement la dynamique initiée de restauration."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 24 Avril 2015 à 11:24 | Lu 1223 fois