Retraites : nouvelle démonstration de force avant la réforme


PAPEETE, lundi 5 février 2018 - La grève générale organisée à l’appel de l’intersyndicale CSTP/FO-CSIP-Otahi-O Oe To Oe Rima-Cosac prend effet ce mardi. Le mouvement pourrait se durcir dans la journée si les syndicats ouvriers n’obtiennent pas la garantie d’un abandon du projet de loi sur la réforme du système polynésien de retraites.

Le texte sera vraisemblablement examiné durant la séance de la session extraordinaire de ce jeudi 8 mars, à l’assemblée de la Polynésie française. Sauf si l’intersyndicale ouvrière obtenait du président Fritch, mardi après-midi, l’engagement fort peu probable d’un abandon de ce projet de texte.

Les représentants du mouvement doivent être reçus dans la journée de mardi par le président de l’assemblée, Marcel Tuihani, par le haut-commissaire, René Bidal et par Edouard Fritch. Autant d’audiences institutionnelles de l’intersyndicale pour une plaidoirie en règle contre le projet de réforme paramétrique du système polynésien des retraites par répartition.

Une mobilisation populaire devrait aussi paralyser un temps le centre-ville, mardi matin : rassemblement à la première heure place Tarahoi, suivi d’une marche qui doit emprunter le front de mer jusqu’à l’avenue du Prince Hinoi, rejoindre le pont de l’Est et revenir vers le centre-ville pour finir par une manifestation devant la Présidence, avenue Pouvanaa’a a Oopa.

L'intersyndicale CSTP/FO-CSIP-Otahi-O Oe To Oe Rima-Cosac a déposé mercredi dernier un préavis de grève générale auprès d'un millier d'entreprises polynésiennes, dans l'ensemble des services et des établissements du Pays et de l'Etat. Les agents communaux sont quant à eux appelés dès mardi à "effectuer un piquet de grève" devant leurs mairies respectives.

"Notre position ne change pas"

Le mouvement de contestation exige "le retrait du projet de loi du Pays visant à réformer le régime des retraites". Il demande également à ce que la tarification des médicament soit revue, mais aussi "la mise en place du médecin référent pour les généralistes, du panier de soin et du parcours de soins; la création et la mise en place de la carte électronique, la revalorisation du pouvoir d'achat, la lutte contre la vie chère; la modification de la liste des PPN, la réforme fiscale et la mise en place de mesures concrètes de protection de l'emploi local et d'océanisation des cadres".

"Notre position ne change pas", cognait vendredi Angelo Frébault. "Nous maintenons notre demande ferme d’un retrait du projet de loi pour la réforme des retraites. La grève suite au premier préavis a permis de rassembler et d'informer l'ensemble des salariés et des citoyens. La mobilisation a été réussie", explique-t-il en évoquant la mobilisation populaire qui avait rassemblé près de 3000 manifestants, place Tarahoi le 15 février dernier. "Si nous réussissons à mobiliser le double, mardi, le Pays risque de retirer son projet de loi", pense le leader de l’intersyndicale. Pour lui "cette loi est politique. Elle a un enjeu politique. C’est la raison pour laquelle le gouvernement cherche à faire passer ce texte maintenant, à quelques semaines des Territoriales. Il ne faut pas oublier que l’on parle d’une mise en application à partir de 2020…".

Un calendrier démenti vendredi par Jacques Raynal. Le ministre de la santé et de la solidarité confirme la volonté du Pays de garantir une application de la réforme dès le 1er janvier 2019 : "c’est la raison pour laquelle on a inscrit ce projet de loi à l’ordre du jour de la session extraordinaire. On doit tenir compte d’un éventuel délai en cas de recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Il y a urgence". La procédure peut en effet prendre de six à neuf mois. Elle est suspensive. Le texte ne pourra entrer en application avant que la haute cour de l’ordre administratif n’ait statué.

"Il y a urgence" (Raynal)

Le gouvernement Fritch veut, dans cette perspective, profiter de la confortable majorité de représentants dont il dispose encore à l’assemblée pour faire adopter cette réforme sans attendre. Cette réforme paramétrique du système par répartition prévoit que l’âge légal de départ à la retraite qui est actuellement de 60 ans sera porté à 61 ans en 2020, puis 62 ans en 2021. Parallèlement, la durée légale de cotisation, pour l'heure de 35 ans, sera portée à 36 ans en 2019, 37 ans en 2020 et 38 ans en 2021. L’âge minimum pour prendre une retraite anticipé, aujourd’hui à 55 ans, sera porté dès 2019 à 57 ans. Le taux de remplacement des pensions de retraite, qui demeure à 70 %, sera calculé sur la base du revenu mensuel moyen des 15 meilleures années sur les 20 dernières, alors qu’il est pour l'instant calculé sur une base de référence des 10 meilleures années sur les 15 dernières.

Surtout, l’exécutif entend mettre un coup de frein dès 2019 à l’hémorragie financière d’un système qui a produit un déficit cumulé de 36,5 milliards Fcfp entre au cours des neuf dernière années et qui, si rien n’est entrepris pour le réformer d’ici-là, pourrait enregistrer 27,6 milliards Fcfp de déficits supplémentaires d’ici 2023, pour la seule caisse de la tranche A.

"Le choix est simple", martèle Edouard Fritch dans la lettre ouverte adressée à la population (voir ci-dessous) : "Soit nous ne faisons aucune réforme de la retraite, comme le propose l’intersyndicale, et nous ne pourrons plus payer les retraites. Soit nous réformons comme le propose le gouvernement, et nous préservons l’avenir des retraites actuelles et celles de nos enfants".

Aussi, le mouvement de contestation devrait-il s'orienter vers un durcissement inévitable dans les prochains jours. Des débrayages liés à la grève générale seront mis en œuvre dès mercredi 7 mars, au sein du Port autonome, dans les 45 aérodromes polynésiens, et un peu partout dans les entreprises et administrations du pays. Le bras de fer démarre.

Lettre ouverte d'Edouard Fritch aux Polynésiens


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 5 Mars 2018 à 10:00 | Lu 8720 fois