Retraites: Braun-Pivet bloque l'examen des 64 ans, l'opposition vent debout


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Paris, France | AFP | mercredi 07/06/2023 - Au lendemain d'une 14e journée de mobilisation qui pourrait être la dernière, la présidente de l'Assemblée s'apprête à siffler la fin du match contre la réforme des retraites aussi au Parlement: elle va faire barrage à l'examen de la mesure d'abrogation des 64 ans, programmé jeudi dans l'hémicycle.

"Sur ces amendements de rétablissement de l'article 1 [qui prévoit de repasser à 62 ans], je suis très claire: ils seront déclarés irrecevables par moi-même dans la journée", a déclaré mercredi Yaël Braun-Pivet.

"J'applique la règle, rien que la règle", a-t-elle ajouté, en allusion à l'article 40 de la Constitution qui proscrit toute proposition parlementaire créant une charge pour les finances publiques. 

Le reste de la proposition de loi, portée par le groupe indépendant Liot et soutenue par la plupart des oppositions, pourra quand même être examiné jeudi.  

Article 49.3, article 40...: depuis le début des débats à l'Assemblée en février, il n'y aura donc jamais eu de vote dans l'hémicycle sur la mesure très contestée du report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. 

"Peur de perdre"

Le texte des députés Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) a entretenu la flamme des opposants à la réforme promulguée mi-avril, même si la participation, mardi, à la 14e journée de mobilisation a été la plus faible enregistrée en cinq mois de manifestations.

Et les oppositions ont vivement protesté contre la décision de Mme Braun-Pivet, Liot dénonçant "une attaque inédite contre les droits du Parlement", "sous la pression de l'exécutif".

A gauche, La France insoumise a aussi crié au scandale. Pour Manuel Bompard, son coordinateur, "ils ont peur de perdre donc ils veulent empêcher les députés de voter". "Contre les Français, ils sont prêts à tout", a abondé François Ruffin. 

Le responsable socialiste Olivier Faure a annoncé quitter les discussions, en cours au Palais-Bourbon, sur la réforme des institutions. "Je ne vais pas continuer à faire le guignol avec des gens qui me prennent pour un con".

A l'extrême droite également, les réactions sont indignées. "Il n'y a jamais eu de vote, le pouvoir l'a toujours empêché, c'est scandaleux", a déclaré le député Sébastien Chenu (RN).

L'annonce de la titulaire du perchoir n'est pas une surprise. 

Elle avait plusieurs fois qualifié d'"inconstitutionnelle" l'abrogation des 64 ans, Élisabeth Borne taxant cette proposition de "démagogique". 

"On ne tord pas la Constitution pour faire plaisir aux oppositions", a lancé mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l'issue du Conseil des ministres.

La mesure Liot avait été retoquée la semaine dernière en commission, au terme d'un vote serré (38 voix contre 34), mais les oppositions comptaient pouvoir rejouer ce match jeudi dans l'hémicycle, en déposant des "amendements de rétablissement".

C'est à ces derniers que va faire obstacle Yaël Braun-Pivet, comme l'y autorise le règlement de l'institution. 

L'abrogation des 64 ans aurait un coût de "plus de 15 milliards d'euros au bas mot", a martelé ces derniers jours le camp présidentiel. Où de nombreuses voix ont reproché en coulisses à Mme Braun-Pivet, issue du groupe macroniste Renaissance, de ne pas avoir invoqué plus tôt l'"irrecevabilité financière" pour siffler la fin de la partie.

Motion de censure

Même adoptée par l'Assemblée nationale, la proposition de loi n'aurait eu que de faibles chances d'aboutir au plan législatif, n'ont cessé de faire valoir les macronistes. Tout en s'inquiétant du signal politique d'un éventuel vote perdu.

Résignés quant à l'impossibilité de voter sur les 64 ans, le groupe Liot et la gauche ont échafaudé des plans de repli.

Ils ont déposé une série d'amendements alternatifs, espérant la tenue d'un scrutin symbolique autour des mesures d'âge, sans s'exposer au couperet de l'article 40. Certains proposent, par exemple, d'établir "un objectif d'abrogation" des 64 ans à l'horizon 2024. 

Mme Braun-Pivet prévoit d'examiner ces "plus de 300 amendements". "Il y aura évidemment d'autres irrecevabilités qui seront prononcées".

Le dépôt d'une nouvelle motion de censure contre le gouvernement a en outre été annoncé par la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot. "Il est inacceptable que l'on puisse faire un tel coup de force sans qu'il y ait une réaction derrière", a-t-elle justifié. 

Le RN pourrait voter cette motion. Les partenaires de La France insoumise au sein de la Nupes ne se sont pas encore prononcés. 

le Mercredi 7 Juin 2023 à 04:20 | Lu 470 fois