Retraites: 11e épisode du bras de fer, à l'approche de la décision des "Sages"


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Paris, France | AFP | jeudi 06/04/2023 - De Rennes à Marseille, les manifestants étaient à nouveau dans la rue jeudi pour la 11e fois contre la réforme des retraites alors que les discussions entre syndicats et gouvernement sont dans l'impasse, à une semaine de la décision du Conseil constitutionnel.

Avant le départ du cortège parisien, la nouvelle secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a fustigé un gouvernement qui "vit dans une réalité parallèle", l'accusant de faire "comme si de rien n'était" face à la "profonde colère" contre la réforme.

A ses côtés, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a observé que "la contestation est toujours aussi forte" même si les chiffres de la participation du jour ne sont "pas les plus importants depuis le début" du mouvement social le 19 janvier.

Les premiers chiffres des cortèges semblaient de fait attester d'une participation loin des records mais pas au plus bas avec 3.600 personnes à Orléans, 5.500 au Havre ou 8.500 à Rennes, selon les autorités. Ils étaient 15.000 à Nantes, 2.400 à Nice ou 10.000 à Marseille, de même source.

Le 28 mars, la mobilisation avait marqué le pas, avec 740.000 manifestants en France selon le ministère de l'Intérieur, "plus de deux millions" selon la CGT.

Cette fois-ci, les autorités attendent de source policière entre 600 et 800.000 personnes, dont 60 à 90.000 à Paris. Dans la capitale, la CGT a annoncé 400.000 manifestants. 

Image symbolique dans le cortège parisien, des heurts entre des manifestants masqués et les forces de l'ordre ont éclaté en milieu d'après-midi aux abords de La Rotonde, célèbre restaurant du quartier Montparnasse où Emmanuel Macron a fêté son score du premier tour à la présidentielle de 2017.

Une partie de son auvent en toile a brulé avant que les pompiers n'interviennent rapidement.

A 14H30, la préfecture a fait état de 1.330 contrôles en amont et 8 interpellations.  

A Lyon, des dégradations ont été commises sur le parcours, avec notamment un magasin Nespresso pillé et une voiture Tesla détruite.

11.500 policiers et gendarmes sont mobilisés dans toute la France.

Après bientôt trois mois de conflit, les manifestants affichent une détermination à toute épreuve, à l'image de Samy Andrieux, 27 ans à Clermont-Ferrand qui se dit prêt à se mobiliser "autant de temps qu'il le faut", convaincu que "la colère monte vraiment".

Les grèves étaient cependant moins marquées, notamment à la SNCF, avec trois TGV sur quatre et un TER sur deux et, à Paris, un trafic "quasi normal" pour le métro et le RER.

Des cheminots ont envahi brièvement l'ancien siège du Crédit Lyonnais à Paris, avec force fumigènes et sifflets. Et la Tour Eiffel était fermée.

Du côté des raffineries, après l'annonce du redémarrage de la production du site Esso-ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime), sa voisine TotalEnergies à Gonfreville-L'Orcher reste la seule dont la production est encore arrêtée. Pour cette raffinerie, le tribunal administratif de Rouen a ordonné en référé la suspension de l'arrêté de réquisition de grévistes.

Dans l'éducation, le ministère a recensé moins de 8% d'enseignants grévistes. Quelques lycées et universités ont fait l'objet de blocages, comme la Sorbonne ou Assas. 

"Entretenir la flamme"

Mais comme depuis le 10 janvier et la présentation de la réforme, le plus gros blocage est surtout à rechercher entre l'exécutif et les syndicats, dont les relations virent à l'aigre.

Après une rencontre qui a tourné court mercredi à Matignon, la cheffe du gouvernement a affirmé qu'elle n'envisageait "pas d'avancer sans les partenaires sociaux". 

La réciproque est moins vraie.

Pour Sophie Binet, le gouvernement est "bunkerisé" et sa "capacité à diriger le pays est remise en cause".

De son côté, l'entourage du président de la République, en déplacement en Chine jusqu'à samedi, a rejeté la responsabilité de l'échec du dialogue sur les syndicats, et notamment la CFDT qui n'a pas "voulu entrer dans un compromis".

"Stop à la provocation, on n'est pas sur un ring", a réagi Laurent Berger, ajoutant plus tard que "plutôt que d'être susceptible, il vaudrait mieux être inquiet". 

Dans le cortège parisien, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a dénoncé une "crise démocratique" qui "peut tourner à la crise de régime".

D'autres batailles sont à prévoir, au moins jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel, le 14 avril. L'intersyndicale prévue dans la soirée au siège de FO devrait déboucher sur l'annonce d'une nouvelle journée de mobilisation avant cette date. Ce ne serait "pas totalement idiot", a glissé jeudi M. Berger.

Il espère que les Sages censurent "l'ensemble de la loi". A défaut, a estimé le numéro un de la FSU Benoît Teste jeudi, un feu vert à la procédure de référendum d'initiative partagée (RIP) sur les retraites "peut nous permettre d'entretenir la flamme".

le Jeudi 6 Avril 2023 à 06:22 | Lu 513 fois