Retraite, maladie : les pistes envisagées pour sauver la PSG


A l'issue de la réforme de la PSG II, Au final, la CPS deviendrait un organisme de gestion autonome.
PAPEETE, le 21 avril 2016. Une vaste réflexion est engagée, depuis quelques mois, par le gouvernement pour réformer la protection sociale généralisée (PSG) qui gère à la fois l'assurance maladie et les retraites. L'augmentation de la population, l'allongement de la durée de la vie, les longues maladies et la baisse des cotisants sous l'effet de la crise sont à prendre en considération.

Rien n'est encore définitif et la réflexion reste ouverte. A plusieurs reprises, ce mardi, devant les représentants du CESC, Tea Frogier la ministre de la solidarité a rappelé sans convaincre aux leaders syndicaux que la présentation qui a été faite par Luc Tapeta (conseiller spécial du président Fritch sur cette réforme majeure) n'avait qu'un but d'information. Il ne s'agissait que de la synthèse des ateliers de 2015 qui ont réuni six mois durant les techniciens du gouvernement et les partenaires sociaux. En fait essentiellement le patronat puisque seul un syndicat (A Tia i Mua) avait accepté de participer.

Le premier grand principe de la réforme à venir de la PSG est un cloisonnement strict des branches : plus question en effet que la maladie prélève des fonds sur la retraite pour financer les dépenses de santé. Par ailleurs la résorption des déficits du passé est un préalable indispensable. Autre principe général, une loi annuelle de financement de la PSG II devra être débattue et votée à l'assemblée de la Polynésie française : une loi du Pays nécessairement équilibrée entre recettes et dépenses.

RETRAITE : DES HYPOTHÈSES SANS CONSENSUS POUR L'INSTANT

Sur la retraite les ateliers de discussion du gouvernement avec les partenaires sociaux qui ont souhaité participé ont travaillé sur six hypothèses proposées. Aucune n'a fait consensus. Des scénarios alternatifs ont donc été élaborés.
Les documents remis mardi aux représentants du CESC ("version complète du 30 septembre 2015") font état, pour la retraite, de différents scénarios possibles, allant d'une réforme la plus light à la plus douloureuse. L'hypothèse d'une réforme légère conduisant à une viabilité du système jusqu'en 2030, tandis que le dispositif le plus accentué garantirait une viabilité jusqu'en 2045 avec des variations forcément lourdes à accepter : un taux plein à 70% dans le meilleur des cas mais réduit à 54% pour la réforme la plus lourde ; ou encore l'âge de départ à la retraite passant à 62 ans dès 2017 dans le meilleur des cas ou à 64 dans le pire ; et enfin des taux de cotisations passant à 21,75% en 2020. Ces hypothèses des nouveaux modes opératoires du financement de la retraite, analysés dans le détail et décortiqués ont été rassemblées à la fin du mois de septembre dernier dans la synthèse des ateliers, mais jusqu'ici ces documents étaient restés au secret.

Ils sortent désormais au grand jour. Au total, près de 80 pages rassemblant à la fois les données de cadrage et les pistes de réformes de la retraite ont été distribuées, mardi matin, aux représentants du CESC et commentées par Luc Tapeta en personne. En dépit des messages répétés que rien n'était encore figé, les documents distribués glissent naturellement vers un modèle plus consensuel que les autres.

Ainsi, la synthèse fait apparaître noir sur blanc que les participants aux ateliers sont parvenus à un accord à "l'unanimité" précisait Luc Tapeta, "pour une réforme des régimes de retraite sur la tranche A et B, et pour l'instauration d'une retraite complémentaire qui absorbe la tranche B". Mais, parmi les six scénarios présentés, aucun n'a d'emblée été accepté considérant certaines mesures comme trop brutales. "Les participants ont marqué leur préférence pour des mesures progressives reportant d'autant l'horizon de viabilité".

Pour l'heure, c'est le scénario alternatif "H2 bis" qui semble être le plus en vogue. Il prône un âge légal de départ à la retraite à 62 ans après 40 années de cotisation dès 2017 pour une pension à taux plein (au passage le minimum vieillesse ne serait désormais distribué qu'à partir de 62 ans également) ; un taux plein établi à 70% mais qui baissera de 1,25% par an dès 2018 pour atteindre 63,75% en 2022 ou 60% en 2025 si une retraite complémentaire est mise en place. Quant au salaire minimum de référence (SMR) il sera calculé sur la moyenne des 20 meilleures années de 2017 à 2020, auquel on ajoutera un an par année dès 2021 pour atteindre les 25 meilleures années en 2025. Selon les projections effectuées, ce scénario met en avant un horizon de viabilité jusqu'en 2034 avec consommation des réserves dès 2028. Problème, dans tous les scénarios envisagé, il faut une "participation d'équilibre" d'environ 3 milliards de francs par an avec la création d'un fonds de sauvegarde d'assurance vieillesse (FSAV) pour financer les déficits du régime. "Même si on agit sur tous les paramètres [âge, durée de cotisation, taux…NDLR], il faudra une contribution d'équilibre pour mettre nos régimes à flot" commentait Luc Tapeta.

Pour les retraites des tranches B (retraite par points), qui ne concernent que les parts de salaire au-dessus de 255 000 francs de revenus mensuels, c'est le scénario "H6 bis" qui a la cote. Il maintient le taux de cotisation à son niveau actuel (15,99%) mais seuls 12,79% génèrent de nouveaux points : le complément (3,20%) finance directement l'équilibre du régime. La valeur de liquidation du point est abaissée à 10,11 francs. Une participation d'équilibre à hauteur de 1 milliard de francs est mise en place pour financer le déséquilibre engendré par les pensions en cours jusqu'en 2026, elle passera à 500 millions de francs par an au-delà. Pour information, glisse habilement le document de synthèse : "un taux d'environ 1% sur les revenus (salaires et pensions) au dessus de 150 000 francs permettrait de recouvrer cette participation".

> pour voir le détail des projections émises pour le scénario "H2Bis", CLIQUER ICI

30 000

C'est le nombre de pensions retraite payées actuellement par la CPS. Elles auront doublé et passeront à 61 000 en 2025 en raison d'une nette accélération du nombre de départs à la retraite. Ces pensions retraite pesaient une somme totale de 32 milliards de francs en 2014 au titre du régime de la tranche A et 6 milliards au titre du régime de la tranche B et 4 milliards au titre du régime de solidarité.

ASSURANCE MALADIE : UNE BRANCHE UNIFIÉE

Harmonisation de l'accès aux soins avec une branche unifiée de l'assurance maladie.
La grande nouveauté du secteur de la maladie de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) est la mise en place d'une branche unifiée d'assurance maladie. Finies les différences de traitement entre le régime général des salariés (RGS), le régime des salariés (RNS) et le régime de solidarité territorial (RST). Le nouveau principe est celui-ci : "contribuer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins" où l'on comprend rapidement que le mode de financement de la branche maladie sera revu "afin que ce dernier ne repose pas principalement sur le travail". Dans le régime actuellement en vigueur en effet, 75% du financement de la branche maladie, de tous les bénéficiaires, repose sur les cotisations salariales et patronales. Avec la réforme, ce financement se fera par "une contribution au 1er franc jusqu'au dernier franc sur l'ensemble de ses revenus". Des travaux sur la fiscalité vont démarrer prochainement avec la direction des contributions publiques et le ministère des finances sur ce sujet.

La réforme du système de santé propose enfin de réaffirmer le rôle de la collectivité de Polynésie française dans le pilotage du système de santé et du dispositif de protection sociale. Une compétence acquise par le statut défini dans la loi organique de 2004. La gouvernance de la PSG repasse ainsi très clairement dans le giron du Pays : le gouvernement qui fixe les bases de la gouvernance (règles à appliquer, modalités d'organisation et de fonctionnement), le ministre de la santé qui pilote la stratégie sanitaire et enfin, l'assemblée territoriale arbitrera un objectif annuel des dépenses de santé, par le biais de la loi de financement annuelle. "Le financement de la branche donnera lieu à la détermination, par les pouvoirs publics, d'une enveloppe fermée correspondant à l'ensemble des dépenses de santé et des financements nécessaires".

La loi de financement dédiée à la protection sociale qui sera votée à l'assemblée de Polynésie doit fixer les axes, déterminer un taux directeur intégrant les recettes nécessaires à la couverture des charges de l'exercice à venir et couvrant le déficit éventuel de l'année en cours. "Toute création de nouvelles prestations se finance par des économies et/ou des recettes complémentaires : cotisations ou prélèvements fiscaux". Pour l'heure, la question de l'affiliation des fonctionnaires d'Etat au sein de cette branche unifiée de la maladie n'est pas retenue. Répondant à une question d'un représentant du CESC sur cette question Luc Tapeta a répondu que l'intégration des fonctionnaires d'Etat (actifs uniquement) aux cotisations vers la branche maladie créerait un solde de 4,2 milliards de francs en faveur de la Caisse de prévoyance sociale (CPS). "Donc ça aide à combler le déséquilibre mais ce n'est pas suffisant pour stopper les déficits. Et avec le désengagement de l'Etat dans la fonction publique, il y aurait à terme plus de retraités que de cotisants".

Au final, la CPS deviendrait un organisme de gestion autonome, "sans lien avec l'une des composantes de la protection sociale et gérant en dépenses et en recettes l'ensemble des crédits de la PSG". Son statut devra être revu : la CPS pourrait devenir un établissement public administratif (EPA) ou un établissement privé avec délégation de service public, sous la tutelle du ministre en charge des affaires sociales. A sa mise en place, la branche unifiée d'assurance maladie nécessitera la constitution d'un fonds de roulement pour le financement des prestations issues des trois anciens régimes. Il faudra trouver un financement extérieur par une dotation initiale du Pays par exemple ou via une contribution exceptionnelle (cotisation et/ou fiscalité). Le besoin estimé est de deux mois de consommation de crédits soit environ 7 milliards de francs.

2 milliards de francs

C'est la hausse prévue, chaque année, des dépenses de santé, liée principalement aux facteurs d'augmentation du nombre de bénéficiaires, des patients en longue maladie et du vieillissement de la population. On compte actuellement 32 000 personnes en longue maladie qui concentrent à eux seuls la moitié des dépenses de santé de la CPS.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 21 Avril 2016 à 16:20 | Lu 4050 fois