Résolution du nucléaire : seuls 25 élus Tahoera'a votent pour, l'UPLD offre la majorité


PAPEETE, 27 novembre 2014 – La proposition de résolution pour l’indemnisation des conséquences environnementales du nucléaire en Polynésie française a été adoptée avec une majorité de 36 voix, grâce à une alliance avec le groupe UPLD. Au sein du groupe Tahoera’a, la division s’exprime par 11 voix contre et deux abstentions.

Cette résolution de l’Assemblée doit dorénavant servir à porter une proposition de loi organique devant le Parlement français. Mais quel impact peut-elle prétendre avoir sur l’esprit des élus nationaux, à Paris, lorsqu’elle n’exprime que la mésentente polynésienne ?

Tout aura pourtant été mis en œuvre, dans les coulisses de l’Assemblée de Polynésie française, jeudi matin, pour qu’une unanimité s’exprime sur la question d’une demande d’indemnisation à l’Etat, au titre des conséquences environnementales du nucléaire en Polynésie française : vote à main levée ; consignes fermes données aux élus Tahoera’a en début de matinée ; transactions d’amendements dictés par l’opposition.

Mais rien de tout cela n’aura été suffisant. Le vote de ce texte a en réalité permis d’exprimer à quel point les avis sont partagés sur la question. En bonus, il quantifie l’ampleur de la division au sein même du camp Tahoera’a. Le groupe autonomiste n’est plus le monolithe de 38 représentants que les oranges se plaisaient à contempler, au lendemain des Territoriales en mai 2013. Sans le secours des votes UPLD, avec seulement 25 représentants « pour », le texte ne passait pas.

"Mais tout ça n’a bien entendu rien à voir avec la guerre Flosse-Fritch", s'est amusé Teva Rohfritch, à la mi journée, en sortant d’une réunion transactionnelle organisée dans le bureau de Marcel Tuihani, Gaston Flosse à la gouverne. Dans l'après-midi, après avoir dénoncé le manque de débat sur une question aussi capitale pour la collectivité, les huit élus du groupe A Tia Porinetia ont voté contre cette proposition de résolution.

De prime abord, au plan de la stratégie politique pour le clan Flosse, le trait pouvait paraître habile. Il intervient sur un terrain de revendications typiques du camp souverainiste polynésien, tout en créant un malaise certain avec l’exécutif Fritch.

Avec une unanimité sur cette résolution, cela pouvait permettre d’affirmer sans détour le siège du pouvoir du côté d’une troisième institution du Pays, tenue d’une main ferme par le Vieux Lion.

En toile de fond, avec la loi Morin l’Etat reconnait déjà le principe de conséquences sanitaires du nucléaire. Et les risques environnementaux sont admis en creux avec la rénovation du réseau de surveillance géo-mécanique Telsite, la reconnaissance d’une contamination au plutonium des deux atolls, le maintien de Moruroa et Fangataufa au nombre des sites classés Installations nucléaires intéressant la Défense (INID). Personne ne conteste cela en Polynésie ; le texte pouvait servir à entériner cette opinion unanime.

L'alliance avec l'UPLD

Le problème soulevé pour soutenir le vote « contre » a essentiellement porté sur une question de timing. La proposition de résolution a été portée à la connaissance des élus le 21 novembre pour être votée en séance plénière le 27. Sans l’ombre d’un débat, l’Assemblée a été mise au pied du mur.

"Dans ce débat, le Président du Pays est un partenaire incontournable", note aussi Michel Buillard. Le maire de Papeete a le premier pris la parole dans l’hémicycle pour dénoncer les "petits arrangements" passés à la mi-journée avec l’opposition, avant d'affirmer qu’il voterait contre. Plus tard, devant la presse : "Je ne peux pas m’empêcher de penser à 2007. Je souhaite du fond de mon cœur qu’une concertation s’ouvre avec le Président du Pays. Nous avons tous voté pour qu’il assume cette fonction. Il s’est manifesté pour dire qu’il serait souhaitable de reporter le vote de cette résolution. Il n’en a rien été. J’en tire les conséquences. Et je ne suis pas le seul au Tahoera’a Huira’atira aujourd’hui. La leçon à retenir de cette journée, c’est la volonté que nous avons tous de favoriser la concertation entre le président du parti et le Président du Pays, Edouard Fritch".

Pour l’instant, au gouvernement, on est occupé par l’édification du budget primitif 2015. Le Pays est confronté à la question de la faillite des comptes sociaux polynésiens et l’exécutif peine à négocier avec l’Etat un secours, sur fond de solidarité nationale. Cette résolution est vécue comme "une balle dans le pied" par Edouard Fritch à l’heure d’un assouplissement des relations avec l’Etat.

Du côté souverainiste, jeudi, on s’est régalé : "merci à François Hollande, c’est lui qui a destitué le président Gaston Flosse", a ironisé le leader indépendantiste Oscar Temaru. "C’est cela qui a permis à Gaston Flosse de se rendre compte de toutes les injustices commises par la France dans notre pays. Cela l’a rendu intelligent".

Le Tahoera’a a proposé, dès 14 heures à la reprise de séance, de modifier le texte en retirant la valorisation du préjudice environnemental (90 milliards Fcfp) et de la rente annuelle pour la non restitution de Moruroa et Fangataufa (12 milliards). L’assemblée a voté, à la place, le principe d’une expertise réalisée de manière indépendante et contradictoire par des organismes spécialisés, pour l’évaluation du préjudice et de la rente. Le texte a également été modifié pour que soit incluse une demande de reconnaissance par l’Etat du "fait nucléaire".
Des thèmes de prédilection du camp souverainiste qui sont passés, jeudi, grâce à une alliance de circonstance entre Tahoera'a et UPLD.

resolution 2014-1 RAPF moruroa et fangataufa .pdf  (391.72 Ko)


Les 13 élus Tahoera'a qui n'ont pas voté pour la résolution

Michel Buillard, Maina Sage, Béatrice Lucas, John Toromona, Lana Tetuanui, Teapehu Teahe, Sylvana Puhetini, Virginie Bruant, Puta'i Taae, Joseph Ah-Scha, Moehau Teriitahi, Jacquie Graffe, Dylma Aro


Rédigé par JPV le Jeudi 27 Novembre 2014 à 16:51 | Lu 3967 fois