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Répression sanglante au Nigeria: situation très tendue à Lagos, condamnation internationale


Lagos, Nigeria | AFP | mercredi 21/10/2020 - La situation restait très tendue à Lagos où de nombreux bâtiments ont été incendiés mercredi, au lendemain de la répression sanglante d'une manifestation pacifique au bilan controversé et condamnée par la communauté internationale.

En dépit du couvre-feu total imposé par les autorités, le siège d'une station de télévision, connue pour ses liens avec un éminent politicien du parti au pouvoir, a été incendiée mercredi par des casseurs, ainsi qu'une importante station de bus et de nombreux autres bâtiments privés et publics. 

Plusieurs coups de feu tirés par les forces de l'ordre ont été entendus à différents endroits de la ville, selon des témoins à l'AFP. 

Le pays reste sonné par les violences de "ce mardi sanglant", comme titraient plusieurs unes de presse locale, et, sur les réseaux sociaux, les appels à la démission du président Muhammadu Buhari, portés notamment par la star de la musique nigériane Davido et ses millions d'abonnés, se multipliaient.

"M. Buhari vous êtes un échec! Vieux et incompétent! Nous ne voulons pas de vous, ni de votre vice-président et de votre chef de la police! Démissionnez", a tweeté l'autre grande star de la musique nigériane Wizkid.

Depuis près de deux semaines, des milliers de jeunes battent le pavé dans les grandes villes du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique et première puissance économique du continent, contre le pouvoir central.

Au moins 18 personnes, dont deux policiers, sont mortes dans ces marches, qui avaient été jusque récemment globalement pacifiques.

Mais ce bilan pourrait considérablement s'alourdir dans les prochaines heures, alors que mardi soir, plus de 1.000 manifestants rassemblés pacifiquement sur un péage à Lagos, capitale économique du Nigeria, ont été dispersés par des tirs à balles réelles. Des forces armés ont ouvert le feu sur la foule, qui avait bravé le couvre-feu total imposé à Lagos plus tôt dans l'après-midi.

Selon des témoins et l'ONG Amnesty international, "plusieurs personnes" ont été tuées, mais il n'était pour l'heure pas possible de confirmer leur nombre exact.

L'Union européenne (UE) et l'ONU ont condamné les violences, l'UE jugeant "crucial que les responsables de ces abus soient traduits en justice et qu'ils aient à rendre des comptes", l'ONU appelant à "la fin des brutalités et des abus policiers au Nigeria".

Selon le gouverneur de l'Etat de Lagos, qui avait annoncé que 25 manifestants avaient été blessés et transportés à l'hôpital, une personne est morte "en raison d'un trauma à la tête". Il avait auparavant affirmé que l'attaque n'avait fait "aucun mort", avant de se rétracter. 

Ce sont "des éléments de l'armée nigériane qui ont été déployés à Lekki", a également accusé le gouverneur dans sa première déclaration, affirmant qu'une enquête avait été ouverte. 

Contactée par l'AFP, l'armée nigériane n'avait pas encore réagi mercredi. Mais sur Twitter, elle a nié être à l'origine de cette fusillade, en publiant des captures d'écran d'articles accusant les militaires d'être responsables estampillées de la mention "Fake News".

 Joe Biden et Rihanna

Mardi, la police avait annoncé ledéploiement immédiat dans tout le pays de son unité anti-émeute alors que les manifestations dans plusieurs villes avaient largement dégénéré. A Lekki, où les incidents ont eu lieu, les manifestations ont cependant toujours été pacifiques. 

Mercredi matin, l'indignation gagnait la toile, bien au-delà des frontières du Nigeria. 

Le candidat à la présidentielle américaine Joe Biden a appelé "le président Buhari et les militaires nigérians à cesser la violente répression des manifestants au Nigeria, qui a déjà fait plusieurs morts", dans un message écrit sur son site internet. 

Les superstars Rihanna et Beyoncé ont également apporté leur soutien: "je me tiens aux côté de mes soeurs et frères nigérians", a écrit Beyoncé sur instragram. 

Cette mobilisation inédite au Nigeria est née début octobre sur les réseaux sociaux pour dénoncer les violences policières et s'est peu à peu muée en un mouvement contre le pouvoir en place et la mauvaise gouvernance.

La présidence du Nigeria a réaffirmé son engagement "de reformer la police" et a de nouveau appelé les manifestants au "calme", dans un communiqué publié mercredi matin, sans évoquer l'attaque de Lekki.

le Mercredi 21 Octobre 2020 à 06:17 | Lu 150 fois