Rentrée scolaire : un défi pour beaucoup de familles


Heinarii et sa petite famille vivent sur un motu en face de l'île de Maupiti.
PAPEETE, le 16 août 2017 - C'est la rentrée ! Les familles Polynésiennes ont préparé cela depuis quelques semaines. Fournitures scolaires, vêtements, tout est prêt ou presque. Aujourd'hui, nous vous parlons de quatre familles vivant dans les archipels éloignés. Comment vivent-elles la rentrée scolaire ? Elles ont accepté de partager leur quotidien, malgré les difficultés financières que certaines rencontrent.

Cartables, cahiers, stylos, règles, livres, vêtements, accessoires… La rentrée scolaire demande beaucoup d'investissement chaque année. Si certaines familles arrivent à s'en sortir, d'autres ont du mal à joindre les deux bouts pour satisfaire au mieux leurs enfants.

Mais la rentrée scolaire, c'est aussi le transport des enfants. Il faut prendre soit le bus, le bateau ou encore marcher durant de longues heures avant de prendre le bus scolaire.

Pour cette rentrée scolaire, notre rédaction s'est penchée sur le cas de quatre familles résidant dans les archipels éloignés, choisies au hasard.

Pour ces familles, la rentrée scolaire est un défi mais chacune d'elles, à leur manière, arrivent à garder la tête haute, malgré les difficultés financières.

RENCONTRE AVEC HEINARII DE MAUPITI

"L'aînée des enfants fera sa rentrée en classe de 2nde au lycée de Uturoa, à Raiatea.
Résidant sur un motu situé en face de l'île de Maupiti, Heinarii 33 ans, son mari et leurs trois enfants vivent paisiblement grâce aux revenus du patriarche.

L'aînée de la famille fera sa rentrée en classe de 2nde au lycée de Uturoa. Une étape difficile pour Heinarii, "j'ai toujours ce petit souci à me détacher de mon enfant", déclare la mère de famille.

Et si tout est prêt pour la rentrée scolaire de leurs enfants, n'empêche que pour leur fille aînée, Heinarii et son mari ont été obligés de lui ouvrir en compte en banque. "Elle prendra ce qu'il faudra sur Raiatea, vu que ce sont les professeurs qui diront ce qu'il faudra prendre. Donc, pour éviter les vols d'argent, mon mari lui a fait une carte de retrait qu'elle utilisera sur Raiatea, quand elle sortira le mercredi après-midi", explique Heinarii.

Leur cadette âgée de 10 ans restera encore quelques années sur Maupiti avec ses parents et leur petit-frère de 2 ans. Et lorsque celle-ci aura fini son année de 5ème à Maupiti, elle quittera également le domicile familial pour poursuivre ses études à Uturoa, comme sa grande sœur.

Pour l'heure, la mère de famille préfère ne pas y penser. Et ce qui l'a rassure, c'est qu'elle pourra revoir sa fille aînée durant les prochaines vacances scolaires.

Et malgré que son mari ait un travail, parfois, "je fais un peu de coprah à côté pour dépanner dans notre foyer", raconte la mère de famille.

DIRECTION L'ATOLL DE TAKUME AVEC TEHAIHAI

Aux Tuamotu, et plus particulièrement sur l'atoll de Takume, vivent Tehaihai Metua et sa petite famille.

Âgée de 28 ans, la jeune femme s'occupe de ses trois enfants de 8, 7 et 5 ans, pendant que son mari travaille le coprah sur un motu, durant la semaine.

Les jours ne sont pas toujours roses, mais Tehaihai et son mari travaillent dur pour le bonheur de leurs enfants. Et la rentrée scolaire est un challenge pour eux. "C'est dur pour nous deux. Il y a le jubilé qui arrive chez nous, et on manque d'argent. Mon salaire part sur nos enfants, mon mari prend le maa pour toute sa famille, et j'arrive à peine à m'en sortir."

Depuis le mois de novembre Tehaihai travaille pour la commune en Contrat d'accès à l'emploi (CAE), en tant qu'aide-secrétaire. Avec un salaire de 80 000 francs par mois, la jeune femme a du mal à s'en sortir.

"Pour les fournitures scolaires, ce sont les écoles qui fournissent tout ce dont les enfants ont besoin. C'est subventionné par la commune de Makemo. Nous cotisons à l'APE à hauteur de 3 500 francs par enfant", précise Tehaihai. Et pour les vêtements, "j'appelle ma sœur sur Raroia. Mes enfants en ce moment n'ont pas beaucoup de linges. Je couds quelques anciens linges et j'essaye de faire quelque chose de correct. J'aime beaucoup mes enfants parce qu'ils ne sont pas compliqués par rapport à d'autres. Ils ne me demandent pas la lune."

Un train de vie difficile, surtout que "je n'ai pas d'aides de la CPS, parce que durant la tournée qu'il y a eu au mois de mai, il n'y avait pas d'assistante sociale. Du coup, je n'ai pas pu faire la demande. Mais il n'y a pas si longtemps, j'avais fait une demande vestimentaire et on ne m'a jamais rappelée."

Courageuse, Tehaihai se bat pour ses enfants. "Dans mon couple, ce n'est pas trop ça. Du coup, j'essaye de faire avec. Je vis pour mes enfants."

"Mes grands-parents m'ont appris à faire du pain et du firifiri. Donc, le dimanche, je vends tout ça et l'argent que j'ai c'est pour mes enfants en attendant ma paie à la fin du mois", poursuit Tehaihai. "Mes enfants me demandent des fois des jouets, mais je ne peux pas leur offrir ce qu'ils veulent. Ça me fait mal. Mais je fais un effort pour leur donner autre chose pour qu'ils soient contents."

Son contrat arrivera à terme au mois de novembre, et "si mon contrat ne sera pas renouvelé, je retournerai dans le coprah."

À RIKITEA AVEC TEAPIKIU ET SA FAMILLE

Au Sud-Est de Takume, se trouve l'île de Rikitea, dans l'archipel des Gambier. Plus de 1500 habitants résident sur place, et parmi eux, on retrouve Teapikiu Uparatia, 41 ans, son mari et leurs trois enfants, âgés de 14, 12 et 8 ans.

Depuis le mois de mars, le père de famille travaille pour la mairie des Gambier, en tant que CAE. Avec un salaire d'au moins 130 000 francs, la famille arrive tant bien que mal à s'en sortir. "La vie est très chère ici, et c'est difficile pour nous", s'écrie la mère de famille, en citant quelques exemples : " Pour un carton vrac, il faut payer 3 500 francs ou 4 000 francs. Une bonbonne de gaz à 3 000 francs, nous sommes obligés de serrer la ceinture des fois. Pour avoir un tricot, il faut compter plus de 3 000 francs ici à Rikitea. Il n'y a pas de tricot à 1 000 francs. Pareil pour les collants, c'est plus de 3 000 francs aussi."

"Le service social nous aide pour l'alimentation et les vêtements des enfants", poursuit Teapikiu Uparatia.
Et pour cette rentrée scolaire, la mère de famille assure avoir mis en peu d'argent de côté. Mais "je n'ai plus de prise en charge par le service social puisque mon mari est en contrat avec la mairie. Donc, je me débrouille pour les vêtements, et si on ne peut pas en avoir, eh bien, les enfants mettront les lignes qu'ils utilisent habituellement."

"Pour les affaires d'école, il va falloir que l'on paie 10 000 par enfant. On est obligés parce qu'il y a une qui va entrer en 4ème et l'autre en 5ème", indique Teapikiu.

Et à Rikitea, lorsque les enfants arrivent au collège, ils intègrent soit le collège de Hao, ou soit le collège privé des Frères, ce qui revient un peu plus cher pour les familles. Mais c'est la meilleure solution pour Teapikiu, "parce que c'est très difficile pour mes enfants". Ce qui pourrait paraitre paradoxale, surtout que la famille peine à s'en sortir financièrement.

Mais ce qui pousse Teapikiu à garder ses enfants près d'elle, c'est leur santé. En effet, les trois enfants sont suivis de près sur le plan médical. "Une de mes enfants est en longue maladie, elle a le RAA. Mon fils a le pied-bot, et l'ainée a aussi des problèmes de santé", confie la mère de famille.

Et lorsqu'il faut, des mesures d'evasan sont entreprises sur Papeete.

Du coup, pas d'autre choix que de se plier aux règles de l'école. "Je suis obligée de payer 2 500 francs par mois par enfant pour l'assurance scolaire. Là, ça va mon mari travaille, mais une fois qu'il aura fini son contrat, je serai obligée de prendre les allocations des enfants. Je ne peux plus bénéficier de quoi que ce soit, tant que mon mari est sous contrat. Je suis obligée d'acheter leurs sacs d'école, en plus c'est cher ici."

Un contrat qui devrait prendre fin vers octobre-novembre, selon Teapikiu.

"Quand mon mari ne travaille pas, j'essaye de vendre des firifiri ou des petits pains pour acheter le poulet, le riz."

Une vie assez dure pour ce couple. Mais ensemble, ils font ce qu'ils peuvent pour que leurs enfants puissent aller à l'école, afin qu'ils aient une vie meilleure.

À TUBUAI, LUCINDA ET PATRICK S'EN SORTENT GRÂCE À LA CPS

Et pour terminer notre tour d'horizon polynésien, on se retrouve à Tubuai, dans l'archipel des Australes. Là, Patrick, 35 ans et son épouse Lucinda, 31 ans prépare non seulement la rentrée de leurs trois enfants (9 ans, 7 ans, 4 ans), mais ils doivent aussi garder un œil sur leur bébé de 5 mois.

Dans cette famille, le père travaille occasionnellement pour la mairie en tant que CAE. Lucinda, elle, vend des casse-croûte dans le snack de sa mère.

Avec des revenus modestes, Lucinda et Patrick travaillent sans relâche pour subvenir aux besoins de leurs enfants. "Je m'en sors plutôt bien parce qu'on arrive à gérer notre argent, il faut économiser. J'explique aux enfants quand il faut qu'on économise. Je leur dit qu'on ne peut pas acheter telle chose ou tel maa parce qu'on n'a pas assez d'argent. Et les enfants comprennent, ils me disent : d'accord !", raconte la mère de famille.

Et pour la rentrée scolaire, tout est prêt ! "On paie 1 500 francs par enfant à la coopérative. Avec ces 1 500 francs, on a les affaires d'école, mais nous devons acheter les sacs à dos. Pour l'assurance, c'est nous-mêmes qui payons. Mais si tu as un complément familial c'est la CPS qui paie", explique Lucinda.

Fort heureusement, Lucinda bénéficie du complément familial. "Ce n'est pas tout le monde qui peut bénéficier de ce complément. Si tu touches moins du SMIG, tu peux faire ta demande", prévient-elle.

Mais, "les enfants n'ont pas de bourse parce que nous bénéficions du complément familial. Maintenant, ceux qui sont au RSPF touchent le complément familial. Mon mari est en contrat avec la mairie, donc, nous sommes au régime salariés. Et puisque nous percevons moins que le SMIG eh bien, nous avons droit au complément familial."

Pareil pour les vêtements, "on a l'allocation d'aides aux familles pour la pré-rentrée. Donc, on prend dessus pour acheter leurs linges. Si tu es au RSPF, c'est 10 000 francs par enfant. S'ils peuvent toujours mettre leurs linges, eh bien, ils gardent leurs anciens vêtements."

Le couple bénéficie d'autres aides de la CPS : "Pour la cantine, si tu n'as pas de complément familial, tu paies 3 000 francs par trimestre et par enfant. Si tu es salarié et que tu touches moins du SMIG, tu bénéficies du complément. Il y a aussi l'allocation pour la pré-rentrée qui est à 10 000 par enfant, si tu es au RSPF. Mais si tu es salarié, ça dépend de la tranche d'âge et de la classe de ton enfant."

Autant de dispositifs qui sont mis à la disposition des familles pour les aider dans leurs démarches. En attendant, la rentrée scolaire, Lucinda reçoit aussi des vêtements venant de ses frères et sœurs de Tahiti.

La rentrée scolaire démarre aujourd'hui avec la pré-rentrée des collégiens et lycéens, les professeurs quant à eux, ont déjà démarré lundi dernier. Dans le premier degré, les professeurs des écoles font leur pré-rentrée également aujourd'hui. L'ensemble des élèves seront en classe dès demain.

Grâce aux différentes aides de la CPS, la famille arrive à s'en sortir.

Rédigé par Corinne Tehetia le Mercredi 16 Aout 2017 à 04:00 | Lu 2328 fois